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Le Panda Rouge

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12 février 2007

Droit fiscal et finances publiques L2 S4

Droit fiscal et finances publiques.

Introduction : Notion et définition de l'impôt.

Définition classique : « l'impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité à titre définitif et sans contre partie en vue de la couverture des charges publiques » (GASTON JEZE).

L'intérêt de cette définition est qu'elle va nous permettre de préciser quels sont les éléments traditionnels inhérents au prélèvement fiscal et quels sont les éléments variables, évolutifs de cette notion.

Paragraphe 1 : Les éléments traditionnels de la notion d'impôt.

Le caractère forcé du prélèvement fiscal.

L'impôt est un acte de l'Etat, un des critères de l'existence d'une puissance publique. Ce qui va démontrer ce caractère contraignant du prélèvement est l'échec de toute tentative de faire de l'impôt autre chose qu'un prélèvement forcé. Par exemple, à la fin du règne de Louis XIV, il y a eu échec de l'initiative d'apporter la vaisselle d'argent à la monnaie.

De même, sous la révolution, en réaction avec la fiscalité de l'ancien régime on a eu un changement de terminologie qui voulait marquer un caractère non contraignant à la contribution, cela marque le caractère accepté du prélèvement fiscal. On a aussi proposé que l'Etat soit financé par les offrandes volontaires des citoyens.

Enfin, en 1871, pour couvrir les indemnités de guerre il y a eu idée que les pièces d'or soient apportées volontairement par les français. Ces initiatives n'ont pas donné de résultat suffisant ou durables. Ces limites montrent que s'il n'y a pas d'impôt forcé, il n'y a pas véritablement d'impôt.

Les emprunts sont volontaires mais font l'objet d'un remboursement, d'une rémunération.
Si tout impôt est obligatoirement un prélèvement obligatoire, tout prélèvement obligatoire n'est pas nécessairement et juridiquement un impôt.

L'impôt a pour objet de couvrir les charges publiques.

Les premières raison du recours à l'impôt a été le recouvrement des charges militaires. Il est ensuite apparu comme le meilleur moyen d'alimenter le budget (faire face aux dépenses). On peut se demander si l'impôt est le seul moyen de couvrir les charges publiques et si l'objet de l'impôt est seulement la couverture des charges publiques. En fait, si la couverture des charges publiques reste la fonction principale de l'impôt, il y en a d'autres.

Le caractère sans contrepartie de l'impôt.

Le caractère définitif.

L'impôt a un caractère définitif c'est à dire que la somme versée par le contribuable est payée de façon définitive et n'est pas récupérable par lui. Ce caractère ne souffre pas d'exceptions ou alors d'une extrême marginalité (par exemple, en 1974, quand il y a eu l'instauration d'un prélèvement conjoncturel de lutte contre l'inflation, la « serviette », il s'agissait de pénaliser les entreprises qui avaient un comportement inflationniste, elles devaient verser ce prélèvement mais celui-ci leur était remboursé un an et demi après si le comportement de l'entreprise avait changé entre temps, cela n'a jamais été appliqué).

Le prélèvement sans contre partie.

C'est au travers de ce caractère que l'on distingue l'impôt d'autres formes de prélèvements. Cette distinction est rendue d'autant plus difficile que le vocabulaire est extrêmement riche. Il n'y a qu'une seule hypothèse où la confusion est exclue, c'est quand la loi parle expressément d'impôt mais, très souvent, quand d'autres termes sont invoqués on est en présence d'impôt : taxe, droit, contribution (CSG, CRDS).

Il y a une distinction traditionnelle entre l'impôt et les taxes et redevances en raison de l'existence ou de l'absence d'une contre partie. Dans l'article 34 de la constitution il est fait référence aux impositions de toute nature (ITN), la jurisprudence du conseil constitutionnel est une jurisprudence qui a tendance à élargir cette qualification car, quand il y a ITN, il y a compétence du législateur.

Les taxes et redevances sont la contre partie d'un service rendu par la puissance publique. Pour ce qui est des taxes, le montant du prélèvement était sans rapport direct avec la valeur de la prestation fournie.

Dans l'hypothèse de la redevance (arrêt 1958) il y a équivalence entre la valeur de la prestation fournie et le montant de la somme exigée (prix payé par l'usager). Le comportement du juge administratif et du juge constitutionnel a diminué la part des taxes au profit des ITN.

Il y a d'autres prélèvements comme les cotisations sociales (assimilables ni à un impôt ni à une taxe) et les taxes parafiscales. Les taxes parafiscales sont des prélèvements opérés dans un but économique et social au profit d'organes de droit public ou de droit privé chargés d'une mission de service public. Ces taxes disparaîtront le 31 décembre 2003 suite à la LO de 2001.

Jusqu'à maintenant c'était le gouvernement qui les mettaient en œuvre (création d'un pouvoir réglementaire) leur suppression va faire qu'elles vont basculer dans les ITN et ce sera le parlement qui sera compétent pour les mettre en rouvre sans doute sous une forme très différente.

CE, 3/07/1998, Syndicat des médecins d'Aix et de sa région : les contributions annuelles versées par les fonds d'assurance formation des médecins exercé à titre libéral pour financer les conseils de formation libérale et pour financer les conseils de formations libérales continues, ont le caractère d'impôt.

Paragraphe 2 : les éléments alternatifs de la notion d'impôt.

Selon JEZE : « l'impôt est une prestation pécuniaire requise des particuliers » c'est une vision réductrice de l'impôt car l'impôt pèse aussi sur les entreprises personnes morales. Quand JEZE a fait sa définition il n'y avait pas encore d'impôt spécifique aux personnes morales. L'impôt concerne les personnes morales de droit public et de droit privé y compris l’Etat sauf si une disposition expresse les exonère.

Par exemple, pour les taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, l’Etat est exonéré sauf si des terrains ou des immeubles lui procurent des revenus.

Arrêt 29 juillet 1994: le CE a considéré que la LF n'exonérait pas l’Etat du droit de timbre devant les collectivités, il est donc redevable.

L'impôt en nature.

Dans les sociétés moins développées (AR, tiers monde aujourd'hui) l'impôt a pu se manifester sous la forme de prélèvements de denrées ou de prestation de travail (corvée, dîme). Un exercice d'impôt en nature est la « dation en paiement » elle vise la situation lors du règlement de droit de succession de personnes qui bénéficient d’œuvres d'an ou d'objets de grande valeur.

A ce moment là il y a possibilité de s'acquitter des droits de succession par cession d'oeuvres d'art à l’Etat. On a considéré qu'il était souvent plus intéressant d'agir de la sorte que de vendre une partie du patrimoine pour payer les droits de succession.

L'impôt à but interventionniste.

Si le recouvrement des charges publiques est la première fonction de l'impôt, l'impôt peut aussi avoir un objet économique ou social. En matière économique le gouvernement a décidé récemment qu'il y aurait 41 zones franches supplémentaires c'est à dire des zones géographiquement limitées dans lesquelles on accorde des exonérations particulières aux entreprises qui s'y implantent pour les aider.

On est en présence de mesures fiscales qui visent non à faire entrer les impôts dans les caisses de l’Etat mais à améliorer, dans ces zones la situation de l'emploi (on est dans une mesure d’allégement fiscal destinée à alléger une politique publique dans certains secteurs). Il y a aussi des mesures de pénalisation par la fiscalité. Ainsi, les taxes sur les bureaux en Ile de France est une mesure à but tout d'abord économique et social.

La référence à la justice fiscale.

L'article 13 DDHC dispose que la contribution commune doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leur faculté. Le conseil constitutionnel fait référence à l'article 13 DDHC et à la technique fiscale de la progressivité de l'impôt.

Le consentement à l'impôt.

L'article 14 DDHC pose le principe de la légalité de l'impôt dans la mesure où les citoyens peuvent constater par eux même ou leurs représentants la nécessité de l'impôt et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et le taux. A partir de ces éléments on pourrait donner un définition plus actuelle de la notion d'impôt : « L'impôt est un prélèvement essentiellement pécuniaire, légalement requis des personnes physiques et morales par voie d'autorité à titre définitif et sans contre partie directe en vue du financement des dépenses publiques et de l'intervention économique et sociale des pouvoirs publics. »
Partie 1 : La notion générale de fiscalité.

Chapitre 1 : La pression fiscale et la répartition de l'impôt.

Section 1 : La notion de prélèvement obligatoire.

C'est une notion indispensable à évoquer car, si l'impôt est un prélèvement obligatoire, il y a d’autres prélèvements obligatoires que les impôts. Les prélèvements obligatoires se définissent comme l’ensemble des versements effectués au profit des administrations publiques qui ne sont ni volontaires ni assorties d’une contre partie immédiate ou directe et individualisable.

Ces versements se regroupent en 2 catégories : celles des impôts et celle des cotisations sociales. On retrouve ici les prélèvements qui financent les administrations publiques au sens du traité de Maastricht. C'est pourquoi, quand on effectue des comparaisons des prélèvements obligatoires toute autre comparaison serait sans signification.

La notion de prélèvement obligatoire ne va pas sans présenter un certain nombre de difficultés. Par exemple, tout organe étatique n'est pas forcément une administration publique. Par exemple, pour le PTT, les taxes et les redevances perçues n’étaient pas considérées comme des prélèvements obligatoires, mais des redevances.

Les qualifications d'administration publique pose encore de grandes difficultés concernant les organismes sociaux : sont rattachés au régime des administrations les caisses générales sociales, ne le sont pas, les organes mutualistes de droit privé.

Quand on va comptabiliser ces prélèvements, on prendra en considération les cotisations effectives des employeurs et des salariés. Mais on ne prendra pas en considération les cotisations fictives (entreprises fournissant elles même des prestations à leurs salariés). Ce qui rend les comparaisons difficiles d'un pays à l'autre c'est le caractère des prélèvements obligatoires.

Section 2 : L’étude des pressions fiscales comparées.

Il s'agit de comparer des taux de prélèvements obligatoires. Quand on cherche à effectuer des comparaisons tout n'est pas comparable. La pression fiscale varie en fonction du niveau de développement des pays considérés. Par exemple, dans les pays peu développés la pression fiscale est supérieure à 20% du PIB.

Ceci est dû à plusieurs raisons : La richesse est peu répandue, ceux qui auraient pu payer réussissent à éviter de payer, le niveau de protection sociale est beaucoup moins important que dans les pays plus développés.

A l’intérieur des pays développés les situations sont extrêmement variables. Les différences qui existent n'ont plus rien à voir avec le niveau de développement mais avec le choix opéré en matière de prestations sociales. Si l'on part des Etats ayant les taux globaux de prélèvements les plus élevés on distingue 4 catégories de pays :

-- Pression fiscale >50% PIB : Suède, Danemark, Finlande.
-- Pression fiscale entre 42 et 46% du PIB : France, Belgique, Luxembourg, Pays Bas, Italie.

-- Pression fiscale entre 35 et 38% du PIB : Allemagne, Grèce, Espagne, GB.

-- Pression fiscale de 30% du PIB : Irlande, USA, Japon.

La première grande explication est le mode de financement de la protection sociale. Les USA dispose largement d’un mode privé (si un américain veut bénéficier d'un niveau de protection sociale comparable à celui des européens il devra souscrire à des assurances privées, ces sommes ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires).

En Europe, on doit faire des distinctions : en France, on a des cotisations sociales fictives, qui ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires. Dans les pays comme l’Allemagne, ces cotisations sont plus importante que chez nous.

La deuxième explication est le choix de la politique économique et sociale des pays. Dans certains pays le poids des prélèvements obligatoire a reculé suite à des décisions politiques, c'est le cas aux Pays Bas (on est passé de 49% à 45% en 10 ans ) et en Italie (il y a eu augmentation du prélèvement fiscal pour entrer dans la CEE, il ne fallait pas dépasser 3% de déficit par an)

Section 3 : La question de la répartition des charges fiscales.

Le niveau de développement peut être significatif. C'est ainsi que, dans les pays peu développé, les cotisations sociales sont faibles, et, par ailleurs, à l'intérieur des impôts on assiste à une domination de la fiscalité indirecte. Ce qui fait la réussite d'un impôt ce n'est ni les taux pratiqués, ni les caractéristiques internes d'un impôt mais le nombre de contribuables qui doit être élevé.

Des sociétés se sont implantées dans les pays peu développés grâce à des exonérations ce qui handicape les rentrées en matière d'impôt sur les sociétés. Il y a donc faiblesse de la structure des impôts sur les revenus et les sociétés. Si l'on prend les pays développés la part des cotisations sociales est souvent élevée (35 à 40% du poids global des prélèvements obligatoires) ce qui veut dire que la protection sociale est surtout financée par l’impôt.

D'une manière générale ce sont les impôts directs (sur le revenu et le bénéfice des sociétés) qui, le plus souvent occupent la place dominante. Toute fois, c'est un peu moins vrai aujourd'hui qu'il y a une dizaine d'années. Il y a 15 ans 2 pays se singularisaient, la France et l'Italie avec la domination des impôts indirects. C'est toujours vrai pour la France mais moins qu'avant. Il y a eu un rééquilibrage.

D'autres pays sont dans une situation comparable à celle de la France, du moins pour le revenu : Pays Bas, Espagne. Cependant, pour la grande majorité des pays de l'OCDE, la part des impôt sur les bénéfices et revenu est plus importante (RU, Suède, Italie) bien que cette domination soit moins nette aujourd'hui qu'il y a 30 ans. C'est un problème de choix politique.

Dans un pays à économie développée on peut faire en sorte que les impôts indirectes sont dominants dans le système fiscal. L'intérêt est politique, on craint les réactions des contribuables si l'on ne fait que des impôts directs. Par exemple pour la TVA, c'est le commerçant qui va payer l'impôt même si c'est l'acheteur qui en supporte la charge. Cet impôt est considéré comme étant le mieux supporté. En France, l'impôt sur le revenu n'est pas payé à la source c'est à dire au moment ou il a été payé mais un an après, dans d'autres pays les cotisations sociales sont payées à la source.

Chapitre 2 : Les types d'impôt et les techniques fiscales.

Section 1 : Les types d'impôts.

Paragraphe 1 : Les impôts directs et indirects.

C'est une classification très connue Cette distinction est très ancienne mais on n'a jamais trouvé de véritables critères scientifiques de distinction indiscutables.

Les critères administratifs.

C'est le plus fréquemment retenu. Sont des impôts directs les impôts établis et perçus par voie de rôle, le rôle étant un acte administratif désignant notamment le contribuable, indiquant ce qu'il doit et le rendant redevable au trésor public. Quand il y a rôle nominatif, on se trouve en présence d'impôt direct, dans le cas contraire on a un impôt indirect. Ce critère n'est pas suffisant car si l'on prend un impôt sur les sociétés il y a peu de rôle, le rôle n'intervient que quand le contribuable ne fait pas ce qu'il doit faire.

Les critères de l'incidence.

Quand la personne qui paie l'impôt est en même temps celle qui le supporte, à ce moment là on se trouve en . présence d'impôt direct Par exemple, pour l'impôt sur le revenu on dit que celui qui paie son impôt est aussi celui qui le supporte. Pour un impôt comme la TVA, celui qui paie est le commerçant ou l'industriel mais celui qui va supporter le poids de l'impôt est l'acheteur, on est donc en présence d'un impôt indirect. Ce critère n'est pas opérationnel à 100% Si l'on prend l'impôt direct, si l'on a affaire à des professions libérales, on se demande si le professionnel ne cherchera pas à récupérer une partie de ce que le client lui donne.

Le critère touchant à la nature de la matière imposable.

On dira que l'impôt direct porte sur les éléments imposables ayant un caractère de permanence alors que l'impôt indirect portera sur un matière ayant un caractère intermittent. Ce critère n'est pas non plus parfait. On retient le plus souvent le critère administratif.

La distinction a des conséquences sur le rôle du juge : l'impôt indirect relève du juge judiciaire, l'impôt direct du juge administratif.

On a la question de la justice fiscale    pour étudier cette question il faut connaître des éléments de technique fiscale. Généralement on dit que l'impôt direct est plus juste que l'impôt indirect.

Paragraphe 2 : distinction en fonction de la ressource économique taxée.

L'impôt se caractérise comme un prélèvement sur la richesse existant chez les individus.

L'imposition sur le revenu.

On trouve ici l'impôt sur le revenu et les sociétés. C'est une forme d'imposition qui peut paraître logique.
Quand on évoque cette imposition on se demande ce qu'est le revenu. Les lois régissant le revenu ne le définissent pas, et pas plus en France qu'à l'étranger. Si on ne définit pas il y a quand même des conceptions dominantes du revenu qui ont évolué. A l'origine ce que l'on entendait par revenu c'était, dans une perspective restrictive, l'existence et le revenu d'un gain, c'était le produit périodique d'une source économique durable. Cette conception a évolué.

Progressivement on a considéré que le revenu était l'enrichissement du contribuable pendant une période donnée (généralement une année) Le changement de conception est plus extensif On a considéré que les plus values réalisées pendant une année seront considérées comme un revenu (conception extensive).

Ainsi, le législateur ne s'est pas enfermé dans une définition compressive du revenu ce qui lui permet d'élargir la conception du revenu. Ceci est une position de principe. Cela n'empêche pas que tel ou tel gain ne fasse pas l'objet d'une imposition mais cela doit être prescrit par la loi (exemple : les gains de jeux ne sont pas des revenus imposables).

L'imposition du capital (patrimoine)

Il y a plusieurs formes d'imposition de patrimoine.

Il peut y avoir des prélèvements exceptionnels pouvant par exemple intervenir dans des périodes exceptionnelles. Ils n'interviennent généralement qu'une seule fois mais leurs taux peuvent être élevés.

On a aussi l'hypothèse de l'imposition annuelle sur le patrimoine. Cette imposition qui porte habituellement sur l'ensemble du patrimoine doit se faire par des taux peu élevés. L'impôt doit pouvoir être acquitté grâce au revenu que procure ce patrimoine. Cette forme d'imposition est pratiqué en France avec l'ISF.

On a aussi l'imposition provenant de la transmission d'un patrimoine soit dans le cas d'une donation, soit dans le cas d'une succession. Des droits sont perçus dans ce cadre là. Le principe est que cette imposition peut intervenir à des taux élevés car elle intervient très rarement.

Enfin on a des impôts qui peuvent frapper qu'un élément du patrimoine, par exemple les taxes foncières sur les propriétés bâties ou non bâties qui ne touchent que les propriétaire.

L'imposition sur la dépense.

Quand il s'agit d'imposer le consommateur on a deux formes d'impositions la forme la plus traditionnelle est les droits indirectes de consommation ou de circulations (droits sur l'alcool. le pétrole, les transports,...) on parlera de tarif spécifique c'est à dire que le taux de l'imposition sera exprimé en unité monétaire par unité de quantité de la base d'imposition.

On aura x euros par tonne transportée ou x euros par litre d'alcool,... l'inconvénient de ce système est qu'il ne prend pas en compte le phénomène de l'inflation, il faut donc réajuster de temps à autre le revenu. C'est pourquoi on peut préférer la taxation du chiffre d'affaire que l'on appelle aussi taxe sur la valeur ajoutée. Le taux d'imposition sera exprimé en pourcentage de la base d'imposition évaluée en numéraire (prix hors taxe).

Ces catégories recoupent en partie les précédentes

-- Revenu : impôt direct
-- Capital : impôt indirect
-- Patrimoine : impôt direct ou indirect selon les types.

Section 2 : Les techniques fiscales.

Le processus fiscal fait apparaître 3 phases champ d'application et assiette de l'impôt, phase de liquidation, phase du recouvrement de l'impôt.

Paragraphe 1 : les techniques applicables à la phase de l'assiette de l'impôt.

Asseoir un impôt c'est déterminer la matière imposable c'est à dire ce sur quoi portera l'impôt, c'est déterminer le montant de la matière imposable.

S'agissant de l'assiette il y a plusieurs techniques applicables et plusieurs options possibles.

La distinction entre impôt réel et personnel.

Ce que l'on appelle impôt réel est ce qui consiste en ce que l'impôt frappe une chose réelle. C'est quelque chose étant considéré uniquement dans sa matière et sa qualité.

L'impôt personnel à l'origine était basé sur la personne imposable (matière imposable) C'est l'hypothèse de l'impôt de capitation cependant la notion d'impôt personnel a évolué et aujourd'hui c'est un impôt qui concerne l'assiette et la liquidation ; elle prend en compte la situation personnelle du contribuable et notamment sa situation familiale. La grande majorité des impôt a un caractère réel (exception relative : impôt sur le revenu ).

La distinction entre impôt analytique et impôt synthétique.

La technique de l'impôt analytique consiste à faire porter l'imposition sur des éléments particuliers de la matière imposable par exemple sur certaines catégories d'individus, sur certains éléments du patrimoine...

A l'inverse la technique de l'impôt synthétique consiste à faire porter l'impôt sur le revenu qui était un impôt cédulaire (une cédule de revenu était une catégorie de revenu) il y avait une imposition particulière pour chacune de ces catégories.

Pour les taxes foncières on peut taxer un élément particulier du patrimoine, c'est un impôt analytique. Dans le cadre de l'imposition sur la dépense, les taxes sur la consommation sont eux aussi des impôts analytiques. A l'inverse, l'impôt analytique porte sur l'ensemble de la matière imposable par exemple l'ensemble du revenu. L'ISF est un impôt synthétique de même que la TVA La tendance générale dans le système fiscal est une diminution sensible de la part des impôts analytiques.

Les modes d'évaluation de la matière imposable.

Pour schématiser on peut dire qu'il y a deux approches, d'une part les modes administratifs d'évaluation, d'autre part les modes contrôlés d'évaluation.
Les modes administratifs d'évaluation.

L'évaluation administrative directe.

C'est l'évaluation faite par l'administration sans utilisation d'une technique particulière. Cela se passait ainsi sous l'Ancien Régime. C'est encore ce que l'on pourra rencontrer dans le système fiscal contemporain à titre de sanction c'est à dire quand le contribuable n'a as fait de déclaration et que l'administration devra effectuer une taxation d'office. L'évaluation administrative n'a qu'un intérêt historique

la méthode indiciaire.

Sous la révolution, dès 1791, on a mis en place cette technique indiciaire (évaluation en fonction de signes extérieurs à la matière imposable) On prend en considération certains indices à    partir desquels on détermine un montant de matière imposable. Ce sont des indices c'est à dire la valeur locative. On peut supposer que plus cette valeur est élevée, plus le contribuable dispose de moyens financiers importants. On partait sur une certitude, on ne saurait pas quelle serait exactement la valeur de la matière imposable. C'est à raison de cette approximation que l'on a par la suite renoncé à l'utilisation de cette technique.

La méthode indiciaire a quand même subsister à l'échelon local, car les impôts locaux, au moins pour partie, reposent encore sur une valeur indiciaire. Elle existe aussi pour l'impôt sur le revenu pou; rétablir un certain équilibre.

la technique du forfait.

Elle est évaluative mais marque un progrès    par rapport à la méthode indiciaire. C'est une forme de contrat conclu à un prix fixé à l'avance les parties renoncent pour une raison de commodité à une évaluation exacte.

Il peut se présenter plusieurs manières d'établir un forfait.

Pour l'impôt sur le revenu deux types de forfaits ont été appliqués    le forfait légal (collectif) qui s'applique pour le forfait individuel  (conventionnel) qui s'applique au bénéfice industriel et commercial Sur le forfait collectif, la base de l'imposition repose sur des éléments préétablis et les contribuables vont se rattacher à l'une des  catégories préétablies on se rattache à la localisation géographique et à la culture, un bénéfice moyen à l'hectare. Le seul problème c'est que si l'on imposait vraiment en fonction d'un bénéfice moyen il v a des gens qui sont au dessus et en dessous de la moyenne, ceux qui seraient en dessous seraient paralysés, ainsi, on place le bénéfice très en dessous de la moyenne.

Il n'y a pas de négociation à ce niveau entre agriculteur contribuable et administration, ce sont des négociations collectives. Pour les commerçants, artisans, on avait un forfait individuel, on avait un négociation entre l'administration et les contribuables d'où se déduisait le montant d'une matière    ,imposable si l'accord ne se faisait pas la commission tranchait le montant de revenu imposable

Depuis 1999 on a abandonné le mécanisme du forfait individuel pour le remplacer par le régime des micro entreprises avec prise  en compte d'abattement forfaitaires. on reste quand même dans une logique forfaitaire
La déclaration contrôlée.

C'est l'évaluation faite par le contribuable lui-même sous le contrôle de l'administration. C'est la technique qui est maintenant très dominante pour la grande majorité des impôts on pratique la déclaration contrôlée.

Paragraphe 2 : les techniques applicables à la phase de la liquidation de l'impôt.

Avec la phase de la liquidation , il s'agit de déterminer le montant de l'impôt. Ici la liquidation est seulement la détermination de l'impôt et non le paiement de l'impôt. Pour calculer ce montant il y a plusieurs techniques.

L’application de la technique de la réparation et de quotité.

On parle d'impôt de répartition quand le montant global de l'imposition est prédéterminé et que cette somme se trouvera répartie entre les différents contribuables. A l'inverse, la technique de la quotité consiste à fixer préalablement le tarif de l'imposition et l'on obtiendra ainsi le montant de l'impôt.

Les impôts de répartition ont été pendant longtemps dominants. Progressivement, la technique de la répartition a été supplantée par la technique de la quotité. La technique de la répartition est relativement figée or, ce qui caractérise l'économie contemporaine est le caractère adaptable.

Aujourd'hui les impôts d'Etat sont des impôts de quotité. Concernant les impôts locaux, la loi du 10 janvier 1980 les a transformés en impôts de quotité (avant c'était des impôts de répartition) : les assemblées délibérantes des communautés votent les impôts locaux. Dans la réalité il y a, concernant les montants de recette fiscale, une détermination à l'avance. On a d'un côté les bases de l'autre, le montant ce qui veut dire que ce qui compte est le montant qui va conditionner le taux (on procède de manière inversée par rapport à ce qui se passe pour l'Etat) en pratique on a toujours des impôts de répartition.

La proportionnalité et progressivité.

La proportionnalité est une technique simple où le taux applicable est fixe, on a le même taux quelque soit le montant de la base de l'imposition

A l'inverse, la technique de la progressivité prend en considération l'évolution de la qualité de matière imposable donc le taux d'imposition augmente avec l'augmentation de la matière imposable.

La question qui se pose est de savoir quelle forme de progressivité on va appliquer. Il y a différentes formes dont des formes d'aménagement. La grande distinction est faite entre la progressivité globale et par tranche.

La progressivité globale . on va répartir les matières imposables en catégories successives chacune de ces catégories subira des taux différents. Ce taux sera un taux unique, global, pour l'ensemble de la matière imposable. Par exemple :
-- de 0 à 10 000 : 0%
-- de 10 001 à 20 000 : 10%
-- de 20 001 à 30 000 : 20%

Si l'on applique la progressivité globale celui qui gagne 25 000 sera imposé à 20%. L'inconvénient de cette technique est que l'on peut vite arriver à des montants d'imposition très élevés. Ensuite l'on a un inconvénient qui concerne les contribuables qui se trouvent aux marges des catégories d'imposition. C'est une pénalisation très forte que l'on appelle le ressaut fiscal.

C'est pourquoi l'on préfère la technique de la progressivité par tranche (c'est la technique qui s'applique en France), à la différence du système précédent l'imposition globale résultera de la somme des impositions pour chaque tranche. On fait comme s'il y avait un cumul d'imposition. Si l'on prend le même exemple que précédemment, si l'on gagne 25 000 on est imposé 0 sur la tranche de 0 à 10000, 1000 sur la tranche de 10 001 à 20 000 et 1000 sur la tranche de 20 001 à 30 000 Avec ce mécanisme, on évite le ressaut fiscal.

Dans la Loi de Finance de 2003, l'impôt sur le revenu pratique cette forme de progressivité, les taux applicables, il y en a 6 qui s'appliqueront.

Le taux marginal de 49,8% s'applique à la fraction supérieure à 47 131 euro (c'est le taux le plus élevé). Cette technique a été mise en avant pour 2 raisons d'abord il s'agit d'une question de justice fiscale car on considère que ce qui est important est moins l'inégalité du taux que le sacrifice, ensuite on a l'argument du rendement de l'impôt, on considère que comme l'on ne peut pas imposer trop lourdement les contribuables qui ont les mêmes ressources, le débat est de dire jusqu'où on doit aller dans l'augmentation des taux car cette augmentation peut être déconstructive.

La technique de la progressivité a été constitutionnalisée par le conseil constitutionnel, notamment la décision 320 DC du 21 juin 1993, il s'agissait de la mise en place d'un taux de 2.4%de la CSG et d'une déductibilité partielle. Le conseil constitutionnel a considéré que cela ne méconnaissait pas l'article 13 DDHC car cela n'entraînait pas une rupture caractéristique de l'inégalité entre contribuables et ne remettait pas en cause le caractère progressif du montant de l'imposition globale de l'impôt sur le revenu.

Il y a bien confirmation de la règle constitutionnelle de la valeur sur la progressivité. Tout le problème est de savoir à partir de quand le conseil constitutionnel considérerait que la remise en cause de la progressivité de l'impôt serait hors la loi.

C. La discrimination des taux.

On a vu avec la progressivité l'augmentation du taux d'imposition avec l'augmentation matérielle imposable. Avec la discrimination des taux c'est la qualité de la matière imposable qui modifie le taux de l'imposition. Par exemple, concernant la TVA cela applique la discrimination des taux, le taux normal est à 19.60%, le taux réduit est à 5.5% (produits alimentaires,...).

Paragraphe 3 : la technique applicable à la phase du recouvrement de l'impôt.

La notion même de recouvrement ne fait pas difficulté, recouvrer un impôt c'est faire entrer l'impôt dans les caisses publiques, faire payer l'impôt au contribuable.

Les organes chargés du recouvrement.

L'affermage.

C'est le recours à des fermiers sous l'ancien régime. Le fermier est un particulier qui a passé un accord avec l’Etat, il verse à l’Etat des sommes préalablement déterminées à la charge pour lui de récupérer cette somme sur les contribuables. Cela concernait les impôts indirects qui étaient affermés. On voit l'avantage du système pour l’Etat : l’Etat avait la garantie que la somme qu'il avait prévu d'encaisser le serait (système de répartition) L'administration fiscale ne payait rien, tout était à la charge du fermier.

La fonction du fermier était une charge qui se vendait et l’Etat encaissait la vente des charges. Si on était dans une mauvaise année et que le fermier n'arrivait pas à verser la somme il devait la verser de sa poche. A l'inverse s'il encaissait une somme plus importante il gardait la différence.

La rémunération du fermier était la somme versée à l’Etat moins la différence. Ce système était très favorable aux fermiers car on pouvait compter sur leur zèle pour faire entrer l'argent mais cela a entraîné l'impopularité du système, il y avait des pratiques très critiquées pour faire payer le contribuable.

Ce système a été abandonné à la révolution, il se pratique encore dans certains pays comme l'Italie mais par l'intermédiaire de banques.

Les collecteurs.

Ils existaient sous l'ancien régime notamment pour la collecte de la taille qui était perçue à l'échelon de la paroisse. Les collecteurs sont les délégués élus par les contribuables. Ce système a été généralisé sous la révolution mais cela n'a pas marché. Il y a eu échec pour deux raisons. La première est que l'on a pas trouvé des gens nécessaires pour cette fonction. La seconde est que quand il s'agissait d'élire des personnes qui vont percevoir l'impôt et que ces personnes veulent être réélues, la tendance est contraire à l'affermage, il y a un mauvais rendement.

La perception par une administration d’Etat.

Cela a été mis en place sous l'ancien régime pour l'impôt direct. Le recouvrement est assuré par des comptables publics qui relèvent de services différents du ministère de l'économie et des finances :

--Le service des droits de douanes (essentiel des droits indirects sur les produits pétroliers).

-- Les comptables du trésor qui recouvrent les impôts sur le revenu, les sociétés, les impôts directs locaux,...
-- Les comptables de la direction générale des impôts.

Dans notre système fiscal on a deux administrations : une administration compétente pour établir l'assiette et la liquidation de l'impôt et d'autres services chargés du recouvrement de l'impôt. Tous les projets de réforme du ministère de l'économie et des finances porte là dessus car cette séparation est une spécificité française. Il y a quelques années le gouvernement avait voulu fusionner tous ces services ce qui a entraîné une opposition du syndicat du ministère de l'économie et des finances qui craignait les suppression d'emploi. Il y a quand même quelque chose qui était engagé, c'est la mise en place d'un interlocuteur principal unique : direction des grandes entreprises qui fusionne les services d'assiette et de liquidation et les services de recouvrement.

Les modalités du recouvrement.

La grande distinction qui doit être faite est la distinction entre l'impôt direct et l'impôt indirect c'est à dire l'existence ou non d'un rôle. Dès qu'il y a rôle nominatif la mise en recouvrement est portée à la connaissance des contribuables par les avertissements qui leur sont adressés par les comptables au trésor, il indique au contribuable les bases d'imposition, le montant d'impôt qu'il doit acquitter, la date de mise en recouvrement et d'exigibilité de l'impôt, la date limite de paiement de l'impôt.

Le non respect de la date limite entraîne une pénalité de 10% de l'impôt. Concernant l'impôt sur le revenu il y a plusieurs modalités d'impositions : on peut payer en une seule fois, en 3 fois sous forme de tiers provisionnel ou chaque mois.

Le droit commun est la technique du tiers provisionnel sauf option pour la mensualisation (nombreux contribuables ont opté pour cette dernière solution) Le mécanisme du tiers provisionnel c'est quand l'impôt sur le revenu n'est pas payé au moment où le revenu est gagné, l'impôt payé en 2003 concerne le revenu gagné en 2002.

On paye en 3 fois avec un premier acompte en février, un second en mai et un troisième en septembre. Les deux premiers tiers sont calculés sur le montant d'imposition de l'année 2002, ils sont calculés sur l'impôt en 2001. Le troisième tiers est un tiers d'ajustement en fonction des revenus de 2002. Souvent le décalage profite au contribuable.

Pour la mensualisation, elle relève de la même logique que le tiers provisionnel à la différence qu'il s'agit de versement calculé sur un dixième de l'impôt payé l'année précédente, dans les deux derniers mois de l'année on procède à des réajustement. Ce prélèvement se fait de manière automatique (pas de risque de pénalisation du contribuable).

En matière d'impôt sur les sociétés la technique est différente : il y a un prélèvement par acompte. Cette technique sera une déclaration faite par le contribuable et, dans le même temps il y aura calcul du montant de son imposition et il versera le montant de l'imposition en même temps qu'il fait sa déclaration.

La technique de la retenue à la source : c'est la technique qui consiste à ce que l'impôt soit prélevé au moment où le revenu est encaissé par le contribuable. C'est une technique qui s'applique partout dans les pays de l’UE sauf en France. En France cette technique ne s'applique pas sur l'impôt sur le revenu mais en matière de contribution sociale et de CSG. En France, il y a eu depuis une trentaine d'année des rapports favorables sur le recouvrement de l'impôt, elle a figuré dans les programme des gens élus mais n'a pas encore été mise en application. On ne produit pas cette technique dans le système fiscal.

Les avantages de cette technique sont réels et nombreux :

-- Une grande sécurité à la fois pour l'administration fiscale et le contribuable.
-- Pour l'administration fiscale peu importe ce que devient le contribuable il suffit que le revenu soit encaissable.

-- Il y a une plus grande sécurité pour le contribuable qui est toujours en capacité de payer l'impôt quelque soit sa situation ultérieure (dans ce système il n'y a pas de décalage).

-- Il y a une plus grande rapidité du système qui facilite les politiques conjoncturelles, qui facilite la plus grande régularité des rentrées fiscale et la plus grande productivité de l'impôt.

Les inconvénients de cette technique :

-- La retenue à la source va instaurer pour le tiers chargé de l'opération une charge supplémentaire. Cette technique soulage l'administration et c'est l'employeur qui va procéder à la retenue (travail supplémentaire).

-- Il y a risque de rendre plus difficile l'application de la personnalisation de l'impôt car on a ici l'addition de l'ensemble des revenus des contribuables.

-- Si l'on passe du mode actuel de la perception à la source il y a une année qui disparaît et cela peut pénaliser certaines personnes.

La raison fondamentale pour laquelle on n'a pas encore appliquer cette technique est la même que celle qui a conduit au refus de réforme du ministère de l'économie et des finances car si l'on passe au système de la retenue à la source cela conduit à de nombreuses suppressions de postes dans l'administration et à des redéploiement.

Chapitre 3 : Principe de légalité et pouvoir fiscal.

Section 1 : L'affirmation du principe de légalité de l'impôt et ses aménagements.

Paragraphe 1 : Le principe de la légalité de l'impôt.

Ce principe est le principe qui fonde notre système fiscal, le cadre de ce système. Ce principe revient à affirmer l'impossibilité de lever l'impôt sans le consentement des contribuables ou de leurs représentants.

L'histoire de la légalité de l'impôt est liée à l'histoire de la démocratie représentative, elle est née en GB avec la grande charte. La France a failli connaître un mécanisme comparable avec Philippe le Bel et les Etats généraux mais cela n'a été réalisé que deux fois.

C'est la révolution qui a réaffirmé le principe de légalité de l'impôt à l'article 14 DDHC : les citoyens ont le droit de constater par eux même ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

Le principe de la légalité, c'est à dire le fait que l'impôt doit être consenti par les citoyens ou leurs représentants, dans l'article 14 DDHC, on a l'affirmation du principe de nécessité de la contribution publique. Le terme de contribution de préférence à l'impôt qui est d'ailleurs associé au principe de légalité fait référence au principe de représentation.

Par la suite, la jurisprudence constitutionnelle fait que la DDHC et incluse dans le bloc de constitutionnalité d'où la valeur constitutionnelle du principe de légalité. Toutes les constitutions françaises depuis celle de 1791 consacrent le principe de la légalité de l'impôt. Cette consécration est encore le fait de l'article 34 de la constitution car la loi fixe les règles de l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des ITN. C'est un principe tout à fait généralisé, tous les pays de l’UE consacrent le principe de la légalité de l'impôt (en Suisse, c'est par référendum).

Il peut y avoir par l'application de la technique fiscale la sollicitation du consentement du contribuable c'est le cas dans la technique du forfait où il y a négociation entre le contribuable et l'administration.

D'une manière générale, c'est l'acceptation du parlement qui est l'expression pleine et entière de ce principe. Cependant ce principe de la légalité de l'impôt connaît un certain nombre d'aménagements.

Paragraphe 2 : Les aménagements au principe de légalité.

Les politiques douanières.

C'est l'occasion de rappeler que les droits douanier constituent bien un prélèvement de nature fiscale.

C'est sans doute dans le domaine douanier que les aménagements sont les plus anciens cela s'explique en raison de la nature des droits de douanes, cette nature étant économique. Il y a une vieille tradition de prérogatives régaliennes concernant les droits de douane, très vite, même si on a rétabli un statut illégal de ces droits.

Si ces droits sont considérés comme des impôts, leur dimension économique de protection de certaines industries ou de l'agriculture nationale la motivation première est de protéger tel ou tel secteur d'activité. Souvent les mesures qui devaient être prises devaient l'être dans l'urgence. On a pris l'habitude, en matière douanière, d'agir par voie réglementaire avec, par la suite, ratification du parlement.

L'affirmation du pouvoir réglementaire.

Cette affirmation s'est faite dès la fin de la IIIème République avec la technique des décrets lois (ce sont des décrets modifiant la loi) Le décret loi intervient sur habilitation du parlement. Sur une période et un sujet donné, le parlement autorisait le gouvernement à prendre des décrets qui obtenaient valeur législative dès ratification par le parlement. Ces procédures on été très pratiquées dans les années 30.

Les décrets loi ont été interdit par la IVème République (article 13 de la constitution)

Sous la Vème République ils ont été constitutionnalisés sous la forme des ordonnances de l'article 38 de la constitution. On a assisté sous la Vème République à une augmentation du pouvoir réglementaire dans le domaine fiscal qui se manifeste dans la préparation des textes fiscaux et dans l'application de ces textes. Sur la préparation des textes fiscaux, ces textes sont pratiqués par la direction de la législation fiscale.

Sur l'application des textes : la loi fiscale se caractérise par son caractère de fonctionnalité or toute loi a besoin ensuite de textes d'application et le nombre de règlements intervenant pour l'application d'une loi est considérable. Il y a une pratique qui consiste à mettre en application des dispositions fiscales avant même leur vote par le parlement, le parlement servant à ratifier les mesures déjà prises.

Le rôle de la doctrine administrative.

C'est la place donnée à l'administration dans l'interprétation qui sera la sienne pour les textes fiscaux. Il y a une marge d'interprétation qui est celle de l'administration et qui apparaît au travers des questions écrites des parlementaires. On a un texte susceptible d'interprétation divergentes.

L'administration a la possibilité de ne pas interpréter de la même manière sur tous les points du territoire. La réponse du ministre va donner l'interprétation officielle de l'administration. Les textes fiscaux résultent d'un vote du parlement mais le ministre sera sollicité par le parlement pour interpréter le texte. Le juge pourra avoir une autre interprétation que celle du parlement.

On a décidé de protéger le contribuable contre les changements de doctrine (article L80 du livre des procédures fiscales) : on ne procédera à aucun prélèvement d'impôt s'il est démontré que l'interprétation du contribuable était formellement admise par l'administration. Si l'administration interprète un texte puisqu'elle change son interprétation le contribuable pourra toujours se prévaloir de la première interprétation.

Les taxes parafiscales (et leur disparition programmée).

La notion de taxe parafiscale est consacrée par l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.
Les taxes parafiscales sont celles perçues obligatoirement dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'Etat, les collectivité et leurs EPA. C'est une définition large qui fait apparaître d'abord le but poursuivi (économique ou social)/

Les bénéficiaires sont les personnes morales de droit public ou privé : EPIC ou les organismes juridiques de droit privé mais chargés d'une mission de service public. Sauf certains textes ultérieurs, sont exclu du bénéfice des taxes parafiscales certains éléments pouvant entrer dans cette définition comme les cotisations sociales.

Le produit global des taxes parafiscales a été, en 2002 de 2.8milliards d'euros dont la majeure partie provient de la redevance audiovisuelle.

Par rapport au principe de la légalité de l'impôt, l'atteinte au principe de légalité provient de ce que leur régime est fixé par voie réglementaire, même si, au delà de l'année de leur création la perception de ces taxes est autorisée par le parlement. D'autant que rien n'interdit au pouvoir réglementaire de mettre en place des taxes pour une année seulement.

Ce qui serait possible et qui ne s'est jamais produit, c'est la création d'une taxe parafiscale et dans l'hypothèse où le parlement aurait rejeté cette création, rien n'interdit au gouvernement de rétablir cette taxe l'année suivante.

En application de l'article 63 de la LO de 2001, ces taxes vont disparaître le 31 décembre 2003 pour être remplacées par on ne sait pas encore quoi, il y a 5 possibilités :
-- L’imposition au profit de l'Etat
-- L’imposition au profit d'une personne morale autre que l'Etat
-- La suppression de tout prélèvement et finance par le budget étatique
-- La mise en place de cotisations dites volontaires au bénéfice des organes concernés
-- L’intérêt général poursuivi n'est plus avéré et on supprime sans compensation.

L'harmonisation communautaire.

Au delà de l'harmonisation communautaire c'est le phénomène d'internationalisation à quoi on peut aboutir.

Le traité de Rome a marqué la volonté de rapprocher les différentes législations de façon à faire disparaître les distorsions fiscales susceptibles de fausser les règles de la concurrence. Se certains produits sont taxés beaucoup plus lourdement dans un pays que dans un autre cela entraîne certaines distorsions fiscales.

Une première harmonisation est la TVA. L'instrument de l'harmonisation est la directive et les différences pouvant exister ne sont pas suffisantes, L'instrument de l'harmonisation est essentiellement la directive (directive du 17 mai 1977).
Puisque l'instrument de l'harmonisation est la directive elle doit faire l'objet dans les pays membres dune adaptation de mise en œuvre. La question posée devant le parlement français :

Quel est le pouvoir du parlement au regard de cette intégration ?

Le parlement va-t-il simplement mettre en œuvre la directive ou peut-il l'amender?

La réponse est que le parlement ne peut pas modifier la directive, il ne peut que refuser de la mettre en œuvre.

N'y a-t-il pas des solutions ?

C'est de faire passer le principe de légalité de l'impôt du champ national au champ européen et donner un véritable pouvoir au parlement européen. On n'est pas encore prêt.

Il existe des conventions fiscales internationales qui sont des conventions de lutte contre la double imposition.

Ces accord sont négociés de gouvernement à gouvernement, certes, formellement, le principe est respecté puisque ces conventions font l'objet d'une approbation parlementaire mais cet accord a un caractère purement formel.

Section 2 : Le contentieux fiscal.

Le problème du contentieux fiscal est celui des rapports entre le contribuable et l'administration qui sera résolu par le juge. Si on dit contestation devant le juge on se demande quel juge. C'est entre l'ordre judiciaire et administratif que se répartissent les différences relatives à l'impôt. En France on ne retient pas la solution qui consiste à fixer à un juge spécifique le contentieux fiscal. Cela dit il n'est pas sûr que des juridictions spécifiques aboutissent à des résultats très différents de ceux à quoi on abouti aujourd'hui.

On a décidé comme difficile en France de confier ce contentieux à un seul ordre de juridiction car cela aurait amené à ce que le juge judiciaire se prononce sur l'action administrative. Il était difficile de confier tout entier le contentieux au juge administratif car tout ce qui concerne l'enregistrement relève du droit privé.

La tendance a été plutôt à l'accroissement des compétences du juge administratif Ce n'est pas une répartition équilibrée, il y a un juge dominant qui est le juge administratif Quand on parle de contentieux fiscal on utilise un expression qui recouvre en réalité différents types de contentieux qui ne seront pas tous abordés dans notre système fiscal :

-- Le recours pour excès de pouvoir : il porte sur des refus d'agréments préalables émanant des juridictions

-- Le contentieux du recouvrement : le contribuable conteste le fond du paiement de l'impôt

-- Le contentieux de l'imposition : c'est le contentieux du montant de l'imposition (il porte sur l'assiette ou la liquidation de l'impôt) c'est un contentieux qui se partage entre le JA et le juge judiciaire.

-- Le contentieux de la responsabilité : mise en jeu d'une action fiscale.

-- Le Contentieux pénal-fiscal : il est caractérisé par l'avis préalable obligatoire dune commission des infractions fiscales doit l'avis favorable ou défavorable va lier le ministre.

Paragraphe 1 : Le contentieux de l'imposition.

La détermination de la compétence.

L’impôt direct.

Après une phase administrative, le contribuable saisi le juge qui sera nécessairement le JA. Si le contentieux est un contentieux important, les jugements administratifs confirment le plus souvent les décisions de l'administration (80%) et sont assez peu remises en cause par les juridictions supérieures.

Le JA dispose d'une plénitude de juridiction sauf l'existence d'une question préjudicielle (par exemple : la question de la nationalité, la propriété littéraire ou artistique,...) quand on se trouve en présence d'un prélèvement, dans le doute, la compétence profitera au JA en cas d'ambiguïté entre impôt direct et indirect. La tendance est à l'élargissement de la compétence du JA.

L’impôt indirect hors TVA.

C'est le juge judiciaire qui est compétent (TGI) on a une procédure comparable à celle suivie par le JA. II y a eu longtemps une particularité, jusqu'au 28 février 1998 : il n'y avait pas d'appel des jugements des TGI en matière fiscale la seule voie de recours était la cassation.

Après les dispositions de la LF de 1997 il a été possible de faire appel d'un jugement du TGI en matière fiscale. Cette compétence se réparti pour des raisons techniques, notamment, s'agissant du droit d'enregistrement, il s'applique à des actes civils (succession,...) il y a des raisons techniques, historiques (quand il est question de droit de propriété ou autre, c'est le juge judiciaire qui est le juge le plus compétent)

B. Le déroulement de l'action juridictionnelle.

Tout va commencer en cas de contestation par le contribuable du montant de l'imposition : soit le mode de calcul est erroné, soit cela ne correspond pas à ce qu'il doit. Il contestera le montant par une réclamation préalable auprès de l'administration, d'est la première phase de l'instance fiscale. L'administration saisie de cette réclamation va apprécier, au regard de la législation ou par une constatation de pur fait (surtout au niveau local).

Les délais de réclamation varient selon les impôts considérés, la règle est qu'ils courent jusqu'au 31 décembre de l'année de qui suit le versement de l'impôt contesté. L'administration disposera d'un délai de 6 mois pour répondre.

Il ne faut pas confondre la réclamation préalable et la juridiction gracieuse. Ce concept de juridiction gracieuse (loi du 27 septembre 1927) a été mise en place pour qualifier les décisions par lesquelles l'administration fiscale se prononce sur des questions fondées sur des dispositions humanitaires (article L 247 du livre des procédures fiscales) ce sont les demandes tendant à obtenir la remise ou une modération d'impôt direct régulièrement établi en cas de gêne ou d'indigence mettant le redevable dans l'impossibilité de se libérer envers le trésor. Cela concernera uniquement les impôts directs, cela tient au décalage du moment entre lequel le revenu est gagné et où il est payé. Le contribuable demande ainsi une mesure de caractère humanitaire quand il ne peut pas payer. La décision est prise par l'administration qui n'a pas à motiver sa décision. Il n'y a pas de recours possible.

Si l'on reprend la question du déroulement de l'action juridictionnelle, après réclamation de l'administré, s'il y a refus de l'administration, il y aura requête devant le TA dans les deux mois qui suivent la notification de la décision de l'administration. Le contribuable doit rester dans le prolongement de sa réclamation préalable, toute fois, depuis 1997, il peut changer sa motivation (invoquer des moyens nouveaux).

Quand le juge est saisi ce dernier peut toujours avoir recours à l'avis d'un expert. Quand on a un jugement d'un TA il y a possibilité d'appel devant la CAA, il doit intervenir dans les 2 mois de la notification du jugement du TA. Il y a une double particularité :

-- Quand l'appel émanera de l'administration, c'est le ministre du budget qui a seul la capacité de faire appel alors que jusque là seul le service des impôts des collectivités territoriales s'opposait au contribuable. S'il y a appel seul le ministre du budget peut faire appel.

-- Le délai de 2 mis ne court que pour le ministre que de la date à laquelle expire un autre délai de 2 mois dont dispose le service des impôts pour transmettre le jugement du tribunal et le dossier l'administration dispose donc d'un délai de 4 mois.

Après l'appel il y aura, le cas échéant, un recours en cassation dans les 2 mis de la notification de la CAA à l'exception de moyens d'ordre public et de moyens nouveaux. Le CE contrôle la matière des faits et il sanctionnera les irrégularités commises par les juges précédents.

En matière fiscale il y a dispense du ministère d'avocat (le contribuable n'est pas obligé d'avoir un avocat).

Devant le juge judiciaire le TGI sera saisi lui aussi dans les 2 mis qui suivent la notification de la décision administrative sur réclamation préalable. La démarche est la même que celle que l'on connaît devant le JA. On admettra que tout moyen nouveau soit présenté par le contribuable devant le juge d'appel.

Cette possibilité d'appel existe depuis le 1er  mars 1998, il doit être formé dans les 2 mois de la notification du jugement. La cour de cassation accepte un moyen nouveau que sil s'agit d'un moyen de pur droit.

Paragraphe 2 : le contentieux du recouvrement.

Comme toute créance publique, l'impôt fait l'objet, dans un premier temps d'une tentative de recouvrement amiable qui est suivie, en cas d'échec d'un recouvrement forcé sous réserve de la procédure du sursis de paiement. Le contentieux du recouvrement est provoqué par les mesures au moyen desquelles l'administration tend à assurer l'exécution forcée au paiement de l'obligation de la dette fiscale.

Il est exclu que soit remise en cause l'assiette, la procédure de recouvrement, le contentieux porte soit sur la régularité de la arme de l'acte de poursuite soit il y aura contestation de l'obligation de payer. Ce contentieux du recouvrement suppose le recours à une contrainte émanant de l'administration.

Le destinataire de l'acte pourra tenter de faire opposition en faisant valoir que l'acte de poursuite est entaché d'une irrégularité de forme (par exemple, irrégularité de notification, compétence de l'auteur de l'acte, non respect des délais, ordre de succession des actes de poursuite).

Le contribuable fera valoir que l'obligation de payer n'existe pas, n'existe plus ou pas complètement, il va contester l'obligation de payer car il dit qu'il a déjà payé (ex : paiement libératoire antérieur), que l'on se trompe de personne, qu'il a déjà payé une partie de ce qu'il doit et que la somme qu'on lui demande est excessive, que la somme n'est plus exigible (cas de prescription) ou que la somme n'est pas encore exigible (cas du sursis).

Quelque soit le motif, la personne poursuivie saisira le chef de service chargé du recouvrement dans le département où est effectué la poursuite (trésorier payeur général ou directeur des services fiscaux) Cette saisine doit intervenir dans les 2 mis de la notification de l'acte de poursuite, celui ci a deux mois pour statuer et s'il rejette la demande qui lui est faite le contribuable disposera de deux mois pour saisir le juge.

Quand il y a une contestation de la validité formelle des actes de poursuite cette contestation devra se faire devant le juge judiciaire. Si la contestation a pour objet la cause même de la poursuite, le juge compétent est le juge de l'impôt.

Paragraphe 3 : l'action en responsabilité.

Enfin le CGI estime qu'un contribuable n'est pas fondé à demander des dommages intérêt ou des indemnités, cela n’exclue pas la responsabilité administrative. cela dit l'activité du fisc a longtemps correspondu à une approche particulièrement peu favorable au JA. D'abord le juge n'admettait cette mise en jeu qu'en cas de faute d'une gravité exceptionnelle.

Puis, le CE est passé à la mise en jeu sur la base de la faute lourde à condition seulement d'avoir de celle-ci une approche restrictive (CE, 21 décembre 1962, Dame Husson-Chiffre).

Par la suite la responsabilité de l'Etat est engagée mais rarement, cette sévérité est aussi liée au recouvrement de l'impôt (CE, 1984, société industrielle de Saint Ouen : faute lourde en matière de redressement judiciaire très important d'une société).

Cette grande rigueur et cette trop forte protection de l'administration a conduit le CE à revenir sur sa JP et, avec le CE, 27 janvier 1990, Bougeois, il a écarté la faute lourde dès lors que les opérations en cause ne comportaient pas de difficultés particulières tenant à l'appréciation de la situation du contribuable.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas exigence de la faute lourde, il faudra apprécier selon les circonstances.

Partie 2 : Le système fiscal Français.

Chapitre 1 : L'impôt sur le revenu.

Alors que, dès le milieu du 19°siècle plusieurs pays d'Europe connaissaient un impôt général sur le revenu cet impôt n'a été introduit en France qu'au début du 20° et avec de grandes difficultés.

C'est un projet présenté par CAILLAUX devant la chambre des députés en 1907 qui a introduit le projet mais il a fallu attendre 1914 pour que cet impôt soit introduit dans notre système fiscal : L15 juillet 1994 qui a introduit l'impôt sur le revenu global ce qui a été suivi de la L 31 juillet 1917 qui a introduit l'impôt cédulaire sur le revenu (catégories).

Le système mis en place était un système de superposition d'impôt, il y avait un impôt cédulaire qui distinguait 8 catégories de revenus frappés à un taux proportionnel mais on pratique une discrimination de l'impôt sur le revenu. Cet impôt cédulaire était complété par un impôt global à taux fixe corrigé par des abattements de moins en moins importants au fur et à mesure que les tranches s'élevaient. Ce système mis en place dans les années 1914-1917 a été systématisé en 1948.

La réforme de 1948 pour les personnes physiques maintien le système superposé : taxe proportionnelle correspondant à l'impôt cédulaire d'avant 1948 et une surtaxe progressive qui frappait le revenu global sans tenir compte de son origine (technique de la progressivité d'impôt) Ce système a fonctionné jusqu'à la loi du 28 décembre 1959 qui a eu volonté d'établir un impôt unique sur le revenu lequel prenait toutes les caractéristiques de la surtaxe progressive.

Section 1 : Champ d'application de l'IR et de l'assiette de l'IR.

Paragraphe 1 : Le champ d'application de l'IR

Il faut déterminer qui sera assujetti à l'impôt. Comment va-t-on déterminé les assujettis à FIR. Le premier critère est celui de la domiciliation en France (non les TOM qui ont leur propre système fiscal et leur propre IR) le contribuable résidant en France est imposable sur l'intégralité de ses revenus quelque soit ses origines, c'est une obligation illimitée.

Il y a une importance de la détermination du domicile fiscal. Pour qu'une personne ait son domicile fiscal situé en France, il faut que le contribuable remplisse l'une des 4 conditions suivantes :

-- La condition du foyer fiscal : le contribuable a son foyer en France (là où sa famille habite généralement) cela peut se réduire à une seule personne. Cette référence au foyer fiscal est la référence prioritaire (CE, Larcher,3 novembre 1995).

-- Le contribuable a en France son lieu de séjour principal, c'est le lieu de séjour de la personne elle-même (on ne tient pas compte de la famille) la personne doit avoir séjourné plus de 6 mois dans l'année en France.

-- La personne exerce en France une activité professionnelle ce qui peut viser une personne qui n'a pas son foyer ni son lieu de séjour principal en France mais qui travaille en France.

-- Le contribuable a en France le centre de ses intérêts économiques : il relève de la compétence de l'administration fiscale française.

-- Ce dernier, normalement ne joue pas, c'est celui de la nationalité.

Ce critère de la nationalité pourra tout de même jouer si le partage ne peut se faire entre deux souverainetés fiscales.

CE, 17 mars 193, MEMMI : soit une personne de nationalité tunisienne, sa nationalité a donné compétence à l'administration tunisienne. Ces critères ont été établis de manière à ce que la compétence de l'administration française soit la plus large possible. Les législateurs étrangers sont très largement comparables à la législation française.

Il va y avoir risque de confrontation de souveraineté fiscale : dans l'hypothèse de quelqu'un qui a son foyer fiscal en France mais qui travaille en Allemagne, il devrait payer deux fois le même impôt car la loi française et la loi allemande sont identiques en matière fiscale. Dans ce cas, seront mises en place, pour éviter ce type de situation des conventions internationales fiscales de lutte contre la double imposition.

Les personnes n'ayant pas en France leur domicile fiscal tel que défini ci-dessus peuvent cependant être soumises à l'IR en France dans les cas limitativement prévus par la loi :

-- Le contribuable n'ayant pas d'habitation en France qui sont passible de l'IR pour leur revenu de source française et à raison de ces seuls revenus

-- Le contribuable qui a une habitation en France et qui sera passible de l'IR soit pour son revenu de source française soit si ces revenus sont faibles on les imposera sur une base forfaitaire correspondant à 3 fois la valeur locative de leur habitation en France : cela vise les personnes qui ont une ou plusieurs habitations en France, qui ont beaucoup d'argent mais qui ont peu de revenu en France.

C'est une possibilité que l'administration se donne et qui concernera un nombre limité de personne.

Quand le contribuable est imposable, on flat jouer la règle de l'imposition par foyer (cellule familiale qui peut très bien se limiter à une seule personne) Traditionnellement, il y avait un chef de foyer fiscal qui était le père de famille mais progressivement on a étendu la capacité fiscale de la femme mariée. C'est à dire que les époux sont soumis à une imposition commune réciproque ainsi que pour leurs enfants fiscalement à charge, l'imposition est établie au nom de l'époux.

Depuis 1983, les deux époux doivent conjointement signer la déclaration de revenu. S'ils sont séparés de bien et ne vivent pas sous le même toit ou s'ils sont en instance de divorce ou si l'un d'eux abandonne le domicile conjugal ou si chacun dispose de revenu distinct : déclaration séparée sous contrôle strict du juge.

CE, 18 janvier 1998, Me Lamonica. TA de Nice avait annulé une décision administrative qui refusait à Me Lamonica le bénéfice de l'imposition commune cette personne était établie à Nice et son mari, médecin, au Canada. Pour le CE, il n'y a pas eu pour autant cessation de vie commune et donc pas de séparation fiscale.

Dans l'hypothèse de la séparation des revenus de l'année au cours de laquelle la séparation intervient il y aura 3 impositions différentes : une déclaration commune pour la période du premier janvier au 31 mars et deux déclarations séparées pour la période du 31 mars au 31 décembre.

C'est la même chose quand il y a mariage. ce système a été repris de manière comparable pour les personnes souscrivant un PACS : les partenaires font l'objet d'une imposition commune tant pour leurs bénéfices personnels que pour les personnes à leur charge ceci à partir de la 3° année du PACS.

Il existe des cas d'exonération pour les agents diplomatiques et consulaires de nationalité étrangère dans la mesure où les pays qu'ils représentent assurent la réciprocité aux agents diplomatiques et consulaires français. Ne sont pas exonérés les pensions des agents diplomatiques vivant en France.

Il ne faut pas confondre ces situations d'exonération et les situations où le contribuable ne paiera pas l'IR à raison de la modestie de ses revenus. Quand le montant de l'impôt est inférieur à 61 euros, l'impôt ne sera pas perçu, mais les contribuables sont toujours assujettis. Si on est dans la situation où l'on dispose d'un revenu on doit faire une déclaration même si ce revenue est notoirement insuffisant.

Paragraphe 2 : La détermination du revenu imposable, revenu global et catégorie de revenu.

Le concept de revenu est une conception de plus en plus large. Toute fois il y a encore des gains qui échappent à l'imposition sur le revenu :
-- Ceux provenant des libéralités (donations, succession) ils sont soumis au droit sur les successions à titre gratuit.

-- Les cadeaux d'usage
-- Les subsides versées bénévolement par un tiers
-- L'argent de poche
-- Les gains de jeux
-- Les gains résultant des assurances
-- Quand une personne adhère à une mutuelle pour compléter le régime obligatoire de sécurité sociale, les indemnités ou rentes échappent à l'IR
-- Les gains résultant des indexations
-- Les prestations sociales ou allocation familiales
-- Les indemnités compensant un appauvrissement
-- Les indemnités pour licenciement abusif

Sont des exceptions prévues par la loi le revenu imposable est un revenu net, c'est un revenu annuel, c'est un revenu disponible, effectivement perçu par le contribuable.

Quand on va établir l'assiette de l'IR, pour asseoir l'impôt on va procéder de façon successive à un certain nombre d'opérations : il faut déterminer le résultat net de chacune des catégories. On évalue ensuit le revenu brut global constitué par l'addition des revenus nets catégoriels, on fait ensuite l'addition ce qui conduit au revenu brut global qui permet de déterminer le revenu net global qui représente un certain nombre de charges de revenu brut. Enfin on évaluera le revenu net imposable touchant des abattements ou déduction. C'est la phase qui détermine les revenus nets catégoriels.

Les différentes catégories de revenus :

-- Les bénéfices agricoles (BA)
-- Les revenus des capitaux mobiliers et revenus assimilés
-- La rémunération des dirigeants de société
-- Une plus value non professionnelle des particuliers
-- Les BIC (bénéfices industriels et commerciaux)
-- Les bénéfices non commerciaux (BNC)
-- Les traitements et salaires
-- Les revenus fonciers

Traitement et salaires.

C'est la catégorie la plus importante (80% des impôts). Il y a deux sous catégories :

-- Les revenus qui trouvent leur source dans des rémunérations versées soit par les personnes publiques soit par les entreprises ou les particuliers par les personnes qui sont à leur service.

-- Les pensions et les retraites viagères sont des allocations de ressources servis par les ASSEDIC, les pensions alimentaires obligatoires, les rentes viagères qui sont versées à titre gratuit ou onéreux (allocations versées par le débit rentier à un crédit rentier en exécution soit d'un engagement contractuel soit d'un jugement).

Pour les traitements, la totalité est prise en considération . primes, avantages, complément de salaire. Des éléments sont rattachés au salaire et ne seront pas pris en compte :
-- Les indemnités de licenciement
-- Les compensations des préjudices
-- Les indemnités de départ à la retraite
-- Les indemnités forfaitaires pour frais et mission.

Par contre, sont assujettis les primes de départ volontaire (étalement sur 2 ou 3 ans) et les indemnités versées en vertu d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié.

Quand le revenu salarial est connu on part de ce revenu brut et, sur ce revenu on va faire jouer une déduction liée aux frais professionnels qui sera soit une déduction forfaitaire de 10% à laquelle se sont longtemps ajoutés des déductions forfaitaires supplémentaires pour un certain nombre de professions (jusqu'aux revenus de 2001).

Dès les années 70, R. Barre veut supprimer certaines de ces dispositions, il a fallu longtemps pour le faire car c'est à partir d'une décision de 2000 et d'une réforme de 2001. La déduction de 10% est, pour les revenus de 2002, plafonnée à 12 437 euros.

Il pourrait y avoir une déduction en fonction des frais réels : le contribuable peut estimer que ces frais dépassent 10% de son revenu, à ce moment il demande à ce que les compensations correspondent à ses frais. Il devra en faire la demande au moment de la déclaration de revenu s'il peut joindre les justificatifs.

Cette justification peut se faire par tous moyens, il faut donc conserver toutes les pièces justificatives qui s'y rapportent. Cependant, l'obligation de justifier ne doit pas être interprétée dans un sens trop littéral, la justification est admise quand l'administration estime que les dépenses sont en rapport avec les obligations du contribuable. Quand il y a difficulté l'administration apprécie sous contrôle du JA.

Exemples de déductibilité réelle :

-- Les frais de transport du lieu de domicile au lieu de travail : la distance ne doit pas avoir de caractère anormal c'est à dire ne doit pas excéder 40 kilomètres. On admet l'éloignement de plus de 40 kilomètres pour des raisons de santé, pour des raisons ne scolarisation des enfants, du fait de l'exercice de sa profession par le conjoint, pour les raisons d'économie d'un logement à la périphérie (ne de France).

-- Les frais de repas : soit ce sont des frais réels sinon il y a déduction de 4.4 euros par repas. La déduction est possible que si l'éloignement du travail ne permet pas de manger chez soi.

Une fois que l'on a opéré la déduction pour frais professionnels on obtient un revenu net de frais professionnels et sur ce résultat on va appliquer un abattement forfaitaire de 20% qui est lui aussi plafonné à 22 780 euros. On a considéré que les contribuables relevant de la catégorie de traitement et salaires ont peu de possibilité de dissimulation. 20% compensant ce que l'on peut accorder aux salariés (explication de l'abattement)

Les bénéfices industriels et commerciaux.

Les personnes imposables.

Cette catégorie concerne l'imposition des bénéfices réalisés par des personnes physiques dans l'exercice d'une profession industrielle et commerciale ou artisanale. Il s'agit d'imposer les personnes imposables par nature c'est à dire celles qui ont la définition fiscale du commerçant. L'article 46 du CGI assimile aux professions industrielles et commerciales un certain nombre d'activités alors même que les contribuables n'ont pas de qualité de commerçant au sens du code du commerce.

Pendant longtemps, l'administration fiscale considérait de manière différente les contribuables assujettis aux BIC selon qu'ils étaient sur l'article 34 ou 37 du CGI. Cette différence se manifeste sur le fait d'accorder ou non l'abattement de 20%, cet abattement s'applique à des associations de centre de gestion agréé. Le CE a annulé cette interprétation, le 17 novembre 1997 dans l'arrêt MF contre M Pipeau : l'abattement de 20% est étendu à tous ceux qui sont dans les associations de centre de gestion agréé c'est à dire les BIC ou activités assimilées.

Les profits imposables.

En matière de BIC le bénéfice brut comprendra 3 éléments :
-- Le bénéfice d'exploitation
-- Les profits accessoires
-- La plus value d'actif

Le bénéfice brut d'exploitation est la somme des ventes et du stock de fin d'exercice diminué des achats : Bex = (V + SI) - (A + Se)
Avec: V = vente ; SI = stock de fin d'exercice ; A = achat ; Se = stock d'entrée.

Pour ce qui concerne cette phase de détermination des bénéfices imposables cette phase est la phase de détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. A l'origine la société était dans cette même catégorie des BIC ce n'est qu'en 1948 que l'on a créé un impôt sur les sociétés mais elle a gardé de son origine certaines caractéristiques.

Les profits accessoires sont évalués selon les mêmes règles et il en va de même des profits qui s'ajoutent aux Bex, qui ne sont pas liés son activité mais liés à l'activité industrielle et commerciale (activités agricoles ou non commerciale qui pourront être considéré comme prolongement de l'activité industrielle et commerciale par exemple).

Les plus ou moins value d'actif: elles vont provenir de la cession d'éléments de l'actif de l'entreprise. Cette plus ou moins value va être intégrée au bénéfice, si c'est une plus value elle va s'ajouter et l'on différencie la plus value à long et court terme.

Quand le bien vendu a été détenu pendant moins de deux ans on est en présence d'une plus value à court terme. Quant à la plus value à court terme elle est simplement ajoutée au revenu annuel. Quant à la plus value à long terme elle ne sera pas ajoutée au bénéfice d'exploitation mais à l'impôt à un taux de 16%.

Le bénéfice net se calcule: Bex - charges déductibles.

Les charges déductibles comprennent : les frais généraux, les amortissements, les provisions.
Les frais généraux : ce sont les loyers et charges locatives, ce sont également les frais d'entretien de réparation, plus généralement toutes les charges de gestion courante : frais de mission, de déplacement, de téléphone, de documents, cadeaux d'entreprise (sous le contrôle de l'administration qui vérifie si le cadeau relève bien de l’intérêt de l'entreprise) On trouvera également les frais de recherche ou encore les dépenses de logiciel.

Les amortissements: c'est la constatation comptable de la perte subie par la valeur d'actif des immobilisations qui se déprécie avec le temps. Cela va venir chaque année de façon à ce que ce bien fasse l'objet d'une déduction intégrale de façon à le remplacer par un autre.

Par exemple, on opère une déduction en rapport avec la durée prévue d'utilisation en fonction de cette durée , on a une matière que l'on va utiliser pendant 10 ans, pendant 10 ans on va déduire 10% chaque année. Si la durée est de 5 ans on déduit 20% par an et au bout de 5 ans on aura une déduction intégrale, les 20% viendront chaque année en déduction du bénéfice brut.

Les provisions : c'est une fraction du bénéfice que le contribuable mettra de côté en vue de faire face ultérieurement soit à une dépréciation, soit à la perte d'un élément d'actif soit à une charge qui n'est pas encore effective à la clôture de l'exercice mais que des événements en cours rendent probable. Cela consiste à anticiper une perte, une dépréciation.

Il peut être de bonne politique dans une entreprise de mettre de l'argent de côté mais la provision n'est pas forcément admise du point de vue fiscal. La provision n'est admise que quand la perte présente un caractère de grande probabilité.

Les régimes d'impositions.

Les modes d'évaluation sont au nombre de 3 : Le régime des micro entreprises, l’évaluation réelle simplifiée et l’évaluation réelle normale.

Le régime des micro entreprises.

Jusqu'en 1999 le forfait s'appliquait pour les contribuables qui réalisaient un bénéfice brut supérieur à 500 000f pour les activités de vente pour les hôtels, cafés, restaurant et 150 000f pour les autres (prestation de service).

Le contribuable assujetti au forfait pouvait toujours opter pour le régime du réel simplifié (évaluation plus précise).

Dans le forfait administratif, on procédait à une évaluation à partir d'éléments dont elle disposait déjà et d'éléments fournis par le contribuable. Si le contribuable était d'accord il n'y avait pas de problème, s'il contestait on discutait puis, si le désaccord persistait la décision de fixation du forfait était prise par la commission départementale des impôts composée paritairement de représentants des contribuables et de l'administration sous la présidence d'un conseiller de la CA.

Le forfait ainsi fixé l'est pour 2 ans avec prorogation pour une troisième année si la personne ne dénonçait pas le forfait. Une règle de l'intangibilité du forfait s'appliquait mais avec 3 exceptions :
-- Une réclamation contentieuse qui abouti
-- Une adaptation du forfait pour tenir compte soit d'un changement d'activité soit d'un changement de législation.
-- Un forfait établi par l'administration sur la base de renseignements inexacts fournis par le contribuable.

Le forfait a moins de contrainte administratives et déclaratives. Les seuls contribuables voulant échapper au forfait étaient ceux qui se trouvaient dans une situation atypique du point de vue de leur profession (salaires très inférieur à ce qu'il devrait être).

L'administration voulait limiter l'importance de cette technique mais n'osait pas s'y attaquer de front. Le moyen trouvé était de ne pas toucher aux limites à partir desquelles on ne peut pas mettre en œuvre le forfait.

En 1999 on a décidé d'abandonner le forfait et de passer au régime des micro entreprises qui s'applique pour les contribuables dont le bénéfice brut (76 300° pour les entreprises et frais de restauration,... 27000° pour les prestataires de service) ce la s'applique pour l'IR et la TVA.

Le contribuable peut toujours opter pour le régime de l'évaluation réelle simplifiée s'il fait le choix c'est pour 5 ans durant lesquels elle est irrévocable, elle peut être renouvelée par tacite reconduction.

Le contribuable du régime micro déclare le montant de son chiffre d'affaire annuel hors taxe et le bénéfice net est calculé après application d'un abattement forfaitaire pour frais, abattement différencié en fonction de la nature de l'activité exercée. L'abattement ne peut être inférieur à 305°. On a pas rompu avec la logique forfaitaire antérieure. Quand les recettes sont inférieures à 76° on n'est pas obligé de les détailler.

L'évaluation réelle simplifiée.

On est en présence d'une déclaration contrôlée. Cela suppose une comptabilité complète et des résultats réels. Cependant il y a encore un allégement des déclarations déclaratives et comptables. Ce régime pour le bénéfice brut est situé entre 76 300° et 763 000° pour les entreprises de vente et entre 27 000` et 230 000° pour les prestataires de service.

L’évaluation réelle normale.

Elle s'applique à partir des seuils limites de l'évaluation réelle simplifiée c'est à dire au dessus de 763 00° pour les entreprises de vente, hôtels, cafés, restaurant et au dessus de 230 000° pour les autres.

Pour tous les contribuables qui sont à l'évaluation réelle et seulement pour eux ils peuvent adhérer à un centre de gestion agréé. Ces centres ont été institué par la LF de 1975, leur objet est d'apporter aux PME et PMI une assistance technique en matière de gestion, l'objet qui était avoué était de rapprocher la situation des salariés et non salariés afin de parvenir à une plus grande égalité entre contribuables.

Cela concerne les contribuables qui sont aux BIC mais aussi les agriculteurs. Ces centres prennent la force d'association type L 1901 avec au départ, au minimum 100 adhérents. L'agrément peut être renouvelé au bout de 3 ans, quand il a été renouvelé une fois, les renouvellement se font tous les 6 ans. Une des conditions de renouvellement touche au nombre d'adhérents qui doit être de 300.

Les centres doivent tenir la comptabilité de leurs adhérents et établir la déclaration de revenu, ils peuvent participer à la formation de leurs adhérents. Les adhérents ont une obligations de sincérité qui passe par la fourniture d'information et de documents nécessaires.

On dit au contribuable que l'adhésion est destinée à permettre une meilleure évaluation des revenus pour inciter les contribuables à adhérer. On leur a accordé notamment le bénéfice de l'abattement de 20% sur le bénéfice imposable dès lors qu'il est établi la sincérité de la déclaration mise en cause.

Les bénéfices agricoles (BA).

Les BA concernent des personnes qui disposent de revenus à raison de l'exploitation de biens ruraux :
-- Les fermiers,
-- Les métayers
-- Les exploitants agricoles
-- Les exploitants forestiers
-- Les exploitant des marées salants
-- Les exploitants avicole, piscicoles,...

En matière agricole, jusque dans les années 70, il y avait uniquement application du forfait puis le forfait a été maintenu en deçà d'un certain montant de revenu brut, au delà on applique les autres régimes (76 300° est le seuil) entre 76 300° et 274 00° il y a un régime réel simplifié. Au delà de 274 000` on a un régime réel normal.

Le caractère du forfait agricole c'est qu'il s'agit d'un forfait collectif: on va déterminer par régions agricoles et par type d'exploitation le bénéfice moyen à L'hectare et le contribuable va être rattaché en fonction du type d'activité. Ce système est, par essence, un système avantageux pour le contribuable, c'est un système avantageux car il n'est pas pensable que l'on applique véritablement un bénéfice moyen.

Le bénéfice moyen est en réalité le bénéfice minimum. Pour que le réel s'applique, c'est une moyenne sur deux ans. L'administration a de toute façon la possibilité de dénoncer le forfait quand le quart des recettes des agriculteurs imposées est obligatoire, si l'exploitant est imposable au bénéfice réel pour des profits qui ne proviennent pas de ses activités agricoles, si l'exploitant se livre à des activités spécifiques.

Les bénéfices non commerciaux (BNC)

Dans le système de 1917 de l'impôt cédulaire on parlait de cédule balais, c'est à dire d'une cédule fourre tout.

On trouve plusieurs sous catégories : les professions libérales, les charges et offices, les professions diverses et variées.

Le bénéfice est accordé quelque soit l'origine du revenu et la qualité du contribuable.

Pour ces contribuables, pendant longtemps c'était le régime du forfait qui s'appliquait. Depuis 1971, on appliquait le montant de la déclaration contrôlée, en 2000 e forfait s'applique jusqu'à 175 000° puis on a une déclaration contrôlée.

Depuis 2000 quand les recettes annuelles brutes sont <27 000 euros, on a le régime des micro BNC.

Depuis 2000 on applique le régime des micro entreprises: les contribuables ne seront pas obligé de souscrire une déclaration détaillée comptable mais devront uniquement indiquer le montant de leurs recettes. Leur bénéfice imposable sera déterminé par application d'un abattement forfaitaire de 37% avec un minimum de 305 euros.

Les revenus fonciers.

Ce sont les revenus sur les propriétés bâties et non bâties dès lors que ces revenus ne sont pas déjà intégrés dans d'autres catégories.

Le revenu taxable sera différent du montant de revenu brut et du total des charges de propriété. Le revenu brut correspond aux recettes brutes effectivement perçues par le propriétaire à quelque titre que ce soit au cours de l'année considérée quelque soit la période à laquelle il se rapporte.

Par rapport à ce revenu brut, on va faire venir en déduction d'abord une déduction forfaitaire de 14% du revenu brut, dépenses de réparation, d'entretien, frais de gérance et de réparation, taxes foncières, intérêt des dettes contractées.
Depuis 98, on a mis en place un régime micro foncier, ce régime permet de bénéficier dès lors que les revenus annuels des loyers sont < 15 000 euros, d'un abattement forfaitaire pour frais qui sera de 40%.

Le revenu imposable résultera de l'addition des revenus catégoriels. Il peut y avoir aussi des soustractions car le déficit constaté pour une année sur une catégorie de revenu peut être imputé sous certaines conditions sur le revenu global. Ces déductions de déficit ne sont pas possibles pour tous les déficits, on ne peut pas déduire les déficits fonciers et ceux provenant des BNC.

Ce revenu global que l'on obtient peut connaître une déduction d'un certain nombre de charges qui peuvent être déduites du revenu.

Quelques charges déductibles du revenu :

-- Une partie de la CSG (5.10%)
-- Les pensions alimentaires versées à un enfant majeur non à charge fiscalement
-- D'autres types de pensions alimentaires
-- Des frais d'accueil d'une personne de plus de 75 ans sous condition de ressources
-- Des souscriptions de part de propriété
-- Des investissements dans les DOM-TOM
-- Des souscriptions en faveur du cinéma ou de l'audio visuel
-- Des versements à régime de retraite par capitalisation.

Section 2 : La liquidation de l'impôt.

Il s'agit de déterminer le montant de l'impôt, cela passe d'abord par la connaissance de la situation familiale.

Paragraphe I : L’aménagement familial de l'impôt.

L'IR repose sur le principe de l'imposition par foyer.

Après la 2° GM on a cherché à augmenter la personnalisation de l'impôt et aider les familles nombreuses. On avait constaté un déficit démographique avec la guerre et l'on voulait relancer la natalité.

Il y a eu mise en place du système du quotient familial. Ce système n'est pas la seule technique permettant une meilleure personnalisation de l'impôt et l'aide des familles (en Europe, la France et le Luxembourg utilisant ce système).

Dans ce système il faut déterminer le nombre de personnes à charges et le nombre de parts. A l'origine, les personnes à charge étaient exclusivement les enfants à charge : enfants du contribuable s'ils sont âgés de moins de 18 ans ou moins de 21 ans ou moins de 25 ans s'ils poursuivent leurs études s'ils en font la demande, quelque soit leur âge en cas d'infirmité ou s'ils accomplissent leurs obligations militaires.

Sous les mêmes conditions sont rattachables les enfant que le contribuable a recueilli sous son toit et qui sont à sa charge effective et exclusive.

Depuis 81, les personnes titulaires de la carte d'invalidité sont rattachables s'ils vivent sous le toit du contribuable (173 C. famille).

Une fois déterminé le foyer familiale, on va déterminer le nombre de part :
-- Adulte non personne à charge : l part

-- Deux premiers enfants : 0.5 part

-- A partir du troisième enfant : 1 part

-- Pour les personnes célibataires ayant un enfant à charge il y a 0.5 part supplémentaire pour la première personne à charge, c'est une disposition qui a été mise en place dans les années 50 pour aider les filles mères.

Avec l'évolution des mœurs cela s'est répandu et il y a eu dérive de ce système pour les couples vivant en concubinage qui faisaient des déclarations séparées et chacun prenait un enfant à sa charge, au total il bénéficiaient de 4 parts alors que s'ils étaient mariés ils auraient 3 parts. Donc, à partir de 96, on a supprimé ce bénéfice aux concubins.

Quand une personne se trouve en situation de veuvage cela ne change pas la détermination du nombre de parts.

Paragraphe 2 : Le calcul de l'impôt.

Une fois que l'on connaît le RI et le FF, on fait intervenir le nombre de parts. Il y a 3 étapes :

-- On divise le RI par le nombre de parts et on obtient le revenu correspondant à une part.

-- Sur ce revenu on applique le barème de l'impôt et l'on obtient le montant d'imposition correspondant à une part de revenu.

-- Il reste alors à déterminer le montant de l'imposition pour l'ensemble du RI et on va donc multiplier le résultat obtenu par le nombre de parts et on obtiendra ainsi le montant de l'imposition.

Dans ce mécanisme, on peut concevoir que, pour l'instant, ce procédé peut en étonner quelques un car on divise et on multiplie par le même nombre. En fait, le barème de progressivité de l'impôt s'appliquera à un chiffre d'autant plus faible que le nombre de part sera important, c'est un avantage.

Mais l'inconvénient est que l'avantage fiscal résulte d'une diminution de la progressivité de l'impôt (ce système est idéal pour les familles nombreuses à haut revenu) On a plafonné l'avantage résultant de cette technique du QF à 2051 euros par 1/2 part (que pour les personnes à charge).

Dès lors que les revenus sont peu élevés il est facile de tomber en dessous du seuil où l'on paie l'impôt.

Une fois que l'on a déterminer le montant, on peut, pour les contribuables ayant un montant d'imposition < 772 euros, faire intervenir la décôte. Cette décôte permettra de diminuer encore l'imposition. Cette décôte correspond à la différence entre 386 euros et la moitié du montant de l'impôt.

Quand on va procéder au calcul de l'impôt, on va faire intervenir un certain nombre de réductions d'impôts :

-- La réduction pour frais de garde des jeunes enfants (enfants à charge de moins de 7 ans au 31 décembre de l'année où a été gagné le RI) : peuvent pratiquer cette réduction d'impôt, les personnes seules, les ménages dont les deux conjoints justifie d'un emploie au moins à mi temps ou ne peuvent exercer un emploi pour raison d'invalidité, étude, service militaire. Cette réduction d'impôt correspond au 1/4 du montant des dépenses limité à 2 300 euros par enfant.

-- Les dons consentis par les contribuables peuvent entraîner une réduction d'impôt. Les dons bénéficient d'une réduction d'impôt correspondant à la moitié du don effectué dans la limite de 10°/u du revenu net imposable. Tout cela se faisant sur justificatif (valable que pour les associations reconnues d'utilité publique) Il y a le cas particulier des dons effectués aux repas gratuits, soins, logement des personnes en difficulté (amendement Coluche de 89) : il y a alors une réduction plus importante de 60% du montant de ces versements dans la limite de 407 euros. Les dons effectués au profit de partis politiques ou au bénéfice de candidats aux élections sont réductibles de moitié dans la limite de 10% du RNI avec un plafond de 4500 euros.

-- Les cotisations sociales : réduction de 1%.

-- Les frais d'emploi d'un salarié à domicile : quand on emploi un salarié à domicile, une réduction d'impôt peut intervenir dans la limite de 7 400 euros de la somme versée, c'est la moitié de ce total qui est réduit soit 3700 euros.

-- Les dépenses afférentes à l'habitation principale : ce sont des intérêts, des emprunts contractés sous condition de date. Le taux de réduction est de 25% avec une base de calcul de réduction plafonnée à 2287 euros avec 305 euros par personnes à charge.

-- Acquisition de gros matériel : réduction de 15% des dépenses.

-- Réduction pour acquisition ou transformation des véhicules G.P.L. : avantage fiscal de 1525 euros par véhicule.

-- Réduction d'impôt qui concerne les enfants à charges poursuivant leurs études : 61 euros pour le collège, 153 euros pour le lycée, 183 euros pour le supérieur.

-- Assurance vie.

-- Investissement dans les DOM-TOM.

Il y a aussi des crédits d'impôts : si le montant du crédit est plus important que le montant d'imposition, c'est le trésor qui se trouve à ce moment débiteur vis à vis du redevable. Puisque l'on évoque les crédits d'impôt, il y a le cas particulier de l'avoir fiscal.

Il a été mis en place par la loi du 12 juillet 65 pour les produits et actions distribuées par les sociétés françaises. Le mécanisme mis en place est le suivant : le bénéficiaire de l'avoir fiscal échappe à la retenue à la source il a droit à un avoir fiscal inclus dans sa déclaration mais cette somme sera ensuite déduite du montant de l'impôt du parle bénéficiaire. Si ce montant excède la somme imposée la différence sera versée au contribuable (l'avoir fiscal est de 1/2 du montant du dividende versé).

Depuis 2001 il y a la prime pour l'emploi pour les personnes domiciliées en France qui ont des revenus d'activité professionnelle faible. II faut que l'un des membres du foyer ait une activité professionnelle. Il faut que le revenu fiscal soit < 23 944 euros pour un couple, < 972 euros pour une personne seule, le montant annuel des revenus d'activité de chaque membre du foyer familiale doit être compris entre 3 265 et 15 235 euros.

Section 3 : L'apparition et le développement d'une fiscalité sociale assise sur le revenu.

Paragraphe 1 : La CSG.

La CSG a été mise en place par la loi du 26 décembre 90, on est en présence d'une forme d'IR dont le produit est destiné à couvrir les dépenses sociales en lieu et place de cotisations sociales.

La CSG porte sur trois types de revenus :
-- Les revenus d'activité et de remplacement
-- Les revenus du patrimoine
-- Les produits de placement.

La tendance est à la fois à l'élargissement de l'assiette et à l'augmentation du taux. En effet, lors de la création de la CSG le taux était de 1.10%, il est passé à 2.4 en 3 ans puis, à partir du 1er janvier 97, le taux est passé à 3.40% mais le supplément de un point est déductible de l'IR Au 1°janvier 98, le taux des salaires a été porté à 7.5% pour les revenus du remplacement (allocation chômage, retraite) le taux sera de 6.7%

Cet impôt a comme caractère d'être proportionnel et à déductibilité partielle ce qui favorise plutôt les hauts revenus.

Paragraphe 2 : La CRDS.

C'est le résultat de l'ampleur des déficits de la sécurité sociale dans les 90' d'où la mise en place d'une CADES LO du 1er janvier 96), et, pour financer cette caisse a été institué la CRDS dont l'assiette est très large. Tous les revenus, à l'exception des produits de l'épargne populaire (livret A) sont touchés. C'est une contribution proportionnelle avec un taux unique de 0.50% , elle est perçue depuis février 96 et avait été mise en place, à l'origine pour 13 ans. La loi de financement de la sécurité sociale de 98 a prolongé de 5 ans la durée de perception de cette CRDS.

Au regard d'une actualité récente on a renoué en 2002 avec le déficit et 2003 s'annonce encore plus déficitaire ce qui veut dire qu'il y aura peut être une disposition qui prolongera l'existence de la CRDS.

Chapitre 2 : L'impôt sur les sociétés (IS)

L'IS a été mis en place par le décret loi du 9 décembre 48 mais cette création ne signifie pas que les sociétés n'étaient pas imposées jusque là. Jusqu'en 48 l'IR était aussi bien un impôt sur les personnes physiques que sur les personnes morales. L'IS a été mis en place pour des raisons techniques et touchant au rendement de l'impôt, la personnalisation de l'IR ne peut pas toucher les personnes morales. Ce n'est pas la seule raison, on a pensé que mettre en place un impôt particulier pourrait entraîner un rendement supérieur.

Section 1 : Champ d'application et assiette de l'IS.

Paragraphe 1 : La détermination des redevables.

La référence est l'article 206 du CGI.

Quand on considère les redevables, on s'aperçoit d'abord qu'il y a des capitaux et assujettissement à titre obligatoire, d'autres part il y a des cas d'exonération, enfin, il y a ceux qui sont placés en dehors du champ d'application.

L'assujettissement à titre obligatoire.

Certaines sociétés ne seront assujetties à raison de leur forme juridique, d'autre le seront à raison de leur activité. Quand c'est la forme juridique, elle concerne les sociétés de capitaux : quelque soit leur objet, sont assujetties les sociétés coopératives ou union coopératives, les entreprises agricoles à responsabilité limitées quand elles sont constituées entre associés non parents et non mariés.

Souvent l'activité exercée entraîne assujettissement :

-- Les sociétés civiles effectuant des opérations commerciales.

-- Les activités relevant des BIC qui sont effectuées par des sociétés civiles (concessionnaire de mines, sociétés civiles exploitant des laboratoires pharmaceutiques à caractère commercial).

-- L’EPIC (EDF-GDF, commissariat d'énergie atomique).

-- Les organismes se livrant à des opérations à caractère lucratif (centre de gestion, assurances de voyage, associations à caractère industriel et commercial).

Les cas d'option en faveur de l'IS.

L'option est possible pour certaines sociétés de personnes, les sociétés civiles qui ne se livrent pas à des activités commerciales, les entreprises agricoles avec associé unique ou familiale, les sociétés de copropriétaire de navire, les groupements d'intérêt public.

L'option doit être notifiée par la société à l'instructeur de l'impôt du lieu de son principal établissement, quand il y a option celle ci présente un caractère irrévocable (on veut éviter les allers retour d'une année sur l'autre).
Les cas d'exonération.

Elle concerne les contribuables qui sont dans le champ d'application mais vont bénéficier d'une disposition particulière qui va les exonérer. Cela concerne les sociétés à capital mixte :

-- Les sociétés par action ayant pour objet de concourir au renforcement de fonds propres des sociétés moins connues.

-- Les sociétés agrées pour le financement des économie d'énergie.

-- Les société de financement des télécommunication.

-- Les société d'investissement en valeur mobilières.

-- Les organismes de construction (ex : HLM).

-- Les coopératives agricoles, artisanales, maritimes ou des transports

-- Les collectivités publiques.

Ces exonérations ont un caractère définitif mais il peut y avoir des exonération à caractère temporaire : dans les TOM ou dans les zones franches. Quand il y a exonération, un texte le prévoit.

Les organismes qui se situent en dehors du champ d'application de l'IS.

C'est le cas des groupement d'intérêt d'entreprises, des sociétés civiles professionnelles dès lors que leur action libérale est prépondérante, des sociétés civiles de moyens qui mettent à la disposition des moyens matériels, des groupements agricoles et forestiers.

La territorialité de l’IS.

Quelque soit la nationalité de l'entreprise, seul sont soumis à l’IS, les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ou dont l'imposition est attribuée à la France par une convention de lutte contre la double imposition, s'il n'y a pas de convention, les bénéfices des entreprises étrangères qui ont leur activité en France sont imposables, pas ceux des entreprises françaises qui ont leur activité à l'étranger, sous réserve de convention de lutte contre la double imposition.

Deux mécanismes dont l'un a disparu ont été mis en place sur agrément du MB :

-- Le mécanisme du bénéfice mondial : on retient l'ensemble des résultats des exploitations directes de l'entreprise en France et à l'étranger.

-- Le Mécanisme du bénéfice consolidé : elle s'applique toujours, c'est l'addition du bénéfice mondial et de tous les résultats des filiales françaises ou étrangères dans lesquelles la société détient de façon directe ou indirecte plus de la moitié des droits de vote dans les conseils d'administration. Cela se fait sur agrément du MB. Cette technique ne concerne en réalité que les grands groupes industriels. L'avantage de cette technique c'est que l'on prend en considération tous les bénéfices et tous les déficits (tout est regroupé) Cela suppose que des accords internationaux le permettent.

Paragraphe 2 : la détermination du bénéfice imposable.

L'IS est un impôt sur les bénéfices. Il ne faut pas confondre le bénéfice et le CA. Concernant le bénéfice imposable, il y a référence à l'article 38 du CGI (bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises y compris notamment les cessions d'éléments quelconque de l'actif soit en cours soit en fin d'exploitation). S'il y a des plus values réalisées, elles vont être prises en considération.

Pour connaître le bénéfice imposable, on va partir d'un bénéfice brut sur lequel on fera intervenir un certain nombre d'éléments déductibles. Le bénéfice brut est le bénéfice résultant de l'addition du bénéfice d'exploitation, des recettes accessoires et des plus ou moins value d'actif.

Concernant les plus values, les PV à court terme (réalisées quand une cession intervient dans les 2 ans suivant l'acquisition d'un bien) sont purement et simplement ajoutées au bénéfice d'exploitation, pour les PV à long terme, on tient compte de l'inflation, elle est imposée à un tarif spécifique qui n'est pas le même que celui pour les PV des BIC car il est à 16%.

Quand on a déterminé le bénéfice brut, on cherche le bénéfice net par soustraction d'éléments déductibles : frais généraux, amortissements, provisions.

Amortissements :

C'est la constatation comptable de la dépréciation avec le temps d'un élément de l'actif immobilisé (bâtiment, matériel utilisés pour l'exploitation de l'entreprise) Cette usure va être prise en compte d'un point de vue fiscal, la dépréciation viendra en diminution du bénéfice imposable de façon à ce que, quand l'usure sera complète il y a eu déduction intégrale de sa valeur pour que l'on puisse le renouveler. Il y a plusieurs méthodes :

-- L’amortissement linéaire : on dégage une annuité constante tout au long de la période d'amortissement. L'annuité est calculée en appliquant au prix de revient un taux qui sera fonction de la durée normale de l'utilisation du bien. Par exemple si l'on achète du matériel dont la durée d'utilisation prévisible est de 10 ans, si l'on veut réduire pendant 10 ans une partie de la valeur du bien et qu'au bout de 10 ans on a une déduction intégrale (on déduit de 10% chaque année)

-- L’amortissement accéléré : pour permettre de renouveler plus rapidement dans certaines matières on fait que l'amortissement se déroule dans un temps beaucoup plus bref

-- L’amortissement dégressif : on part la première année par un amortissement linéaire, le taux d'amortissement se détermine non sur la valeur d'origine du bien mais sur la valeur résiduelle, sur le taux on applique un coefficient multiplicateur de 1.25% pour les 2°et 3° années, 1.75% pour les 4° et 5° années, de 2025% pour la 6° année et les suivantes.

-- L’amortissement exceptionnel :il consiste très limitativement (secteur de recherche, de l'environnement) Sur la première année on fait jouer un taux très élevé (40 à 50%) puis on applique les taux linéaires ou dégressifs.

Les amortissements interviennent de façon assez mécanique, on ne peut pas pratiquer des amortissements différés (si certaines années il n'y a pas de bénéfice) car cela constituerait une faute comptable, juridique.

Les provisions :

Ce sont des sommes prélevées sur le bénéfice d'un exercice afin de faire face ultérieurement à une perte ou à la dépréciation d'un élément d'actif ou à une charge qui ne soit pas encore effective mais qui présente un grand caractère de probabilité. Quand il s'agit de la dépréciation d'un élément d'actif c'est un élément qui ne fait pas l'objet d'un amortissement.
Les pertes ou charges peuvent être de nature très diverses. D'un point de vue comptable, il peut être de bonne gestion de provisionner, mais, d'un point de vue fiscal, ce n'est pas nécessairement admis (contrôle très étroit de l'administration)

Pendant longtemps, on a admis des provisions pour fluctuation de cours (entreprises intervenant dans le secteur pétrolier : elles pouvaient faire une provision pour se garantir contre les fluctuations des cours des matières premières) il y a eu aussi provision pour indemnité de licenciement (supprimée aujourd'hui)

La question du report de déficit.

C'est un déficit que l'on peut reporter sur le bénéfice des autres années. II y a un régime de droit commun, et , à partir de 85 il y a eu l'option du régime du report en arrière :

-- Le report déficitaire de droit commun : une entreprise est en déficit une année, elle peut reporter ce déficit sur les années à venir pendant 5 ans.

-- Le régime du report en arrière des pertes (carry back) : il ne se fait que sur option, sur demande de la société, le déficit n'est pas reporté sur des années à venir mais sur les années écoulées. Ce retour en arrière peut s'effectuer sur 3 ans.

Si une entreprise, en 2002 est en déficit mais avait fait des bénéfices sur la période 99/2002, on commence le report sur l'année la plus ancienne, on diminue le bénéfice des années antérieures.

Or, en 99, il y a eu un impôt sur le bénéfice, plus tard on diminue ce bénéfice, on va donc recalculer le montant d'imposition en fonction de la situation nouvelle et donc la société va bénéficier d'une créance sur le trésor. Soit cette créance est utilisée et vient en diminution de l'impôt à venir de la société, soit elle est remboursée à la société.

Section 2 : La liquidation et le paiement de l’IS.

Paragraphe 1 : La liquidation.

C'est la phase du calcul de l'impôt. Elle pose peu de difficultés (moins que pour l'IR) car FIS n'a pas de système d'aménagement familial, c'est un impôt proportionnel à taux unique d'imposition quelque soit le montant du bénéfice.

Une fois que l'on a déterminé le bénéfice imposable, on se dit que l'on peut pratiquer des taux élevés (augmentation du taux à 50% en 58, ce qui a prévalu jusqu'au milieu des 80's) A partir du milieu des 80's, on a enclenché une dynamique de diminution des taux et on a imaginé une discrimination des taux selon la nature du bénéfice considéré.

En effet, en s'inspirant du système allemand, on a voulu différencier les bénéfices distribués des autres pour favoriser l'investissement. Ces politiques se sont pratiquées jusqu'en 93 où l'on a unifié à nouveau les taux, avec une retour à un taux uniforme de 33 1/3 (c'est le taux de droit commun qui existe encore aujourd'hui) on a un taux de 33 1/3 quand le bénéfice est < 38 112 euros.

A l'IS se rajoute depuis le 1er janvier 2000 une contribution sociale sur les bénéfices des société (CSB) de 3.3% de l'IS. Cette CSB a pour base le montant de l'IS moins un abattement de 763 000 euros, ainsi, ce sont seulement les sociétés qui ont un IS > 763 000 euros qui vont se voir ajouter ce pourcentage supplémentaire (IS de 34, 43%)

Paragraphe 2 : Le paiement de l'IS.

A la différence de l'IR, l'IS est calculé et payé spontanément par la société elle même. L'IS est payé sous la forme d'acomptes provisionnels (il y en a 4) qui sont fonction du montant d'imposition de l'exercice précédent et sont versés au 15 mars, 15 juin, 15 septembre et 15 décembre. Quand l'exercice est clôt la société fait sa déclaration et paie à ce moment le solde de l'impôt.

Si l'IS correspondant à l'exercice clôt est < à l'IS de l'exercice précédent cela signifie que les versements déjà opérés sont plus importants que l'impôt du au tire de l'exercice, le trésor sera débiteur au titre de la société et à ce moment là, soit la somme est imputée sur les acomptes à venir, soit le trésor verse directement la somme.

Si l'IS est un impôt sur les bénéfices réalisés sur la société, on s'est dit qu'il serait souhaitable que toute société puisse contribuer au moins symboliquement.

A partir de 78, on a mis en place le mécanisme de l'imposition forfaitaire annuelle : toutes les sociétés qui ne font pas de bénéfices sont effectivement débitrices de ces impositions. Au début c'était purement symbolique (en 78 c'était de 3000 francs par société) A partir de 84, on a établi des seuils d'imposition en fonction du CA réalisé par le redevable (maximum de 17 000 francs pour les grandes entreprises) Actuellement on maintient ce système très différencié selon le seuil du CA.

Chapitre 3 : La TVA. C'est un impôt sur le CA.

Il y a 3 modes de taxation du CA :

-- La taxe unique sur le CA : elles ont perçues en un seul point du circuit d'échange qui va du producteur au consommateur

-- Les taxes cumulatives (en cascade) : elles sont prélevées à chacun des stades du circuit de production et de distribution sur des valeurs qui incluent les montants d'imposition supportées au stade antérieur.

-- L'imposition intervient ici encore à chacune des transactions subies par un produit ou un service mais que sur la VA pour chaque transaction par le moyen d'une déduction du montant de taxe payé antérieurement. Le montant finalement perçu est celui d'une taxe unique de même taux dont on aurait fractionner le paiement.

Mise en place de la TVA

-- Elle est apparue avec la L31 décembre 1917 et a été mise en place sur les paiements (taxe unique).

-- La loi du 25 juin 1920 : création d'un impôt cumulatif sur le CA. II a un rendement plus élevé mais fait l'objet de critiques car sur le plan économique, il n'était pas neutre car il favorisait les circuits courts de commercialisation et pénalisait les entreprises à circuit long, de plus, il avait une influence défavorable sur l'équilibre du commerce extérieur (les importations n'étaient imposées qu'une seule fois tandis que les exportations étaient imposées plusieurs fois).

-- En 1925 il y a suppression pour certains produits d'une imposition cumulative et rétablissement d'une taxe unique (complication du système).

-- La loi du 31 décembre 1936 : suppression de la taxe cumulative de 1920, on revient à une taxe unique globale à la production (6% au dernier stade de la production) le problème est que le paiement des taxes est retardé. le recouvrement dépendait de la solvabilité d'un seul contribuable, et cela était insuffisant d'un point de vue budgétaire.

-- La mise en place d'une nouvelle taxe sur le CA : taxes sur les transactions cumulatives de 1%.

-- 1941: Les taxes sur les CL, à l'origine de 0.5%.

-- 1948 : Le régime de la taxe unique devient un régime de paiement fractionné avec une
déduction des taxes payées en amont.

-- La loi du 10 avril 1954 : institution formelle de la TVA ne concernant que certains secteurs d'activité, il y avait alors coexistence de 3 taxes : TVA, taxe locale, taxe sur les prestations de service (cumulative).

-- La loi du 6 janvier 66 appliquée à partir du 1er janvier 68 : la TVA devient le seul mode de taxation du CA.

Ce qui a été vrai pour la France l'a aussi été pour l'ensemble des pays des communautés européennes. Pour entre dans les CE il faut adhérer au système de la TVA comme seul mode de taxation du CA.

Section 1 : Champ d'application et assiette de la TVA.

Paragraphe 1 : Champ d'application.

Les opérations assujetties à titre obligatoire.

Les opérations effectuées à titre onéreux.

Ce sont les opérations effectuées à titre onéreux (article 256-1 CGI) qui sont soumises à la TVA : livraisons de bien et prestations de services. Elles sont effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

Il y a indépendance des activités de production, de commerce ou de prestation de service y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales et assimilées quelque soit le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôt et la forme ou la nature de leur intervention.

Pour qu'il y ait assujettissement à la TVA, 5 conditions sont cumulatives :

-- La présence d'une livraison de bien ou d'une prestation de service.

-- Une activité de caractère économique : c'est une catégorie très large qui comprend les activités commerciales, agricoles, artisanales, extractives, libérales, ...A l'origine les professions libérales n'étaient pas assujetties, à partir de la 6° directive de 77 il y a eu cet assujettissement (certaines professions libérales sont exonérées).

-- Quand un groupement n'a pas d'action à but lucratif à titre principal, mais a quand même des activités commerciale, à ce moment il faut connaître le moment où l'on bascule dans une catégorie commerciale.

-- Les opérations sont effectuées par une personne physique ou morale agissant à tire indépendant . cela exclu les salariés .

-- L'opération doit être réalisée en France : le terme France inclus la principauté de Monaco, les DOM­ TOM (exclusion de la Guyane)

Le champ d'application va s'apprécier opération par opération car certaines opérations ne répondant pas aux critères ne sont pas assujetties.

Il y a un problème car il y a non assujettissement des personnes publiques.

CE, 16 janvier 95, Foyer militaire du 1" régiment d'artillerie de Mont Belliard : aux termes de l'article 256-B du CGI, les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la TVA quand cela n'entraîne pas de distorsions dans le phénomène de la concurrence. Ils ont assujettis pour les opérations d’économat et établissements similaires. La 6° directive attribue la qualité d'assujettis aux cantines. Dans l’arrêt les cantines sont assujetties sauf si, eu égard à leur localisation et à l'affectation des militaires auxquels ils sont destinés ils doivent être regardés comme une nécessité du SP.

Les opérations imposables par détermination de la loi.

Elles ne remplissent pas les critères cumulatifs mais font référence à la loi et particulièrement à l'article 257 CGI.

Les livraisons à soi même.

Il y a deux situations : la situation d'autoconsommation et la situation d'auto fabrication.

L'autoconsommation : quand les biens sont utilisés pour les besoins personnels, l'auto consommateur peut engendrer des risques de distorsion de la concurrence s'il n'y a pas de TVA. Quand le bien est de valeur importante on peut considérer que le non assujettissement peut engendrer une distorsion de la concurrence et on appliquera donc la TVA.

L'auto fabrication : on considère que le fait de ne pas assujettir à la TVA pourrait entraîner des distorsions de la concurrence (une entreprise, au lieu d'acheter les produits dont elle a besoin, va les fabriquer elle même)

Les importations.

La notion d'importation a perdu une partie de son intérêt car à l'intérieur de la communauté européenne il n'y a pas d'importation et d'exportation, il n'y a que des échanges intra communautaires. Quand il y a importation, il y aura assujettissement à la TVA et ce sera le service des douanes qui sera le fait générateur de l'assujettissement. B : les opérations assujetties par option (article 260s CGI)

La notion d'option doit être comprise ainsi : il est plutôt intéressant pour un contribuable d'opter pour la TVA, l'option consiste à être assujetti à la TVA ou à un autre impôt. II est plus avantageux d'être assujetti à la TVA qui présente le caractère de pouvoir déduire les montants de taxes ayant frappé le produit au stade antérieure qui n'est pas possible pour l'immense majorité des impôts.

Par rapport à la situation d'il y a 20 ans, le nombre d'options possibles est en diminution car il y a eu élargissement du champ d'application de la TVA.

Les options peuvent jouer pour :

-- Les petits exploitants agricoles (régime simplifié agricole).

-- Les entreprises qui réalisent des opérations sur des matières de récupération.

-- Le secteur bancaire pour certaines commissions.

-- Les fournitures d'eau faites par les personnes morales de droit public (régime obligatoire depuis 93, pour toutes les collectivités > 3000 habitants).
les opérations exonérées.

Les opérations exonérées sont :

-- Les activités administratives à caractère social, éducatif, culturel, administratif dans la mesure où cela n’entraîne pas de distorsion dans la concurrence.

-- Les services rendus à leurs membres par les associations politiques, religieuses, syndicales.

-- Les opérations des établissement hospitaliers mutualistes.

-- Les professions libérales : pour les profession médicales et para médicales.

-- Les opérations qui relèvent de la gestion d'un patrimoine privé sauf si l'addition d'opération fait que l'on est en présence d'une activité quasi professionnelle.

Une personne qui a vendu et acheté un nombre important de tableau : on est en présence d'une véritable activité commerciale et il y aura assujettissement à la TVA.

Le nombre de cas d'exonération diminue du fait de textes JP et communautaire, par exemple, la règle du 12 septembre 200 qui concerne les péages autoroutiers.

Il y a un régime spécifique aux exportations : les exportations ne concernent que la sortie des biens de la CE. Il n'y a pas de véritable exonération de la TVA : s'il y a exonération, il n'y a pas récupération de la TVA perçue au stade antérieur (pas de TVA du tout) Quand il y a exportation, il n'y a pas de RVA perçue lors de l'acte d'exportation, c'est en réalité une imposition au taux 0 et il y a quand même une récupération de la taxe perçue en amont.

Paragraphe 2 : L'assiette de la TVA. Le fait générateur.

Le fait générateur est l'événement qui entraîne l'exigibilité de l'impôt , du fait de la diversité des causes de la TVA il y a plusieurs faits générateurs

-- Pour les ventes : livraison du bien.

-- Pour les livraisons à soi même : première utilisation.

-- Pour les mutations mobilières . rédaction de l'acte notarié.

-- Pour les exportations : passage en douane.

-- Pour les services et travaux immobilier : exécution.

-- Pour les prestations de service : prestation effectuée. La base d'imposition.

Selon l'article 256CGI, la base d'imposition est constituée par le prix total des frais compris du produit ou du service imposé. Certaines éléments du prix sont imposables, d'autres pas. En principe c'est le prix global qui est imposé ce qui inclus les frais de transport, d'assurance, de brevet, de courtage, les frais fiscaux, accessoires, financiers (intérêts apparaissant sur la facture), les frais d'emballage perdus (pas les frais d'emballage récupérables ou consignés). Il y a une majoration pour service rendu. Tout cela apparaît sur la facture. En revanche, quand il y a des rabais, des remises, on impose pas sur le prix officiel du service mais sur le prix effectif Les frais incombant au client ne rentrent pas en considération.

Concernant la question des pourboires (libéralités versées volontairement de la main à la main) traditionnellement elles ne sont pas prises en considération. Il y a un problème car certains pourboires sont obligatoires et sont soumis à la note fournie au client (service compris) . ils font partie de la base d'imposition logiquement.

Toute fois, depuis 1923 et la Loi sur la taxation du CA et depuis la Loi du 1er janvier 68 sur la TVA, il y a eu une tolérance administrative (situation dans lesquelles, au terme des textes il y a assujettissement mais l'administration décide de ne pas imposer) et les pourboires n'étaient pas inclus dans le prix.

Le client était averti du caractère obligatoire du pourboire et devait être intégralement réparti au bénéfice du personnel, le reversement au personnel doit être justifié par le registre du personnel émargé par les membres du personnel, le montant des pourboires devait figuré dans la déclaration de salaire annuel.

CJCE 29 mars 2001: condamnation de cette pratique, cette exonération est contraire au principe directif de la TVA prévoyant que la base d'imposition des services doit comprendre la totalité de la somme payée par le client et pas seulement une partie du prix.

Ne sont pas pris en considération les reprises.

Ne sont pas pris en considération les indemnités (indemnités délictuelles, ...) car elles ne sont que la compensation d'un préjudice.

Section 2 : La liquidation de la TVA.

C'est le calcul du montant de la TVA. On va appliquer pour ce faire un taux à une base d'imposition.

Paragraphe 1 : les taux applicables.

A l'origine il y avait dans la taxation du CA un nombre de taux très important : taxe locale (3 taux), taxe du CA (3 taux).

Avec la TVA i  y a une diminution du nombre de taux applicable.

Au début des 60's il y a eu une étude sur la question de la simplification de la TVA avec une commission très favorable à la TVA.

On avait dans les 70's 4 taux principaux de TVA : un taux réduit (7%), un taux intermédiaire (17.6%), un taux normal (20 à 23 %) un taux majoré (33 1/3 %)

En 77 il y a eu fusion du taux normal et du taux intermédiaire. Ensuite on a créé un taux super réduit de 5%.

Une simplification est intervenue quand on est passé au marché unique le 1er janvier 93 : officiellement il y avait deux taux de TVA, 3 en réalité : taux normal de 19.6% (depuis le 1er janvier 2000), le taux réduit (5.5%), le taux super réduit (2.10%)

Soit en Corse, soit dans les DOM, on a encore des taux particuliers qui vont s'appliquer.

Pour le taux majoré il concernait les produits de luxe (automobile, caviar,...) et les produits que l'on voulait pénaliser car atteinte aux bonnes mœurs (films porno, ...)

Pour connaître le taux normal, on regarde le taux réduit, tout le reste est au taux normal. Le taux réduit s'applique pour les produits alimentaires ou fiés à l'alimentation (cantines d’entreprises) transports de voyageurs, fourniture de logement non meublés, spectacles.

Il y a des revendications de beaucoup de secteurs : beaucoup ont été satisfaites. Les gouvernements ne font pas absolument ce qu'ils veulent dans ce domaine : cela ne doit pas être contraire aux directives européennes, il y a donc d'abord négociation avec les commissions européennes.

En 99-2000 il y a eu des baisses ciblées de la TVA qui avaient 2 finalités possibles: une finalité sociale et une finalité économique ou environnementale (les abonnements au gaz, électricité, appareillage pour les handicapés, opérations de collecte et trie des déchets, services d'aides à la personne, les travaux portant sur les locaux à usage d'habitation), cela a permis de relancer l'activité de ce secteur et d'éviter les pratiques de travail au mois.

Il y a eu revendication de la restauration, cela ne s'est toujours pas fait en raison de réticences, la mesure interviendra probablement dans deux ans.

Sur le taux super réduit (2.10%) : il est pratiqué par démembrement du taux réduit : médicament remboursé la sécurité sociale, presse quotidienne et hebdomadaire, les théâtres, les ventes d'animaux de boucherie.

Paragraphe 2 : les règles de facturation.

Quand le calcul de l'impôt doit être fait, il ne doit pouvoir se faire que dans la mesure où il y a une facture.

La facturation est obligatoire pour chaque livraison de bien ou prestation de service. Sur la facture doivent apparaître le prix HT des biens ou des services, le taux légal de la TVA, le montant total de TVA exigible, le prix total du bien, le nom et l'adresse du client, l'opération de déduction ne peut être effectué que s'il y a une facture. II y a une sanction de la non facturation ou de la fausse facturation.

La non facture est une faute grossière qui est sévèrement répirmée. II y aura des sanctions fiscales de 80% des droits éludés (impôt) ou des sanctions pénales qui correspondent soit à des amendes dont le montant varie de 37 000 euros à 100 000 euros (en cas de récidive), soit à des peines de prison (de 5 à 10 ans en cas de récidive), soit à des peines de surcis (le plus souvent)

Le cas des fausses factures (factures fictives) : c'est une sorte de facture sans vente. La sanction est une amende de 50% du montant de la facture (grosse somme) C'est une fraude plus élaborée et donc plus difficile à déceler. Les entreprises vont par ces fausses factures diminuer le montant imposable, déduire une TVA et déduire ces montant de TVA qui n'étaient jamais versés. C'est une fraude très importante jusque dans les 80's, moins maintenant car l'administration est plus efficiente.

Paragraphe 3 : le mécanisme de la déduction.

On est au cœur même du système de la TVA (271 CGI) la taxe qui abreuvé les éléments du prix d'une opération imposable (c'est à dire la taxe d'amont ) est déductible de la taxe applicable à cette opération (taxe d'aval)

Toute fois, cette déduction ne se fera par opération par opération, la déduction se fera de façon globale en principe tous les mois quand la TVA doit être acquittée (déduction sur l'ensemble du CA)

Conditions pour bénéficier de la déduction

-- Il faut être assujetti à la TVA (redevable).

-- Quand elle se pratique, la déduction doit remplir certaines conditions, elle portera sur
des éléments eux même soumis à la TVA (problème des assujettis partiels).

-- Les éléments déductibles doivent être nécessaires à l'exploitation (cela exclu les dépenses de caractère familial, luxuaire, contraires à l'intérêt de l'entreprise) pour que la TVA soit déductible elle doit figurer dans un document justificatif: facture, document douanier, déclaration de l'entreprise pour une livraison à soi même.

Les opérations déductibles le sont immédiatement, on a supprimé en 93 la règle du décalage d'un mois. Pour opérer la déduction, on applique la règle de l'imputation : on soustrait le montant de taxe déductible du montant de taxe exigible au titre de chaque mois. Si le solde est positif, c'est la différence qui sera versée par le redevable. Si le solde est négatif, c'est à dire, si le crédit de taxe qui bénéficie au contribuable pendant les mois ou les années qui vont suivre la taxe est reportable.

Quand on est en présence d'un redevable dans une situation structurellement qui sera celle d'un créditeur à ce moment là le contribuable pourra demander le remboursement de ces sommes. Ce phénomène n'a pas toujours existé, à l'origine de la TVA, il y avait la règle du buttoir qui était très rigoureuse, on ne pouvait pas récupérer l'argent payé en trop (suppression par décret du 4 février 72)

Il y a des assujettis partiels à la TVA : ils seront assujettis pour ceraines opérations mais pas pour l'intégralité. Or, le mécanisme de la déduction fonctionne globalement ce qui engendre des difficultés résolues par le règle du prorata.

Le prorata est le pourcentage global de déduction que l'on va calculer au début de chaque année d'après les résultats de l'année précédente. Ce prorata se déterminera ainsi : rapport existant entre le CA imposable et le CA total.

On appliquera ce pourcentage au CA global déclaré et donc au montant e taxe qui s'en déduira. On applique le pourcentage sur la base des opérations de l'année précédente. Parfois, cela conduit à la nécessité d'une régularisation

Paragraphe 4 : les régimes spéciaux de TVA.

Le régime des objet d'occasion.

Il y a un problème de sa réapparition dans le circuit économique car il risque de perturber la concurrence. L'objet d'occasion est celui qui va réintégrer le circuit commercial. II y a une TVA sur la revente dès lors que l'utilisateur avait déduit la TVA qui avait concerné la 1ère vente.

Biens d'occasions vendus par des commerçants spécialisés : il y a application de la TVA et le commerçant peut être imposé que sur la marge (différence entre le prix de vente et le prix d'achat), le choix peut se faire pour chaque opération.

Véhicule d'occasion : si le véhicule est vendu par un utilisateur qui n’a pas lui même déduit la TVA initiale, il n'y a pas de TVA. Si le véhicule est vendu par un utilisateur qui a déduit lui même la TVA, la revente est assujettie à la RVA sur la totalité du prix. Si la vente est effectuée par un négociant en biens d'occasion, celui-ci aura le choix de l'assiette de l'impôt soit sur la marge, soit sur la totalité du prix.

Le régime des exploitants agricoles.

Le principe est qu'il y a dispense de TVA pour les exploitants agricoles mais le bénéfice d'un remboursement forfaitaire de la TVA à partir de leur vente. Les agriculteurs peuvent opter pour un régime particulier de TVA comprenant des obligations allégées : quand la moyenne des recettes de l'ensemble de leurs exploitation calculée sur deux années consécutives dépasse 46 000 euros.

Pour les groupements agricoles exploitant en commun (GAEC) ils ne sont imposables à la TVA que dans la mesure où les recettes moyennes sur les deux années sont > 138 00 euros, ils ne sont imposables que si la moyenne par associé est > 46 000 euros.

L'assujettissement à la TVA est obligatoire pour certaines activités : quand l'agriculteur pratique des ventes avec des procédés commerciaux, quand il pratique la transformation de ses produits, quand il s'agit d'un gros éleveur de bovin ou d'un négociant de bestiaux.

Pour les taux, les ventes de produits d'origine agricole sans transformation on a un taux réduit et pour les ventes d'animaux de boucherie on a un taux super réduit. Il y a une franchise particulière pour les exploitants dont le CA < 5 300 euros. Un remboursement forfaitaire est destiné à compenser l'absence de droit à déduction de la TVA ayant abreuvé les achats des exploitants agricoles non assujettis. Le taux de remboursement sera de 4% et pour les autres produits il sera de 3.05%

Section 3 : Le paiement de la TVA.

Pour qu'il y ait paiement de la TVA il y a des déclarations qui doivent être effectuées on a un régime de droit commun ou la possibilité de verser des acomptes provisionnels.

Régime du droit commun : c'est un paiement mensuel (en principe au 25 du mois) . il y a une déclaration sur l'opération du mois précédent, le calcul du montant de la TVA est exigible et déductible, il faut effectuer des soustractions et verser la somme à l'administration.

Mécanisme de l'acompte provisionnel : ceux qui sont au réel normal mais qui peuvent se trouver en situation de trésorerie un peu difficile ou qui se trouvent dans une situation où ils ont du mal à fournir leur déclaration demandent de reporter la déclaration au mois suivant (délai pour l'administration), si l'administration accorde le délai, un acompte sera versé par l'entreprise (sur le montant de l'impôt qui sera versé) Pour les redevables placés sous un régime simplifié d'impositions ils vont déposer une déclaration au titre de l'année et cela conduira à un acompte trimestriel pour la période antérieure, il y aura une régularisation et le complément de TVA sera versé lors de la déclaration annuelle.

Franchise de droit commun : pour les livraisons de biens et prestations de service, les personnes bénéficient d'une franchise si le CA sur l'année est < 76 300 euros ou 27 000 euros pour d'autres prestations de service. Cette limite est fixée pour les avocats à 37 400 euros. Les bénéficiaires de cette franchise ne peuvent pas opérer de déduction de taxe.

Section 4 : Les conséquences de l'harmonisation communautaire sur cet impôt.

La TVA n'est pas un impôt national dans son régime (très forte influence des dispositions communautaires) Dans le système fiscal de l'UE, il y a existence d'une TVA qui est obligatoire pour tous les pays membres. Le phénomène s'est accentué avec le marché unique à partir de 93. au départ, on se place dans la philosophie même du marché commun (libre circulation dans l'espace communautaire ce qui suppose une harmonisation de la fiscalité indirecte pour éviter des distorsions de la concurrence)

On avait le maintient d'un système qui pouvait être considéré comme un obstacle à la libre concurrence au marché unique. D'où, en 87, il y a eu une 1ère série de propositions : élimination des frontières fiscales, rapprochement des taux (pour les taux réduits et normaux), mécanisme communautaire de compensation pour les pays qui auraient des pertes de recette.

En 91, le nouveau régime est celui de la liberté de franchissement des frontières intra communautaires. La liberté d'achat est dès lors la règle. Tout ressortissant de la communauté peut désormais se procurer en quantité illimité ce qui se flat toute taxe comprise c'est à dire que cela se fait au taux de TVA du pays d'origine et non du pays d'importation.

C'est la règle sauf deux exceptions : achats de véhicule neuf (auto, bateaux, ...) où la taxation s'effectue dans le pays d'accueil et les ventes par correspondance dont la limite est fixée de 37 000 à 100 000 euros pour l'ensemble des opérations effectuées annuellement, en dessous de ces seuils il y a application de la TVA du pays d'achat et au delà il y a TVA du pays d'accueil. Ce mécanisme est utilisé pour éviter les problèmes de concurrence.

L'apport communautaire a consisté en une modification des règles en terme d'administration : il n'y a pas à faire de déclaration d'importation, il suffira pour l'entreprise de déclarer les échanges intra communautaires.

Quant au régime de taxation on a décidé en 93 de maintenir une situation transitoire (jusqu'au 31 décembre 96) pour mettre en place le nouveau système) ce régime transitoire dure toujours, pour les entreprises la situation n'a pas changé, cela n'a changé que pour le consommateur.

Il faut une fourchette de taux : on s'est contenté de fixer des taux planchés : un taux réduit avec un plancher de 5%, un taux normal avec un plancher de 15% , il n'y a pas de maximum mais du fait de la concurrence dans le marché unique, les Etats n'ont pas intérêt à avoir des taux trop élevés.
Chapitre 4 : L’imposition des patrimoines.

Section 1 : L’imposition des PV des particuliers.

Il s'agit d'imposer la cession d'un patrimoine. L'objet de l'impôt est le gain généré par la cession d'un élément du patrimoine. Le gouvernement avait cherché un substitut à l'imposition sur la fortune, les patrimoines.

La loi du 16 juillet 76 : elle met en place cette imposition, cette loi n'a pas institué cette imposition mais l'a généralisé (avant il y avait le régime des PV spéculatives depuis 63) il reste quand même une différence entre les PV spéculatives et celles que ne le sont pas.

La PV imposable: elle suppose d'abord une cession à titre onéreux ce qui suppose une transmission de propriété résultant d'une vente, d'une expropriation , d'un échange, d'un partage, d'une vente aux enchères, ... Quand il y a cession à titre gratuit il n'y a pas de PV imposable. Quand il y a eu une succession et que la personne bénéficiaire revend un bien cette personne sera imposée sur la PV éventuelle qu'elle réalisera à ce moment. Il y a nécessité de souscrire une déclaration pour toute cession à titre onéreux.

La PV implique également qu'il y ait réalisation d'un bénéfice entre prix de vente et prix d'acquisition. En 1976, on a imaginé trois types de PV qui étaient distinguées selon la durée de détention du bien : PV à court terme (moins de 2 ans), long terme (plus de 10 ans), moyen terme(2 à 10 ans) avec la volonté de taxer plus lourdement les plus values spéculatives. Les PV à court terme ont un aspect spéculatif donc le régime est plus lourd.

Pour les PV à moyen terme, selon que le comportement est spéculatif ou ne l'est pas le régime applicable sera celui des PV à long terme ou à court terme. On demandait au contribuable d'apporter la preuve qu'il n'avait pas un comportement spéculatif Avec cette difficulté on a supprimé les PV à moyen terme et on a estimé que les PV à long termes sont celles qui sont > 2ans.

Paragraphe 1 : Le champ d'application des PV.

Quand on a envisagé l'introduction dans le système fiscal du régime des PV, la volonté exprimée est celle d'un impôt qui connaissait peu d'exonération. Il y avait quand même quelques situations d'exonération et l'on a eu à l'époque un des rares exemples où, en matière fiscale, le débat parlementaire a réussi à modifier sensiblement le projet initial, les exonérations se sont multiplier :

-- Les petites cessions  < 7 650 euros.

-- Les ventes d'une résidence principale à condition que ce soit vraiment la résidence principale.

-- 1ère cession d'un logement quand le cédant ou son conjoint n'est pas propriétaire de sa résidence principale.

-- Cessions de terrains à usage agricole ou forestier non exploités par le propriétaire.

-- Opérations de remembrement urbain ou rural.

-- Expropriation effectuées à la suite d'une opération d'intérêt public à condition que la personne bénéficiaire réemploie dans les 6 mois d'une demande d'indemnité la totalité des gains qu'elle a reçu.

-- Cession de meubles meublants ne présentant pas le caractère d'œuvre d'art.

-- Cession de titulaires de pensions vieillesse non assujettis à l'IR.

-- Cession de personnes dont le patrimoine est limité à 61 000 euros (plus de 15 000 par enfant à charge à partir du 3ème enfant).

-- Exonération au delà d'une certaine durée de détention (22 ans)

Paragraphe 2 : La détermination de la PV.

Pour déterminer ce montant il y a un point de départ qui est le prix de cession ou le montant de l'indemnité d'expropriation.

Le prix de cession correspond au prix réel stipulé dans l'acte de cession, augmenté le cas échéant de toutes les charges capitales ainsi que des indemnités versées au profit du cédant et diminué du montant des taxes acquittées et des frais supportés par le vendeur au moment de la cession. A partir de ce point de départ on va faire venir en diminution un certain nombre d'éléments :

-- On retranche le prix d'acquisition du bien ou sa valeur vénale. Si le bien a été acquis à titre onéreux la somme à déclarer est le prix d'acquisition tel que stipulé dans l'acte. Si le bien a été acquis à titre gratuit à ce moment là la somme à déclarer sera la valeur vénale (normale de vente).

-- On fait également venir en diminution les frais d'acquisition qui sont les frais effectivement supportés par le cédant. Ces frais sont retenus pour leur montant réel mais quand les biens sont acquis à titre onéreux les frais peuvent être évalués forfaitairement à 10% du prix d'achat.

-- On pourra également faire venir en diminution les dépenses de construction, agrandissement, rénovation, amélioration. Ces dépenses sont prises en considération si elles n'ont pas déjà fait l'objet d'une réduction d'impôt

-- On pourra également déduire les frais de voirie, les honoraires (ceux qui rémunèrent les consultations fiscales demandées à l'occasion de cession imposable), des intérêts des emprunts contractés pour acquisition de cession secondaire.

-- On fait intervenir un coefficient d'érosion monétaire : quand les biens sont acquis depuis plus de 2 ans les éléments sont révisés en fonction d'un coefficient monétaire.

On va multiplier le prix d'acquisition mais aussi les autres éléments de façon à ramener ces sommes à la valeur d'aujourd'hui (c'est une PV réelle qui doit être imposée)

Paragraphe 3 : L'étude de la liquidation et du paiement des PV.

Sur la PV réalisée on fait intervenir des abattements

-- L’abattement de droit commun de 915 euros.
-- L’abattement particuliers :
• En cas d'expropriation il y a un abattement de 11 450 euros
• En cas d'imposition de la 1ère cession d'une résidence secondaire il y a un abattement de 3 050 euros pour chacun des époux, 4 600 euros pour un veuf ou célibataire et on ajoute un abattement de 1 500 euros par enfant.

Il faut distinguer entre les PV à court terme et à long terme :

PV à court terme : la PV est intégrée pour son montant total aux autres revenus annuels du contribuable.

PV à long terme : ces PV bénéficient d'un système du quotient dont l'effet est d'atténuer la progressivité de l'imposition : au lieu d'ajouter au revenu annuel la totalité de la PV, on ajoute le 1/5 de la PV. L'impôt supplémentaire qui correspond au 1/5 de la PV sera multiplié par 5 pour obtenir le montant de l'imposition normale de la PV. Comme l'IR est progressif, la progressivité ne jouera que pour le 1/5 de la PV (limitation)

Calcul de l'imposition : Il y a une réduction, pour les PV à long terme, de 5% par an à partir de la troisième année de détention du bien, au bout de 10 ans la réduction est de 25% et au bout de 22 ans il n'y a plus de PV

Paiement de l'imposition : Il se fait en même temps que l'IR. Toute fois, les PV à long terme peuvent faire l'objet d'un paiement fractionné par parts correspondant à la somme dues sur une période de 5 ans. En plus de chaque fraction d'impôt il sera demandé un intérêt.

Section 2 : Les droits d'enregistrement, les droits de successions.

Concernant les droits de succession, on est en présence d'un impôt ancien. Au 19ème siècle on parlait de droit de mutation par décès, le tarif était léger et on ne tenait pas compte de la qualité de l'héritier mais de la nature du bien transmis (sorte d'impôt indirect sur les biens transmis).

D'où la loi du 25 février 1901 qui a modernisé les droits de succession et introduit deux innovations :

-- La personnalisation de l'impôt : lien de parenté, situation familiale de l'héritier
-- L’introduction d'une progressivité.

Le texte de 1901 a été modifié par une loi du 21 décembre 59, c'est en gros le système qui existe encore aujourd'hui.

Paragraphe 1 : Le champ d'application et assiette des droits de succession.

Les droits de succession sont dus sur toutes les transmissions de biens qui s'effectuent par suite d'un décès.

Les héritiers sont tenus de souscrire une déclaration détaillée sur un formulaire délivré par l'administration. Cette déclaration doit comprendre l'ensemble des biens de la succession et intervenir dans les 6 mois suivant le décès (il y a en réalité une tolérance administrative d'un an).

Il y a une situation particulière pour la Corse où il y a un défaut de sanction en cas de non déclaration. Cette situation devrait s'arrêter mais on a prolongé d'une dizaine d'année ces dispositions.

Il y a prise en compte d'un passif successoral c'est à dire des dettes du défunt et au delà il y a lieu de déduire de l'actif héréditaire des sommes détenues à tire précaire ou des sommes ayant déjà supporté des droits de donation. Le passif est admis en diminution de l'actif imposable mais à certaines conditions :

-- La dette doit exister à la charge personnelle du défunt, au jour du décès. N'est donc pas déductible la charge qui prend naissance après le décès dans la personne des héritiers.

-- La dette doit être justifiée par un écrit, un acte, des présomptions graves, écrites, et concordantes.

-- La dette doit avoir une forme légale.

-- La dette ne doit pas correspondre à une forme prohibée : dettes du défunt envers ses héritiers (caractère fictif), dettes reconnues par testament à moins d'être justifiées par d'autres preuves, dettes prescrites.

Il y a des cas d'exonération :

-- Les bois et les forêts à concurrence des 3/4 de leur valeur.

-- Les groupements forestiers pour les 3/4 de leur valeur.

-- Les parts de groupements foncier agricole (3/4 de la valeur qui doit être d'au moins 13 350euros)

-- Les groupements fonciers ruraux pour les 3/4 de leur valeur.

-- Les monuments historiques à condition que l'on puisse se prévaloir d'une convention avec le ministère de la culture.

-- Les œuvres d'art et objet de collection en cas de dons à l'Etat.

Quand on va évaluer les biens transmis, pour les immeubles et les fonds de commerce, l'imposition se fait sur la valeur vénale au jour du décès.

Cela dit, quand il s'agit d'une résidence principale, cette valeur vénale se voit appliquer un abattement de 20% à la condition qu'il soit occupé soit par le conjoint survivant, soit par un ou plusieurs héritiers.

Pour les meubles ce sera soit le prix de vente public dans les deux ans du décès, soit l'estimation contenue dans les inventaires notariaux. Pour les valeurs mobilières on prend en considération le cours moyen de la bourse au jour du décès.

Paragraphe 2 : La liquidation des droits de succession.

Sur la base d'imposition on fait jouer des abattements (sur l'actif net successoral) C'est un abattement par part successorale. Cet abattement sera de 46 000 euros pour les droits applicables en ligne directe (enfants, ascendants), de 76 000 euros entre époux, 57 000 euros entre partenaires d'un PACS, 15 000 euros pour les autres successions.

Les tarifs qui vont s'appliquer seront sur l'actif successoral après abattement. Les tarifs vont varier selon la qualité de l'actif successoral (quantité de matière imposable), ils varient en fonction de la qualité de l'héritier c'est à dire de son lien de parenté avec la personne décédée

-- En ligne directe on a un tarif progressif par tranche :
•    < 7600:5%
•    de 7 600 à 11 400: 10%
•    de I l 400 à 15 000: 15%
•    de 15 000 à 520 000 : 20%
•    de 520 000 à 850 000 : 30%
•    de 850 000 à 1.7M : 35% > 1.7M : 40%

-- Entre les époux le même tarif s'applique à la seule différence que l'abattement est plus important.

-- Entre frères et sœurs :
•    < 23 000: 35%
•    > 23 000: 45%

-- Pour les parents jusqu'au 4ème degré inclus : quelque soit le montant on a un taux de 55% et au delà du 4ème degré un taux de 60%

-- Entre partenaires d'un PACS :
•    < 15 000: 40%
•    > 15 000 : 50%

Les réductions de droit visent à tenir compte de la situation personnelle de certains redevables. Il y a des réductions pour charges de famille (610 euros par enfant à partir du 3ème enfant pour les transmissions en ligne directe ou entre époux et dans les autres cas 305 euros par enfant à partir du 3ème)

Section 3 : l'ISF.

Paragraphe 1 :

Le débat relatif à l'impôt annuel sur le patrimoine est un vieux débat qui est apparu en France dès les années 20, il avait été fortement question de l'apparition d'un impôt. Le débat a continué, il s'est trouvé très fortement accentué dans les années 70. Valéry Giscard d’Estaing, à l'époque était chef de gouvernement, il n'était pas favorable à l'ISF et l'impôt sur les PV étaient une forme de généralisation de l'ISF.

Termes essentiels du débat en faveur de l'ISF :

-- Une meilleure connaissance des patrimoines et des revenus des patrimoines (meilleure connaissance des patrimoines mais aussi des revenus des contribuables du fait de la déclaration)

-- Une imposition des PV latentes : des gens s'enrichissent car les biens qu'ils ont acquièrent de la valeur, or, ils ne paient rien à raison de cet enrichissement

-- Une efficacité économique : cet impôt peut être payé grâce au revenu que va payer la fortune. Il y a incitation à ce que l'argent des contribuables soit placé dans des placements productifs (s'ils sont plus productifs pour le contribuable ils le sont aussi pour l'économie).

-- Une raison d'équité : on fait payer d'avantage des contribuables qui ont des moyens plus importants. Il y a un aspect de solidarité : ce que l'on demande peut servir à un peu plus de solidarité entre les habitants d'un pays.

Critiques sur l'ISF :

-- Concernant la meilleure connaissance des patrimoines et revenus, ce n'est plus d'actualité du fait du développement des moyens d'information.

-- Sur les PV latentes : on ne mesure son existence que lorsqu'elle est effective, c'est un gain factice et fictif.

-- Sur la meilleure sélection des placements : on peut toujours critiqué la rationalité des comportements.

-- Cela ne réduit pas les inégalités car le rendement de cet impôt est un rendement relativement faible.

-- L'inconvénient de l'ISF est qu'il décourage les contribuables (fuite dans des pays où l'impôt n'existe pas).

Paragraphe 2 : L'impôt sur les grandes fortunes.

Il a été mis en vigueur par la Loi de Finance pour 1982.

Etaient assujetties les fortunes et patrimoines > 3 Mfrancs en 82, les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France à raison de leurs seuls biens situés en France. Il s'agissait d'une imposition par foyer mais la notion de FF ne pouvait pas être assimilée au FF de l'IR car les concubins étaient assimilés à un FF.

L'assiette de l'impôt repose sur la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits et autres valeurs imposables. Sur le principe, on était en présence d'un impôt synthétique. Cependant, deux questions se sont posées : une sur l'outil de travail, une sur les œuvres d'art.
-- Sur l'outil de travail (patrimoine privé) : certaines professions ou professionnels imposés au titre de l'ISF (artisans commerçants, professions libérales) disposent d'outil de travail coûteux. On n’assujettit pas en 82, on renvoie l'assujettissement à 85 sous deux conditions : il faut 2Mfrancs par outil de travail ou 5M pour la totalité du patrimoine. En 85 on décide de ne pas assujettir.

-- Sur les œuvres d'art : la thèse défendue par le MB (L.Fabius) : il faut privilégier la dimension fiscale et intégrer les rouvres d'art dans l'assiette de l'impôt (risque d'évasion fiscale si l'on n'impose pas) La réponse du milieu artistique est que le fait d'inclure les œuvres d'art dans l'assiette de l'impôt aura des conséquences néfastes pour toute la profession. Le CM s'est prononcé (sous Mitterrand) : il y a exonération des œuvres d'art au motif de l'extrême difficulté d'évaluation.

Concernant les tarifs applicables pour l'ISF. On a un impôt progressif (de 0 à 1.5% puis à 1.8%) mais d'une progressivité faible car les taux sont faibles. Il y a eu augmentation du nombre de taux et des taux eux même et aujourd'hui on a les taux suivants :

--     < 720 000 : 0%
--    720 000 à 1.16M : 1.55%
--    1. 16M à 2.3M : 0.75%
--    2.3M à 3M : 1%
--    > 15M : 1.8%

Aujourd'hui, l'ISF est un impôt qui concerne environ 200 000 contribuables qui doivent faire leur déclaration le 15 juin. C'est un impôt qui rapporte 2 milliards d'euros au B de l'Etat.

Chapitre 5 : La fiscalité directe locale.

Son origine est très ancienne car les actuels impôts locaux sont issus d'impôts d’Etat qui ont été institués sous la révolution. Les grands impôts directs de l’Etat étaient les suivants.

-- 1790: contribution foncière, un seul impôt reposant sur la propriété foncière suffisait au B de l’Etat

-- 1791: contribution personnelle mobilière et impôt « la patente »

-- La contributions sur les pertes et profits.

Il y a eu mise en place dans les CL des financements fait par des suppléments sur les impôts d’Etat avec la mise en place du système des centimes (un 100ème s'ajoutant à l'impôt d’Etat : le « principal »)

La mise en place de l'IR comme impôt direct d’Etat signifiait la substitution de certains impôts d’Etat. Au niveau local rien n'a changé : on a continué à calculer un principal fictif et l'on a continuer à voter des centimes additionnels (jusqu'à la fin des années 50)

Une ordonnance du 7 janvier 59 décide la transformation des impôts directs locaux et le remplacement des contributions foncières par des taxes foncières, de la contribution mobilière par la taxe d'habitation, de la patente par une taxe professionnelle.

Cette réforme mise en place dans les années 70, il a fallu revoir les bases d'impositions.

Section 1 : Les taxes foncières.

A l'origine il y avait une seule contribution foncière mais à partir de la L 8 août 1890, on avait séparé en 2 contributions cette contribution foncière : il y avait une contribution sur les propriétés bâties et une autre sur les propriétés non bâties.

Paragraphe 1 : La taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Ancien régime:

C'est l'impôt direct local le moins important (1.5% de la fiscalité directe locale) Cette contribution présente les caractéristiques suivantes :

-- Les redevables sont les propriétaires d'un terrain,

-- Les bases d'impositions sont la valeur locative cadastrale (valeur de location théorique) appréciée au 1er janvier 1961 avec un abattement de 20%

-- Il y a des exonérations notamment pour les collectivités publiques.

Régime de 70 :

-- Les redevables sont toujours les propriétaires de terrain.

-- Les exonérations touchent les propriétés publiques et il y a des exonérations temporaires pour permettre le reboisement, ... (en faveur de certaines productions)

-- La base d'imposition est la valeur locative cadastrale diminuée d'un abattement de 20%. Des dégrèvements spéciaux sont accordés. Sur la base d'imposition s'appliquera un taux voté par l'assemblée délibérante de la CL.
-- Pour les impôts locaux, les impôts sont établis par les assemblées des CL et au profit des CL (commune, département, région) Pour toutes les CL la base est la même mais les taux sont différents. Quand on est en présence de terrains à usage agricoles depuis 93, il n'existe plus que la part communale (propriétés non bâties)

Paragraphe 2 : Les taxes foncières sur les propriétés bâties.

C'est une taxe plus importante qui représente près de 26% des recettes directes locales (près de 14 milliards d'euros).

Ancien régime :

-- Les redevables sont les propriétaires de bâtiments d'habitation à usage professionnel (industriels ou commerciaux).

-- La base d'imposition est la valeur locative cadastrale pour les habitations, elle est de 1/2 de cette valeur avec pour référence les loyers à la date du 1" août 1939 ' pour les bâtiments industriels et commerciaux elle est de ! 1/2 de la valeur locative cadastrale de 1925 majorée de 150%.

-- Il y a des exonérations pour les propriétés publiques et les baux exploités.

Régime de 70 :

-- Les redevables sont les propriétaires de maisons d'habitation, usines, commerces et tous les équipements immobiliers, les terrains affectés à l'usage industriel et commercial. Les propriétaires de bateaux à point fixe et à usage d'habitation, sont assimilés à des propriétés bâties.

-- Le redevable doit être propriétaire au 1er janvier de l'année d'imposition, il y a des aménagements à la règle car celui qui reçoit l'avis d'imposition est propriétaire au premier janvier mais le vendeur et l'acheteur peuvent se répartir la taxe au prorata de la durée du bien.

-- Les exonérations peuvent être permanentes :
•    Les propriétés publiques affectées à un SP et non débiteur de revenus.

•    Les édifices affectés aux cultes.

•    Les locaux diplomatiques.

•    Les bâtiments ruraux affectés à l'usage agricole.

-- Il peut y avoir des exonérations partielles :
•     Les constructions nouvelles (< 2 ans).

•    Les entreprises exonérées de taxes professionnelles.

•    Les entreprises se situant dans des zones franches (pour 5 ans).

-- La base d'imposition est la valeur cadastrale diminuée d'un abattement forfaitaire de 25% pour tenir compte des charges.

-- Il y a existence d'une valeur théorique pour les établissements :

•    classement des locaux : tous les locaux de la commune font l'objet d'un classement en 8 catégories. Les agents du cadastre avec l'aide d'une commission communale vont déterminer un local de référence pour chaque catégorie auquel seront comparé tous les locaux de la commune.

•    Il y a détermination d'un tarif au m2 pour chacune des catégories sauf que les tarifs de référence sont toujours ceux établis au moment de la révision du cadastre dans les années 60. il y a une pondération, on pondère la valeur locative en fonction d'une surface pondérée qui abouti à obtenir la surface réelle en tenant compte d'éléments de confort, de voisinage.

•    La CL vote les taux applicables sur la base d'imposition.

Section 2 : La taxe d'habitation.

Elle représente 20% des recettes fiscales locales.

A l'origine on avait la contribution personnelle mobilière mise en place sous la révolution (3 taxes : une taxes civique, une côte mobilière, une surtaxation foncière) Très vite différents éléments disparurent et on a continué à appliquer la cote mobilière (taxe d'habitation) c'est à dire, déjà un impôt fondé sur une valeur locative de l'habitation principale.

Les redevables de cette contribution mobilière sont les personnes habitant le local quelque soit leur statut juridique : impôt portant sur les propriétaires ou les personnes qui y habitent. Il y avait dans ce régime une très faible personnalisation de l'impôt.

Puis il y a eu institution de la taxe d'habitation de l'ordonnance de 59

-- Les redevables sont les personnes qui habitent le local au 1er janvier de l'année d'imposition. Il n'y a pas de répartition, c'est celui qui occupe au 1er janvier, s'il a quitté le 2 janvier il ne peut pas s'arranger, il est redevable toute l'année.

-- Il y a des exonérations qui touchent les locaux d'enseignement public et de recherche scientifique, les personnes modestes non imposables à l'IR pour l'année qui précède l'imposition, les personnes titulaires du fond de solidarité vieillesse, les personnes âgées de plus de 60 ans les personnes invalides, les veufs et veuves quelque soit leur âge.

-- La base de l'imposition tient compte de la valeur locative cadastrale. Il va y avoir des abattements qui vont réduire la valeur locative brute et qui sont calculés en fonction de la valeur locative moyenne des habitations de la collectivité. Il y a deux catégories d'abattements qui ne jouent que pour la résidence principale du contribuable

•    abattement obligatoire pour charges de famille (personnes à charges) : 10% de la valeur locative moyenne des habitations pour chacune des deux premières personnes à charge et abattement de 15% pour les personnes à charges suivantes.

•    Abattements facultatifs (au nombre de deux) : le premier est un abattement général à la base qui est institué par les CL et qu'elles peuvent fixer à 5.10 ou 15% de la valeur locative moyenne, le second est un abattement spécifique à la base en faveur de personnes de condition modeste fixé à 5.10 ou 15 % de la valeur locative moyenne. Pour en bénéficier, les contribuables doivent remplir deux conditions: ne pas être assujettis à l'IR et avoir une habitation principale de valeur locative < 130% de la valeur locative moyenne des habitations de la collectivité intéressée.

-- Pour le calcul de l'impôt, les CL votent un taux qui s'applique sur la base de l'imposition.

Ces impôts locaux font l'objet de critiques très importantes compte tenu des bases qui sont dépassées et génératrices d'inégalités et d'injustice. La loi prévoit une révision des bases dans les 6 ans, or, il y a bien une révision qui est intervenue dans les années 90 mais cette révision n'est pas entrée en application.

Si l'on met en place cette nouvelle révision, à montant global constant, ½ des contribuables paiera beaucoup moins ou beaucoup plus. Au début des années 90 le parlement a voté un texte, une loi instituant la taxe départementale sur le revenu. Cette taxe devait modifier la taxe départementale.

Depuis l'année 2000 la part régionale de la taxe d'habitation a disparue.

Section 3 : La taxe professionnelle.

Elle a succédé à la patente. La patente était l'autre aspect de la loi Chapellier (on est libre de s'installer comme commerçant ou industriel sans être obligé de s'inscrire à une corporation, mais, en contre partie, on doit payer une contribution) La patente était une superpositions de différents impôts :

-- Le taux fixe par profession (liste de 1920 obsolète avec le temps)

-- La taxe fonction du nombre de salariés que l'on employait

-- Le droit fonction de la valeur locative des locaux professionnels.

La L 29 janvier 75 a transformé la patente en taxe professionnelle.

Champ d'application :

-- 1347 CGI : La taxe professionnelle due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (la nationalité n'est pas prise en considération)

-- L'activité doit correspondre à 4 caractères :
•    exercée à titre professionnel (but lucratif)
•    exercée à titre habituel (au moins de manière saisonnière ou hebdomadaire)
•    exercée à titre indépendant (non salarié)
•    exigence de territorialité : l'activité doit être exercée en France. Exonération (caractère permanent)

-- Les    activités de collectivité publique.

-- Les    activité de caractère non professionnel.

-- Les activité expressément exonérée par la loi (caractère culturel, éducatif, social, sportif
ou touristique).

-- Les activités des ports autonomes (sauf les ports de plaisance).

-- Les activités associatives.

-- Les activités agricoles (sauf les sociétés coopératives agricoles).

-- Les activités de pèche.

Les exonérations concernant les activités à caractère industriel et commercial (caractère permanent) :
-- Les entreprises de presse.
-- Les concessionnaires de mines.
-- Les loueurs en meublés.
-- Les sociétés de coopératives.
-- Les activités à caractère mutualiste.
-- Les offices publics d'aménagement et de construction.
-- Les investissement en faveur de la recherche.
-- Les activité artistique.
-- Les offices HLM.

Les exonérations à caractère temporaire :

Elles résultent souvent d'une décision de la CL avant 95. depuis 95, elles se font uniquement dans les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire ou les zones de revitalisation urbaine ou rurales, les exonérations sont alors de droit (pas besoin de vote)

L'assiette :

Dans la L75, et jusqu'en 99, il y a eu une assiette qui se présentait par deux éléments

-- Un élément constant : valeur locative des biens passibles de la taxe foncière ou l'ensemble des immobilisations dont le redevable a besoin dans l'exercice de sa fonction.

-- Un élément alternatif: masse salariale (18% des salaires) pour les titulaires des BNC ou les personnes employant < 5 salariés on prenait en compte le 10° des recettes brutes.
Donc, cet impôt repose sur un investissement réalisé par les entreprises et sur la masse salariale (l'emploi) d'où la mise en place dans les 80's d'une réduction pour embauche et réorientation.

L'article 44 de la LF 99 prévoit la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle (sur 5 ans) C'est seulement en 2003 que la part salariale disparaîtra complètement. Il ne reste aujourd'hui que l'élément constant et, marginalement, le l0° des recettes brutes (depuis la LF de 2003, on réduit progressivement le pourcentage des recettes dans la base d'imposition, elle devrait aboutir à 6% en 2006)
Quand on a mis en place la suppression progressive de la part salariale cela va favoriser les emplois.

Il y a mise en place d'une taxe professionnelle car la patente est obsolète et on voulait déplacer la charge des petits et moyens contribuables vers les grands. Si l'on revient sur la réforme de 75, à poids constant on va revenir à la situation antérieur et indemniser les plus pauvres.

Liquidation et paiement de la taxe professionnelle :

Le vote émane de l'assemblée délibérante de la collectivité locale. Pour répondre aux critiques sur la taxe professionnelle on décide de plafonner les montants de la taxe professionnelle et on les évaluent en fonction de la VA : les entreprises qui effectuent des travaux dans le domaine agricole sont plafonnés à 1%de la VA, sinon la taxe est calculée en fonction du CA et évolue entre 305 et 4%.

Il existe aussi une cotisation mondiale de la taxe professionnelle pour les entreprises dont le CA>1.7 milliard d'euros (plafond à 1.5%du CA)

Un lien est opéré entre les différents contribuables et les différents impôts locaux. Section 4 : la question de la réforme fiscale locale.

Ce qui n'est pas contestable est le caractère très peu suffisant de la fiscalité locale qui a des bases archaïques. Même si depuis L20 janvier 80, ces impôts sont devenus des impôts de quotité, on reste toujours dans la logique des impôts de répartition. Il y a des inégalités entre les CL car le principal impôt local reste la taxe professionnelle.

Tous les allégements d'impôts sont pris à sa charge par l'Etat (il remplace certains impôts locaux par des dotations) ce qui va à l'encontre du phénomène de décentralisation.

Dans la révision constitutionnelle il est prévu d'inscrire que la part des ressources propres des CL serai prépondérante dan le B c'est à dire majoritaire, en fait la part des ressources sera déterminante (pas forcément majoritaire) A partir de 99, on a élargi, avec le développement de l'inter-communalité, la collectivité bénéficiaire de la taxe professionnelle.

Le projet de la spécialité des impôts locaux présente le mérite de la simplicité mais l'inconvénient de la création d'inégalités entre les catégories de collectivité.

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12 février 2007

GRANDS PROBLEMES POLITIQUES ET SOCIAUX CONTEMPORAINS L2 S4

GRANDS PROBLEMES POLITIQUES ET SOCIAUX CONTEMPORAINS

I – Les relations entre le pouvoir, le citoyen, l’électeur et l’élu.
La participation politique peut globalement être définie comme une « action volontaire, réussie ou non, organisée ou non, épisodique ou continue, employant des moyens légitimes ou illégitimes, visant à influencer le choix des politiques, l’administration des affaires publiques ou le choix des leaders politiques à tout niveau du gouvernement local ou national » (Weiner, 1971). Cette participation politique peut revêtir plusieurs formes. En effet, la société est traversée en permanence d’antagonismes d’intérêts qui sont à l’origine de conflits et de luttes sociales. Pour résoudre ces conflits, les individus peuvent se regrouper afin d’agir collectivement. Cette action collective peut alors revêtir plusieurs formes : elle peut être destinée par la protestation (manifestation, grève) à obtenir des changements sociaux. Cette action n’est alors qu’indirectement liée au fonctionnement du système politique. Elle peut également par l’action militante au sein d’un parti être destinée à exercer une influence plus directe sur le fonctionnement du système politique. Mais la participation des citoyens à la vie de leur pays peut aussi se réaliser de façon individuelle par le biais du vote lors des élections libres et démocratiques. En fait, la participation politique peut être définie comme l’ensemble des activités, individuelles ou collectives, susceptibles de donner aux gouvernés une influence sur le fonctionnement du système politique. Elle repose sur diverses techniques de participation (action collective comme les manifestations ou le syndicalisme, participation électorale) et concerne principalement des agents spécialisés, faisant profession de ces activités ou au moins directement intéressés par leur accomplissement : élus, gouvernants, militants et adhérents de partis. 
Cependant, les autres individus ne sont pas complètement tenus à l’écart des activités politiques. Périodiquement, on voit émerger des groupes de citoyens qui revendiquent, avec plus ou moins de succès, la prise en compte dans les débats politiques de leurs revendications. Dans la première situation on évoque une participation conventionnelle, alors que dans la seconde hypothèse on parle souvent de participation protestataire.

        A – La participation électorale
La participation populaire a été un enjeu majeur des crises institutionnelles survenues en France au 19ème siècle.  En effet, à cette époque, l’industrialisation et l’urbanisation ont fait naître des demandes très fortes de participation. La chute de Louis Philippe en 1848 est largement due à des problèmes liés à l’élargissement du suffrage. Il est à cet égard paradoxal de noter qu’en France c’est le second Empire (régime autoritaire) quia banalisé le suffrage universel (qui jusque-là avait été rejeté en raison de son association à la période de la terreur sous la Révolution), répondant ainsi aux attentes de la population tout en rassurant les milieux d’affaire sur les conséquences de ce mode de désignation des gouvernants.
Aujourd’hui, la participation populaire possède deux fonctions. La première est de légitimer les gouvernants. A ce titre, l’élargissement du suffrage est concomitant au développement de l’Etat et à la laïcisation de la société. La capacité d’adhésion des individus exprimée par une forte participation populaire est bien plus forte dans les démocraties pluralistes où existe une pluralité de candidats. C’est pourquoi les démocraties pluralistes redoutent davantage l’effondrement de la participation populaire en raison d’une forte abstention que l’émergence de votes protestataires. La seconde fonction de la participation populaire est de permettre au peuple d’intervenir dans le choix de ses gouvernants. Dans les démocraties pluralistes, les électeurs arbitrent entre les différents candidats présentés par les formations politiques. En conséquence, les électeurs ne sont pas entièrement libres de leur choix, il sont guidés par la présélection des candidats effectuée par les partis politiques. La liberté de choix ne serait totale que si il n’était jamais nécessaire d’être candidat pour être élu. Dans ce cas chaque électeur pourrait librement choisir parmi chaque citoyen les personnes qu’il estime le plus apte à devenir gouvernant de son pays. Plus largement, la participation populaire est également un moyen pour le peuple d’intervenir directement dans la prise de décision lorsqu’il existe des éléments de démocratie directe comme le référendum. Lorsque le peuple se prononce directement sur un projet de loi, ordinaire ou constitutionnel, le système représentatif est mis entre parenthèses et le pouvoir des élus s’en trouve affaibli. Une distinction doit être faite sur le degré d’influence des électeurs selon le type de référendum. Lorsque le référendum provient d’une décision des gouvernants de faire appel au peuple, ce dernier est enfermé dans un choix prédéfini par les gouvernants. En revanche, il existe des référendums d’initiative populaire pour lesquels le peuple décide lui-même de la question à poser à l’ensemble des citoyens (le référendum est obligatoirement organisé dès qu’une pétition réunit le nombre minimal de signatures exigées par la Constitution). La participation populaire repose sur la conception de l’électeur. 
La conception originelle de l’électeur est marquée d’un triple sceau : élitiste, corporatiste et sexiste. Elitiste comme dans la démocratie grecque puis dans les démocraties naissantes de Grande-Bretagne et de France (la richesse et les lumières disait Benjamin Constant) ; corporatiste comme dans les monarchies organisées en Etats ou dans les villes autonomes d’Italie ; sexiste partout jusqu’au 20ème siècle où les femmes finissent par conquérir le droit de vote. Ce n’est que depuis l’ordonnance du général de Gaulle du 21 avril 1944 (vote pour le 1ère fois en 1945) que le suffrage est réellement universel en France. Pourtant, si tous les citoyens possèdent le droit de vote, tous n’utilisent pas ce droit de la même manière.

a – l’absence de participation électorale
La société est divisée entre des citoyens participants et une majorité d’individus que leur position sociale tient à l’écart des activités politiques. La répartition inégale de la participation entre les diverses catégories sociales a été très tôt démontrée. Certains groupes sont écartés de la participation en raison de leur incapacité à peser sur les décisions (incapacité qui résulte autant de leur position sociale défavorisée que du sentiment qu’ils en ont). Les groupes socialement dominés c’est-à-dire dépourvus des capitaux (économiques, culturels, relationnels) que détiennent les groupes dominants sont exclus du jeu politique, de la compréhension de son langage et de ses règles, et donc condamnés à la non-participation. Parallèlement, les agents capables de participer aux activités politiques, de se faire une opinion doivent leur compétence à leur position sociale et aux ressources qui y sont attachées.   
Cette constatation dément l’existence d’un intérêt pour la politique qui serait partagé par la grande masse des citoyens. En outre, elle met en évidence deux éléments : d’une part une tendance à l’affaiblissement de la participation électorale ; d’autre part, la concentration de la participation entre les mains d’un petit nombre d’individus.
Si l’on a assisté à une progression de la participation électorale de 1848 (instauration du suffrage universel masculin) à 1936, il est ensuite apparu une période de stabilité de 1945 (1er vote des femmes) jusque dans les années 70. Depuis les années 80, avec une accentuation dans les années 90, on assiste à une baisse constante de la participation électorale. Aujourd’hui, toutes les élections sont concernées, même l’élection présidentielle qui demeure pourtant un temps fort de la vie civique des français et pour laquelle l’érosion de la participation est plus faible. L’affaiblissement de la participation électorale entraîne corrélativement la montée de l’abstentionnisme.
Le terme abstentionnisme désigne la non-participation aux votes de citoyens qui se sont inscrits sur les listes électorales, c’est donc par rapport aux inscrits qu’est mesurée, à chaque élection, l’ampleur de l’abstention. Or, pour calculer le nombre d’électeurs potentiels (citoyens susceptibles d’aller voter) qui ont le droit de vote mais en s’en servent pas, il faut également tenir compte de tous ceux qui ne se sont pas inscrits sur les listes électorales. La non-participation au vote résulte donc de deux conduites : l’absence d’inscription sur les listes électorales et l’abstention proprement dite. Dès lors, la participation réelle, rapportée au nombre de citoyens qui auraient pu voter est très inférieure à la participation mesurée lors de chaque élection par rapport à l’abstention c’est-à-dire aux seules personnes inscrites sur les listes électorales. Par exemple, en France, les participants systématiques aux élections c’est-à-dire ceux qui sont inscrits et votent régulièrement ne constituent qu’un peu plus de 50 % du corps électoral potentiel (ensemble des citoyens disposant de la capacité de voter). En effet, sur une population de 60 millions d’habitants, il y a 47 millions de français qui ont plus de 18 ans et sont donc en âge d’aller voter. Or, seuls 42 millions sont inscrits sur les listes électorales et 29, 5 millions se sont déplacés aux urnes au 1er tour de l’élection présidentielle (26, 5 millions se sont déplacés pour le 1er tour des élections législatives).   
La non-inscription sur les listes électorales résulte de plusieurs facteurs. Elle doit, en premier lieu, être liée avec l’âge, les jeunes électeurs potentiels ayant tendance à s’inscrire tardivement (20% des 20-24 ans ne sont pas inscrits). De plus, c’est dans la catégorie des jeunes les plus défavorisés (pas de diplôme, emploi temporaire et précaire, chômeurs) que la non inscription sur les listes électorales est la plus forte. Au-delà de cet aspect lié à l’âge, la non-inscription doit être liée à la situation professionnelle. Ce sont les catégories socioprofessionnelles les moins diplômées et les moins qualifiées et où les revenus sont les plus faibles qui ont le taux le plus faible d’inscription sur les listes électorales. La distribution sociale de la non-inscription est donc conforme à la règle générale d’une activité politique qui est étroitement liée au statut social et à la situation professionnelle.    
Quant à l’abstention proprement dite, elle varie d’abord d’une élection à l’autre. En effet, certains types d’élections nationales (élections présidentielles ou législatives) mobilisent davantage d’électeurs inscrits dans la mesure où elles sont largement commentées dans les médias et qu’elles apparaissent comme fondamentales pour la direction du pays. Pourtant, on a constaté en 2002 un accroissement sensible de l’abstention à l’élection présidentielle. Ainsi, à l’élection de 1995, l’abstention (inscrits – votants) était de 21, 6 % au 1er tour. Au 1er tour de l’élection présidentielle de 2002, elle atteignait le niveau record de 28, 4 % (comparativement, l’abstention n’était que de 15 % en 1965 lors de la première élection du Président de la République au suffrage universel direct). D’autres élections, telles que les élections européennes ne sont pas perçues comme répondant à des enjeux fondamentaux par la population ce qui conduit à un taux d’abstention encore plus fort. Cependant, il peut arriver que des élections qui ne devraient pas être fortement mobilisatrices le deviennent en raison d’une conjoncture spécifique liée par exemple à une menace de partis extrémistes ou au risque de voir une alternance se produire ou pour exprimer un fort mécontentement (ex : régionales de 2004 qui ont vu l’abstention sensiblement reculer alors que, traditionnellement ce ne sont pas des élections fortement mobilisatrices. En fait, les électeurs ont sanctionné le gouvernement pour sa politique. Reste à savoir si cette baisse de l’abstention se confirmera). Dans ce cas, ce sont les professionnels de la politique (candidats, élus, dirigeants de partis et journalistes) qui par leurs commentaires et leurs attitudes incitent les citoyens à une plus forte mobilisation électorale. C’est à ce phénomène auquel on a assisté entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2002. En effet, théoriquement, les électeurs de gauche, et plus largement tous ceux qui ne désiraient pas voir le président sortant ou le candidat Le Pen élus, auraient dû s’abstenir ou voter blanc. Or, devant la menace représentée par l’extrémisme et fort bien relayée par les médias et le président sortant, ces électeurs (essentiellement de gauche) se sont fortement mobilisés, ce qui explique la diminution sensible de l’abstention (20, 3 %) et le score très élevé du Président Chirac. En fait, si l’abstention régresse généralement au second tour de l’élection présidentielle, jamais un tel mouvement de recul n’avait été enregistré. Près de 12% des inscrits, qui n’avaient pas voté au 1er tour, se sont exprimés au second, ce recul s’expliquant par la mobilisation de la jeunesse. Toutefois, cette attitude ne s’est pourtant pas reproduite aux élections législatives qui ont eu lieu un mois plus tard (35, 5 % d’abstention au 1er tour et 39, 7 % au second), le risque d’une victoire de l’extrême droite ayant été considéré comme écarté par les électeurs. Par conséquent, l’élan civique est retombé notamment chez les 18-25 ans qui s’étaient fortement mobilisés au second tour de la présidentielle et qui n’ont pas retenus les leçons du 21 avril. L’abstention enregistrée lors du 1er tour des législatives signe la persistance, voire l’aggravation de la crise de la représentation politique qui touche l’ensemble de l’électorat  mais de façon plus problématique les jeunes électeurs. La danger lepéniste écarté, les enjeux propres de l’élection ne sont pas apparus suffisamment décisifs pour susciter un intérêt. Dès lors, l’ampleur de la participation au second tour de la présidentielle apparaîtrait comme un accident de parcours tandis que le 1er tour des législatives marquerait un retour à l’ordinaire d’une profonde mésentente politique.      
L’abstention varie également, de la même manière que la non-inscription sur les listes électorales, en fonction de l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle. Elle est relativement limitée chez les agriculteurs et les commerçants car leur insertion sociale locale est très forte et la durée de leur résidence élevée. Il en est de même pour les professions les plus valorisées, accessibles à des individus diplômés et procurant des revenus importants. A l’inverse, l’abstention croit avec la non-qualification, l’instabilité, la faiblesse du statut social et des revenus.  Toutefois, il devient très difficile d’expliquer les chiffres de l’abstention par ces seules données car l’abstention ne cesse de progresser alors que des facteurs tels que l’augmentation de l’instruction ou des classes moyennes sont censés la faire reculer. En fait, l’abstention a de multiples causes qu’il est très difficile de répertorier tant le parcours électoral de chaque citoyen n’est pas linéaire. Quoi qu’il en soit, si l’on analyse le profil des abstentionnistes de 2002, on constate que l’abstention touche plus les femmes que les hommes, les jeunes électeurs et les chômeurs. Les taux d’abstention parmi les catégories socio-économique défavorisées sont toujours supérieurs à ceux enregistrés chez les cadres et les intellectuels. De plus, l’abstention a fortement progressé chez les petits commerçants et les agriculteurs même s’ils continuent de voter plus que la moyenne. Enfin, ce sont les électeurs de droite qui sont le plus touché par ce phénomène contrairement à ce que l’on a pu dire pour analyser le 1er tour de 2002. L’abstention progresse aussi quelque soit le niveau d’implication politique des électeurs et même chez ceux qui sont des électeurs possédant une préférence marquée pour un parti politique.   
      Dans son ouvrage, L’abstentionnisme électoral en France, Alain Lancelot distingue trois sortes d’abstentions. Tout d’abord, il existe un abstentionnisme forcé qui concerne les personnes qui ne peuvent physiquement pas se rendre au bureau de vote le jour de l’élection (malades, accidentés…) et qui représente 7 à 8 % des inscrits (ce nombre ne varie que peu d’une élection à l’autre mais en revanche les personnes composant cette catégorie sont fréquemment renouvelées). Puis, on relève l’abstentionnisme d’isolement idéologique qui comprend à la fois les non-inscrits (qui ne sont pas comptés dans l’abstention le soir du vote mais qui méritent néanmoins une attention particulière car ils démontrent le faible intérêt pour la chose publique, ils forment environ 6% du corps électoral potentiel) et des abstentionnistes fréquents représentant 7 à 8 % des inscrits. Enfin, il existe un abstentionnisme de conjoncture politique soumis à de très fortes variations en volume et de très forts renouvellements internes d’une élection à l’autre. Si l’on écarte l’abstentionnisme résultant d’une impossibilité absolue d’aller voter, il reste principalement deux catégories d’abstentionnistes : ceux que leur défaut d’intégration sociale écarte plus ou moins de cet acte élémentaire de la participation politique qu’est le vote et un abstentionnisme de conjoncture, fortement lié à l’enjeu de pouvoir de l’élection, du moins tel qu’il est perçu par l’électeur, les élections locales étant moins mobilisatrices que les élections d’enjeu national.
Une autre classification des formes d’abstention peut être réalisée qui aboutit à un découpage différent de la population des « pêcheurs à la ligne ». On peut tout d’abord évoquer une abstention de combat qui se manifeste quand une formation politique donne à ses partisans la consigne de ne pas se rendre aux urnes soit parce qu’elle entend ainsi dénoncer la consultation électorale soit parce qu’elle considère qu’aucun des candidats en lice ne mérite son soutien (cas lors des seconds tours en France). Cette forme d’abstention correspond en fait à une participation électorale en négatif. Elle montre non le désintérêt de la politique de ceux qui suivent cette consigne mais au contraire leur volonté de faire entendre leur point de vue, différent de celui des candidats en lice. On peut également distinguer une forme d’abstention individuelle qui est révélatrice des difficultés rencontrées par un citoyen pour s’intégrer socialement. On retrouve là la catégorisation réalisée par Alain Lancelot.
Enfin, la troisième forme d’abstention se caractérise par une désaffection collective à l’égard du système politique. Certains citoyens, qui votaient de façon régulière, se mettent soudain à ne plus prendre part aux votes. Cette situation traduit une certaine lassitude d’une partie du corps électoral qui considère que, quelque soit le résultat de l’élection, la situation des individus ne changera pas et ne s’améliorera pas face aux vrais problèmes que sont le chômage, l’insécurité, l’environnement…  Cette abstention apparaît alors comme une forme de protestation et devient aussi importante que l’opinion émise par un citoyen se rendant aux urnes.  Cette forme d’abstention inquiète les dirigeants des partis politiques car elle traduit l’inadaptation des institutions démocratiques à résoudre les problèmes courants de la vie des citoyens. C’est sans doute cet aspect de l’abstention qui explique la faiblesse de la participation électorale à l’élection présidentielle de 2002 (L’augmentation de la participation électorale aux élections régionales et cantonales de mars 2004 semblerait atténuer ce propos, les électeurs ayant choisi de voter pour exprimer leur mécontentement). En effet, aujourd’hui, l’acte de voter est moins investi de la certitude qu’il permet de changer les choses. La politique serait ailleurs, sur d’autres terrains que la scène électorale et supposerait d’autres moyens de pression. L’importance prise par les mouvements sociaux déplaçant les enjeux politiques sur la scène internationale exprime, en même temps que le besoin de faire de la politique autrement, la conviction d’une plus grande efficacité de ce type de pratique. Dès lors, l’efficacité du vote est relativisée ce qui permet l’augmentation de l’abstention. l’élection présidentielle de 2002 est révélatrice de ce phénomène puisque des sondages réalisés en février 2002 montrent que plus du tiers des français  ont l’intention de s’abstenir car les hommes politiques une fois élus ne teindront pas leurs promesses. La crise de confiance envers les gouvernants et le discrédit à l’encontre des hommes politiques ont pesé de tous leurs poids. La réponse des abstentionnistes marque l’exacerbation d’un malaise à l’égard de la représentation politique. La longueur de la dernière cohabitation a également joué un rôle dans la mesure où elle a brouillé les différences potentielles entre les deux candidats principaux.
Cette forme de protestation devient alors aussi importante que l’utilisation du vote blanc.  On a ainsi comptabilisé 1 million de votes blancs au 1er tour soit 3, 4 % des votants et 2, 4 % des inscrits ; 1, 8 millions de votes blancs au second tour soit 5, 4 % des votants et 4, 3 % des inscrits. Le vote blanc devient un véritable vote exprimant l’incapacité des citoyens, qui désirent accomplir leur devoir civique, de trouver des candidats répondant à leurs aspirations. Dès lors, il devrait être comptabilisé au même titre que le vote pour un candidat défini. Cela est d’autant plus vrai que le pourcentage de vote blanc est calculé par rapport au nombre des inscrits et non par rapport au nombre de votants, ce qui conduirait à le faire sensiblement augmenter. De plus, l’électeur qui a voté blanc a pris le temps de mûrir son vote puisqu’il a dû insérer dans son enveloppe une feuille de papier blanc. La prise en compte du vote blanc permettrait non seulement de ne pas laisser de côté ceux qui ont exprimé une opinion (rejet de tous les candidats en présence) mais également de faire baisser le taux d’abstention (même s’il est vrai que les élections qui ont connu le plus fort taux d’abstention sont celles où le vote blanc était le plus faible). En fait, elle améliorerait la relation entre le pouvoir et la population et constituerait un excellent baromètre du degré de mécontentement du corps électoral. Cantonné à un faible niveau, le taux d’abstention indiquerait que les électeurs se reconnaissent dans la classe politique. A l’inverse, s’il atteint un score élevé, il signalerait l’existence d’un malaise chez des électeurs qui ne rejettent pas le cadre républicain puisqu’ils se rendent encore aux urnes. Ainsi, les hommes politiques seraient mieux informés de l’état de l’opinion et pourrait mieux prendre en compte ses aspirations au lieu de laisser dans l’ombre tous ceux qui ont choisi d’exprimer une opinion qui ne figure sur aucun bulletin de vote. Cependant, le refus de la prise en compte du vote blanc s’explique par le rattachement à une certaine conception du suffrage selon laquelle celui-ci a pour finalité d’arrêter une désignation, en cas d’élection, ou une décision, dans le cadre d’un référendum. Pour parvenir à ce résultat, les règles qui le régissent doivent favoriser la constitution de majorités positives. La prise en compte du vote blanc est dans cette optique jugée dangereuse. On craint que l’augmentation du vote blanc aboutisse à la formation de majorités négatives et mette en cause la finalité de l’élection. cette conception repose sur une vision utilitariste du droit de vote. Or, celui-ci doit permettre aux citoyens d’exprimer leurs opinions fussent elles contestataires. Alors que la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés pourrait permettre de mieux identifier la volonté des électeurs, de diminuer l’abstention et de détourner un certain nombre d’électeurs du vote extrémiste, les opposants à cette disposition invoquent un risque de blocage des institutions. Ils prétendent que l’on risquerait de se trouver dans une impasse juridique, dans l’hypothèse, peu probable, où le nombre de bulletins blancs représenterait la majorité absolue des suffrages au 1er tour ou la majorité relative au second. Ils affirment alors qu’aucun candidat ne pourrait être proclamé vainqueur. Cet argument ne semble pas pertinent car si les bulletins blancs représentent majorité absolue des suffrages exprimés au 1er tour, il sera procédé à un second tour. Au second tour, quelque soit l’importance du vote blanc, le candidat qui aura obtenu le plus de suffrages sera élu. La seule véritable difficulté concerne l’élection présidentielle car l’article 7 de la Constitution prévoit que le Président doit être élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Or, si les bulletins blancs entrent dans le décompte des suffrages exprimés, il peut arriver qu’au second tour aucun candidat n’obtienne la majorité absolue. Mais, cette difficulté peut être aisément contournée par une révision de la Constitution pour prévoir qu’au second tour la majorité relative suffit. La reconnaissance du vote blanc semble donc aujourd’hui légitime et opportune. L’abstention, la désaffection des citoyens à l’égard des institutions représentatives sont des facteurs qui en appellent l’instauration.       
Un autre moyen de réduire l’abstention consisterait à introduire un vote obligatoire. La question d’un vote obligatoire s’est plusieurs fois posée dans notre pays, de nombreuses propositions de loi sont déposées par les parlementaires (notamment une proposition déposée par Laurent Fabius ). La difficulté vient du fait que dans notre pays, tout citoyen est libre ou de donner son avis dans la gestion des affaires publiques, ou de ne pas l’exprimer ou même de ne pas en avoir. Le vote obligatoire le priverait d’une liberté que le citoyen a toujours connu. Dès lors, pour restreindre son indépendance et transformer le droit de vote en une obligation légale pour diminuer le nombre de ceux qui se désintéressent de la vie politique, il faudrait que la communauté nationale ait un intérêt à ce que les abstentionnistes votent. L’introduction du vote obligatoire ne soulève aucune difficulté au regard de la Constitution et des principes démocratiques. Il apparaît même que le vote obligatoire permettrait d’assurer la pleine sincérité des consultations électorales car les candidats seraient élus par une fraction importante du corps électoral. L’introduction du vote obligatoire, outre qu’elle réduirait l’abstention favoriserait également les partis modérés dont les électeurs ont davantage tendance à s’abstenir que ceux des partis extrémistes. Pour autant, l’efficacité du vote obligatoire n’est pas avérée. En effet, si l’on regarde les exemples étrangers et notamment la Belgique qui connaît le vote obligatoire depuis l’instauration du suffrage universel en 1893, l’adoption d’une telle mesure nécessite l’introduction de sanctions adéquates (en Belgique amende de 25 à 50 euros en cas d’abstention de voter, en cas de récidive le montant de l’amende est porté de 50 à 125 euros. La récidive ne concerne que les élections de même nature. Un électeur qui s’abstient successivement aux élections législatives puis municipales ne sera donc pas considéré comme récidiviste ce qui atténue considérablement l’impact de la sanction). Or, les abstentionnistes sont rarement sanctionnés même s’ils ne représentent que 5% des inscrits. Ce défaut de sanction représente l’un des arguments majeurs des détracteurs du vote obligatoire. En conséquence, l’introduction du vote obligatoire dans notre pays devrait inévitablement s’accompagner de l’introduction de sanctions dissuasives à l’encontre des abstentionnistes. Ce n’est qu’à cette condition que l’on parviendrait à corriger la mauvaise habitude prise par les français. En définitive, le principal reproche que l’on peut faire au vote obligatoire c’est qu’il s’attaque davantage aux effets qu’aux causes de l’abstentionnisme électoral. En aucun cas, ce vote obligatoire n’est une solution définitive, il doit seulement permettre de préparer le citoyen à réexercer librement ses responsabilités. C’est pourquoi, il faut utiliser tous les moyens pour que la participation électorale redevienne rapidement un acte auquel les français adhèrent naturellement. C’est en réalité un état d’esprit nouveau qu’il s’agit de créer.      
Face à cette non-participation croissante des citoyens aux diverses élections périodiquement organisées, il semble alors difficile de définir les raisons qui peuvent encore pousser ceux qui votent à continuer de le faire. Pourtant, il existe plusieurs sources de motivation qui conduisent les citoyens à exercer leur droit de vote qui apparaît alors comme l’expression de préférences politiques.

b – Le vote, expression de préférences politiques
Toutes les enquêtes qui ont été réalisées dans l’opinion montrent que la très grande majorité de la population ne s’intéresse pas à la politique. Leur intérêt pour la politique ne s’accroît qu’en cas d’élection présidentielle et lorsque la situation économique se détériore. Pourtant, bon nombre de citoyens, malgré ce désintérêt, se rendent aux urnes.

1 – Les raisons de la participation
Plusieurs explications ont été avancées pour comprendre la participation électorale. Tout d’abord, les sociologues ont essayé d’analyser la participation électorale à travers un bilan coût/avantage en considérant le coût physique du vote (nécessité de déplacer, inscription sur les listes électorale) et l’avantage que l’électeur peut retirer de son vote (victoire de l’un ou l’autre camp en présence). Les résultats ont été assez décevants car si les coûts sont très faibles, les avantages sont quasi nuls, d’autant plus que la probabilité qu’un vote fasse la différence parmi des millions est infime. Même si l’électeur peut espérer ou craindre une évolution significative de sa situation personnelle de par le résultat de l’élection, sa capacité personnelle à influencer ce résultat par son vote est insignifiante. Rationnellement, tout le monde devrait donc s’abstenir car personne, de façon individuelle, ne peut espérer exercer une influence déterminante sur l’issue du scrutin.
L’explication par le bilan coût/avantage reposant sur ces seules données ne semble donc pas satisfaisante. D’autres paramètres peuvent être introduits qui permettent d’aboutir à une meilleure analyse de la participation électorale. Tout d’abord, en ce qui concerne les avantages, pour les électeurs qui s’intéressent un peu à la politique  la satisfaction est évidente : ils participent à une activité qui les intéresse. Pour un certain nombre d’entre eux, ils ne se contentent d’ailleurs pas de voter à toutes les élections mais discutent fréquemment de politique et éventuellement adhérent à un parti politique, devenant un citoyen actif. Le degré de l’intérêt pour la politique, plus fort dans les milieux favorisés par le niveau d’instruction et la fortune, est un facteur puissant d’explication du degré de la participation. Ce premier facteur de satisfaction que l’électeur peut retirer de son vote explique fortement la structure sociologique de la participation mais absolument pas l’évolution dans le temps de la participation électorale et son recul depuis les années 80. En revanche, le facteur de satisfaction tenant à l’accomplissement du devoir civique peut expliquer ce recul.
Voter est assimilé à un devoir civique, s’abstenir est présenté comme un signe d’indifférence voire comme une faute à l’égard de la démocratie.  L’acte de vote est présenté comme une obligation morale (ex : les spots de publicité expliquant que voter est un droit mais que c’est aussi un devoir). Or, la grande mutation culturelle qu’ont connu les pays développés depuis la fin des années 60 s’est accompagnée de l’affaiblissement de l’adhésion à toutes sortes de normes sociales et du respect porté à de nombreuses institutions. Le sens du devoir civique a été touché par ce phénomène, ce qui explique que ceux qui ne s’intéressaient pas à la politique mais allaient voter en raison de la satisfaction de ce devoir, ne le font plus et ont rejoint les abstentionnistes. Le sens du devoir civique peut également avoir été affecté par la multiplication des scandales qui frappent le monde politique. Cet affaiblissement du devoir civique va se poursuivre à court et moyen terme car il est un phénomène de génération et de mentalité (les générations moins civiques que les précédentes pèseront de plus en plus lourd dans le corps électoral). Cependant, il n’est pas certain que cette tendance soit irréversible. Tout dépendra de la capacité des élites politiques à donner le sentiment aux citoyens que le vote permet la satisfaction de certains avantages.
La théorie du bilan coût/avantage peut également être reformulée en ce qui concerne le coût du vote. Certes, l’aspect physique du vote (déplacement, inscription sur les listes) est important, mais il ne faut pas négliger un aspect psychologique. Celui-ci résulte de la nécessité de faire un choix parmi plusieurs candidats pour une majorité de citoyens qui ne s’intéressent pas à la politique, ce qui rend ce choix d’autant plus difficile. Effectuer un choix dans un domaine qui ne vous intéresse pas représente un effort non négligeable. Il faut se renseigner sur un sujet que l’on ne connaît pas et prendre une décision. Depuis une quarantaine d’années, le contexte du choix électoral a considérablement évolué. Auparavant, le contexte du choix était relativement simple. Les électeurs vivaient dans des milieux sociaux relativement clos où les informations et surtout les interprétations politiques des évènements étaient peu concurrentielles. Les discours des militants politiques ou des notables, qu’ils connaissaient souvent personnellement, étaient là pour guider les électeurs dans leur choix ; la fidélité à une étiquette partisane était un moyen puissant pour réduire le coût du choix. Mais les transformations de la société, les déplacements plus fréquents de personnes, la forte progression du niveau d’instruction, la domination des médias et notamment de la télévision, ont créé une situation nouvelle. L’électeur n’accepte plus les discours trop caricaturaux et trop manichéens, il exige une information plus objective, plus neutre. Mais cette information plus neutre lui fait alors prendre conscience de la complexité de la réalité politique ce qui augmente le coût du choix en le rendant plus difficile (la transparence de l’information ne rend pas la perception de la réalité politique plus facile).  Concrètement, aujourd’hui, même l’électeur le moins intéressé en sait trop pour se contenter de penser que parce qu’un homme politique est de gauche ou droit, il est bon ou mauvais. Cette indécision des électeurs se retrouve dans les sondages qui sont effectués avant les échéances électorales et qui montrent un pourcentage de plus en plus élevés de personnes qui déclarent choisir au dernier moment celui ou celle pour qui elles vont voter. 
Face à cette difficulté croissante à opérer un choix, résultat de la plus grande complexité de la réalité politique et des difficultés des partis politiques à la leur expliquer, les électeurs peuvent être conduits à adopter diverses attitudes pour réduire le coût du choix électoral. Une première stratégie de réduction du coût consiste à attendre le second tour de l’élection. Pour des électeurs peu polarisés sur un enjeu ou un parti, il est nettement moins difficile d’avoir à choisir entre deux candidats qu’entre huit ou neuf. A l’inverse, pour les électeurs fortement polarisés sur un enjeu ou un parti, la choix s’avère facile au premier tour et peut être plus compliqué au second tour si le parti qui représente le mieux leurs idées n’est plus présent (la stratégie de ces électeurs se réduira alors à l’abstention).
Une autre stratégie de réduction des coûts consiste pour les électeurs à intervenir selon un vote prospectif, c’est-à-dire à juger les forces politiques et les candidats selon leur capacité à remplir la fonction pour laquelle ils concourent plutôt que de les apprécier sur leurs positions idéologiques (pour de nombreux électeurs il est en effet plus simple de savoir si le gouvernement a réussi à faire baisser le chômage que de savoir quelle est idéologiquement la bonne politique pour lutter contre le chômage). On retrouve ce phénomène dans l’analyse de l’élection présidentielle de 2002. En effet, les électeurs avaient été interrogés sur leurs préoccupations et avaient énoncé le chômage, l’insécurité et la lutte contre les inégalités sociales. Face à ces préoccupations, ils avaient classé les candidats selon leur capacité à résoudre ces difficultés. On a alors observé que seuls les candidats les plus connus et les plus médiatisés obtenaient des réponses positives et que nombre de citoyens interrogés considéraient qu’aucun candidat n’était en mesure de résoudre ces problèmes fondamentaux. De plus, les électeurs se positionnent aussi en fonction des propositions faites par les candidats et de leur croyance dans leur réalisation. Enfin, le jugement rétrospectif sur le bilan du candidat sortant est un élément fort du jugement prospectif porté par l’électeur sur les capacités comparées du sortant et de son concurrent. Le poids du jugement rétrospectif dans le jugement prospectif et la volonté de réduire le coût du choix électoral, peuvent pousser l’électeur à voter pour le candidat sortant s’il a le sentiment qu’il a fait correctement son travail et ce quelle que soit son étiquette politique. Ce phénomène s’est notamment produit lors de l’élection présidentielle de 2002. En effet, moins de la moitié des électeurs français considérait que Jospin avait l’étoffe d’un Président de la République tandis que les trois quarts attribuaient cette qualité à Chirac. Ainsi, un Président de la République, même amoindri par la cohabitation et par un climat difficile lié aux affaires est sans doute entouré d’un charisme présidentiel lié à sa fonction. Un président sortant bénéficie donc d’une très importante prime liée à sa fonction. 
La participation électorale résulte donc d’un choix de l’électeur qui repose sur la combinaison de plusieurs données. Dès lors que le citoyen se rend aux urnes et participe à l’élection, son bulletin de vote exprime des préférences politiques.

2 – L’expression des préférences politiques
Choisir un des candidats ou une des listes qui s’affrontent lors d’une élection, c’est exprimer en pratique une préférence. En déposant son bulletin dans l’urne, l’électeur prend parti face aux multiples choix qui lui sont proposés. Les études menées dans tous les pays où des possibilités de choix sont offertes aux électeurs montrent qu’il existe des corrélations entre l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle et les préférences politiques. D’une manière générale, le vote pour les partis conservateurs domine dans des groupes qui correspondent à des fonctions lucratives et socialement valorisées : patrons de l’industrie et du commerce, cadres supérieurs, médecins, avocats… Inversement, le vote pour des candidats ou des partis qui prônent le changement social, domine dans des groupes constitués de professions peu valorisées, assurant des revenus plus faibles et n’exigeant pas la possession de diplômes universitaires (ouvriers, employés les moins favorisés du secteur public).  Tout se passe donc comme si la probabilité qu’un individu vote pour des candidats conservateurs augmentait en fonction de l’ampleur de ses revenus, de l’importance de son patrimoine et des diplômes qu’il a obtenus. Cette affirmation, même si elle est exacte, n’en est pas moins simplifiée à l’extrême. Jusqu’aux élections législatives de 1978 le positionnement des électeurs entre la droite et la gauche était étroitement corrélé avec l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle. De même, les élections les plus récentes confirment que les artisans, commerçants, chefs d’entreprise et agriculteurs restent favorables à la droite (2/3 d’entre eux votent pour les candidats RPR et UDF). De son côté, le vote des professeurs et des instituteurs reste également orienté à gauche, même s’il s’ouvre à des candidatures écologistes. Pourtant, d’autres corrélations semblent être remise en cause. A ce titre, le vote des ouvriers en faveur du PCF s’est atténué pour finalement quasiment disparaître entre 1993 et 2002. Ce sont les écologistes et surtout l’extrême droite et l’extrême gauche qui profitent de cette modification. Ainsi, en 2002, à l’élection présidentielle, bon nombres d’électeurs communistes ont reporté leurs suffrages sur les candidats d’extrême gauche. En effet, Robert Hue n’a obtenu que 960 480 voix (soit 3,77 %) ce qui marque un recul très net par rapport à l’élection présidentielle de 1995 (2632460 voix soit 8,6 %) et pourrait faire penser que le vote ouvrier a totalement disparu. En fait, il n’en est rien, ce vote s’est simplement reporté sur d’autres candidats, de sorte que si l’on ajoute les voix obtenues par tous les candidats d’extrême gauche (Arlette Laguiller : 1630045 soit 5, 72 % ; Olivier Besancenot : 1210562 soit 4,25 % ; Daniel Gluckstein : 132686 soit 0,47 %) aux suffrages de Robert Hue, on obtient sensiblement le même score que ce candidat et Arlette Laguiller avaient fait en 1995 ( Hue + Laguiller en 1995 = 4248012 voix et Hue + Laguiller + Besancenot + Gluckstein en 2002 = 3933773 voix). La déperdition de 300000 voix provient d’une autre nouvelle particularité du vote ouvrier qui consisté désormais à aller vers l’extrême droite. Si l’on analyse ces données, on constate que les électeurs traditionnels du PCF ont considéré que la participation des communistes au gouvernement pendant les 5 années précédentes n'avait pas profité à la classe ouvrière. Ils ont donc sanctionné l’attitude de ce parti et reporté leurs suffrages sur des candidats qui semblaient mieux à même d’exercer une véritable protestation contre la politique menée. C’est en fait l’abandon par le PCF de sa philosophie de parti protestataire pour devenir un parti de gouvernement qui lui a coûté son électorat.         
En fait, il convient donc d’aller au-delà de la stricte corrélation entre la catégorie socioprofessionnelle et l’appartenance politique pour dresser le portrait type des électeurs de droite comme de gauche. Une première constatation a été fréquemment faite : la position de non-salarié, qui correspond en particulier aux professions d’agriculteurs, d’artisans, de membres d’une profession libérale et qui caractérise aussi les inactifs, apparaît généralement liée au vote de droite (l’inverse n’est pas vérifié puisque les certains salariés comme les cadres supérieurs ou les ingénieurs votent majoritairement à droite). Ce constat permet de mettre en évidence la relation des individus au travail. Dans la mesure où il implique l’indépendance ou la dépendance à l’égard d’un patron, le rapport au travail semble déterminer l’attachement aux valeurs de droite ou de gauche. Ainsi, les petits commerçants, dont le statut social est pourtant médiocre votent massivement à droite. A l’inverse, si les salariés, même quand ils sont dotés d’un important capital culturel (professeurs) votent plutôt à gauche, il convient de prendre en compte leur position dans l’entreprise, le type d’entreprise dans laquelle ils travaillent (les employés de bureau votent plus à gauche) et la permanence d’attitudes acquises dans leur milieu social d’origine (les fils d’ouvriers, même s’ils ne sont pas eux-mêmes ouvriers, continuent majoritairement à voter à gauche).
La détermination du vote par l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle passe donc par des mécanismes très complexes, tels que le rapport au travail, les croyances acquises dans un contexte antérieur, la cohérence du groupe d’appartenance ou le degré d’identification des individus aux valeurs qui prédominent dans le groupe dont ils relèvent. Cependant, la détermination ne s’exerce pas de façon mécanique. Ce n’est pas parce qu’ils subiraient les effets de leur position professionnelle que les patrons votent en général plutôt à droite ; c’est parce qu’ils ont intériorisé les croyances en vigueur dans leur milieu social ; c’est parce qu’ils ont reçu une éducation particulière et ont appris à se différencier par rapport à d’autres groupes sociaux. La détermination du vote par l’appartenance au groupe socioprofessionnel et plus largement à une classe sociale suppose donc une identification à ce groupe ou à cette classe. Cette identification n’est que partiellement volontaire, elle résulte d’un processus de construction de la personnalité. En réalité, la détermination de catégorie sociale suppose que les individus aient reçu et assimilé un système de représentations qui fonctionne pour chacun d’entre eux comme un cadre d’évaluation des rapports politiques, de la hiérarchie des positions sociales, des conduites adaptées aux problèmes qui se posent dans la vie quotidienne. Ces représentations, inséparables de la situation socioprofessionnelle expliquent certaines attitudes dans la sphère privée comme dans le comportement électoral.
L’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle joue donc un rôle déterminant dans l’explication des préférences politiques des électeurs. Cependant, d’autres éléments peuvent également être pris en compte. Ainsi, le sexe, l’âge et le lieu de résidence et la religion ont leur importance. En effet, pendant longtemps, les femmes ont moins été enclines à voter à gauche(aujourd’hui, hommes et femmes se répartissent de façon égale entre la gauche et la droite, les femmes demeurant plus réticentes à voter pour les extrêmes). De même, plus l’âge augmente et plus on constate une propension à voter à droite ou au centre. Enfin, le lieu de résidence et la religion ne sont pas étrangers au comportement électoral. Dans son ouvrage, Tableau politique de la France de l’Ouest sous la IIIème République (1913), André Siegfried a montré que la nature du sol, le mode d’habitat, le régime de propriété liés avec les croyances religieuses peuvent expliquer le comportement électoral. Dans les zones granitiques d’habitat dispersé (pays de bocage) où domine la grande propriété associée à la petite exploitation fermiers, métayers), le catholicisme s’est maintenu plus longtemps, ce qui explique la prédominance du vote de droite. Dans les zones de calcaires où l’eau est plus rare conduisant à un habitat regroupé, vivent des petits propriétaires détachés de l’Eglise et qui sont des bastions de la gauche. Au-delà de la résidence, André Siegfried avait en fait montré que l’appartenance religieuse est un facteur explicatif puissant du vote. Les catholiques pratiquants ont toujours majoritairement voté à droite. A statut socioprofessionnel et âges identiques, les catholiques pratiquants votent plus à droite que les autres électeurs. Inversement, des individus sans religion ont davantage tendance à voter à gauche.                                                             
Le postulat selon lequel les choix des électeurs résultent d’opinions individuellement et rationnellement motivées peut donc être infirmé. L’appartenance à un groupe social soudé par un ensemble d’intérêts cohérents a conduit à relativiser à l’extrême la part des choix personnels dans l’acte de vote. En outre, les développements précédents montrent qu’il s’avère impossible d’expliquer le comportement électoral en ne prenant en considération qu’une seule donnée. Certes la catégorie socioprofessionnelle joue un rôle majeur, mais d’autres variables interviennent de sorte qu’il est parfois difficile d’interpréter les résultats obtenus à une élection. De plus, il n’est pas facile de repérer des électeurs qui, d’élections en élections, expriment toujours les mêmes préférences politiques. Touts ces éléments rendent parfois difficile l’explication des résultats électoraux. Par exemple, la lecture des différents commentaires concernant les résultats de l’élection présidentielle de 2002 permet de tirer plusieurs enseignements de cette élection. Ainsi, il semble que la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour indique une progression de l’électorat d’extrême droite. Dans le même ordre d’idée, on a beaucoup lu que le vote en faveur d’Arlette Laguiller avait considérablement augmenté puisqu’elle a obtenu 5,72 % des voix en 2002 contre 5,3 % des voix à l’élection présidentielle de 1995. De plus, il n’est pas juste de dire que Lionel Jospin a subi un véritable désaveu si l’on ne mentionne pas la perte de voix subie par le président sortant entre 1995 et 2002. En effet, il est vrai que le Premier ministre a subi une nette érosion des voix entre les deux élections présidentielles de 1995 et 2002 (1995 : 7097786, 2002 : 4610113 soit une perte de 2487673 voix) sanctionnant certainement sa politique. Mais, ce désaveu n’est pas propre à Lionel Jospin, il a également touché le Président sortant (1995 : 6348375 ; 2002 : 5665855 soit une perte de 682520 voix) qui frôle le score le plus bas obtenu par un futur candidat au second tour à l’élection présidentielle (Alain Poher, 1er tour de l’élection de 1969 avec 5268651). Le score de J. Chirac est d’autant plus mauvais qu’en 1995, il avait obtenu 6348375 voix alors qu’Edouard Balladur (très proche sur l’échiquier politique) avait obtenu 5658796. Ce sont donc les deux têtes de l’exécutif qui ont vu leur score s’effriter, de sorte que l’on peut dire qu’il y a un désaveu qui concerne les dirigeants dans leur ensemble (il est à cet égard logique que le Premier ministre soit plus atteint puisque c’est lui qui a conduit la politique de la nation pendant les 5 années précédant l’élection présidentielle). Cette affirmation est corroborée si l’on compare les chiffres de plusieurs élections présidentielles. Ainsi, alors qu’en 1988, Mitterrand et Chirac totalisaient 53% des voix, qu’en 1995, Balladur pourtant présent, Chirac et Jospin totalisaient encore 43% des voix, en 2002, les deux hommes sont réduits à 35% de l’électorat. l’un et l’autre sont touchés par un mécanisme d’indifférenciation politique (les électeurs considérant que les différences entre eux sont faibles), par le rejet de la classe politique, par l’absence de thèmes mobilisateurs. Ce constat est encore accentué si l’on tient compte du fait que le vote protestataire (extrême gauche et extrême droite) tend à se développer.
Parallèlement, affirmer que l’électorat d’Arlette Laguiller a augmenté n’est pas tout à fait exact. Certes, son score s’est amélioré mais en voix elle ne fait au final que 14493 voix supplémentaires (1995 : 1615552 ; 2002 : 1630045) ce qui représente une amélioration de 0,88 % de son électorat. Or, compte tenu de l’évolution du nombre des inscrits qui a été plus rapide (augmentation de 3,5 % soit 1171156 électeurs inscrits supplémentaires), on pourrait même dire qu’elle a en réalité perdu des voix. Sans aller jusqu’à cette extrémité, il n’est néanmoins pas exact d’affirmer que le poids du vote Laguiller est plus important qu’en 1995. C’est en fait, l’extrême gauche dans sa globalité qui voit ses résultats électoraux augmenter, même si cela ne se voit pas d’emblée en raison de la dispersion des candidatures (Laguiller, Besancenot et Gluckstein). Les résultats des élections régionales permettent d’ailleurs de relativiser cette progression de l’extrême gauche puisque, malgré l’union de Lutte ouvrière et de la Ligue communiste révolutionnaire, aucune liste n’est parvenu à obtenir des élus dans les conseils régionaux (contrairement à ce qui s’était passé lors des précédentes élections régionales de 1998). 
Quant au vote Le Pen, il convient de relativiser considérablement sa progression. En effet, à cette élection il a obtenu 4804713 voix soit 16,86 % des suffrages exprimés alors qu’en 1995 il n’avait réalisé que 15 % des suffrages représentant 4570838 voix. Il a donc vu son électorat progresser de 233875 voix ce qui n’est finalement pas grand chose compte tenu de la progression du nombre des inscrits (+ 3,5 %). En fait, il dispose d’un électorat très motivé et a surtout profité de l’éparpillement des voix disséminées sur les 16 candidats en lice et notamment entre tous les candidats de gauche et d’extrême gauche (cet émiettement fait que le peuple de gauche, qui représente près de 43% des suffrages se retrouve sans candidat au second tour). Ce n’est donc qu’un concours de circonstance qui lui a permis d’être au second tour de l’élection présidentielle de 2002 et non la manifestation de sa progression fulgurante. Cette constatation demeure valable même si l’on ajoute aux voix de Le Pen une partie de celles obtenues par Bruno Mégret, qui défend des idées similaires (il n’est pas possible de faire une addition pure et simple des scores obtenus par ces deux candidats car tous les électeurs de Mégret ne se retrouvent pas dans le personnage Le Pen mais préfèrent des candidats comme Madelin ou Saint Josse). La faible progression du vote d’extrême droite se manifeste également dans les résultats du second tour. En effet, le candidat Le Pen n’a obtenu que 5525032 voix (soit 17,79 % des suffrages exprimés). Entre les deux tours il donc progressé de 720319 voix ce qui correspond à un report d’une partie des voix de Bruno Mégret, de Madelin et de Jean Saint Josse. En fait, l’extrême droite dispose, pour l’instant, d’un nombre défini de voix qui n’est pas susceptible de s’accroître pour permettre à un de ses candidats de l’emporter. Cette affirmation est corroborée par les résultats des élections régionales de mars 2004. En effet, même dans les régions où le Front national est fortement implanté, il n’a pas réussi à enlever la région (ex : Paca où la liste FN ne finit que 3ème, derrière celle de l’UMP). En fait, il se trouve dans l’impossibilité de passer de la protestation exprimée au 1er tour des différentes élections au rassemblement nécessaire à la victoire au second tour. Ainsi, l’extreme-droite reste électoralement enclavée. Plusieurs raisons expliquent cette situation. Tout d’abord, une partie de l’électorat Le Pen du 1er tour, parès avoir exprimé sa protestation, reprend son vote pour le donner au second tour à un candidat plus modéré. Ensuite, le report des autres électorats sur celui du front national est très faible. En définitive, la participation de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002 n’est donc en fait que le résultat d’un concours de circonstances qui n’appelle pas tous les commentaires qui en ont été faits. En revanche, l’absence de participation électorale résultant de l’abstention ou du défaut d’inscription sur les listes électorales, l’importance du vote blanc et le nombre trop élevé de candidats sont les véritables points forts de ce scrutin qui mériteraient une analyse en profondeur de la part des politistes et de la classe politique.          
En outre, la participation électorale est également fonction de l’offre qui est faite aux électeurs. En effet, la participation politique ne peut pas être analysée du seul point de vue de l’électeur mais doit également être étudiée sous l’angle du candidat et de l’élu.

b – La distance entre les candidats, les élus et les électeurs
1 – La sélection des candidats
Comment devient-on candidat ? A cette question, on serait tenté de répondre « parce qu’on le veut ». mais il ne suffit pas de le vouloir. Il faut encore franchir un certain nombre de barrières. En effet, pour devenir candidat à une élection politique, il existe une sélection qui peut être nationale ou locale, ouverte ou fermée.
En France, pendant longtemps la sélection des candidats aux élections législatives est restée une affaire de notables locaux, surtout à droite. Seul échappait totalement à ce localisme, le parti communiste qui veillait d’ailleurs avec soin à éviter que ses maires soient candidats aux élections législatives. Avec l’avènement de la Vème République, la bipolarisation progressive de la vie politique et la restructuration des partis, la discipline nationale a peu à peu pris le pas sur l’auto-candidature locale. Les députés indépendants ou hostiles à la toute puissance des états-majors parisiens ont dû rentrer dans le rang en acceptant de se voir soumettre ou opposer des candidats parachutés du sommet. L’habitude a été donnée par le parti gaulliste qui, dans cette stratégie centralisée et disciplinée, bénéficiait des atouts que confèrent la détention du pouvoir et l’autorité d’une personnalité charismatique. Grâce à l’appui d’un électorat lassé de l’instabilité gouvernementale et de l’indiscipline parlementaire, les députés ont pris conscience que la personnalisation du vote déclinait au profit de la nationalisation de la vie politique. Les partis politiques ont donc réussi à imposer leurs candidats. Les candidats non-officiels, c’est-à-dire qui ne sont pas soutenus par un parti politique, ont très peut de chances de l’emporter, même si de temps à autre le localisme se manifeste encore par le rejet du parachuté et la préférence pour le dissident local.
Toutefois, la prédominance des partis politiques parisiens dans la désignation des candidats n’a pas fait disparaître totalement le localisme. En effet, le plus souvent, les partis entérinent des situations locales. Ce n’est qu’en cas de conflits locaux ou de dissidence que les instances centrales des partis sont amenées à trancher et à imposer leurs candidats.
La nationalisation et la centralisation sont encore plus nettes dans le processus de détermination des candidats présidentiels, surtout depuis la réforme du 18 juin 1976 visant à écarter les candidatures fantaisistes par des règles plus strictes de parrainage. En revanche, les candidatures aux élections sénatoriales restent presque totalement du domaine local. Certes, les candidats possèdent généralement une étiquette partisane et les organisations nationales ne peuvent se désintéresser des enjeux de telles élections. Mais, la sélection des candidatures et les chances de succès répondent davantage aux règles du microcosme local qu’aux stratégies nationales des partis. Enfin, il est bien évident que pour les élections locales (municipales, départementales et régionales), les partis politiques jouent un rôle important dans la désignation des têtes de liste. En revanche, pour la composition du reste de la liste, ils s’en remettent le plus souvent aux instances locales des partis et aux candidats implantés localement qui connaissent la population et les personnes susceptibles d’être intéressées par une candidature.
La sélection des candidats obéit donc à une logique grandement centralisatrice grâce à l’emprise exercée par les organes centraux des partis politiques. Cette situation restreint donc considérablement la liberté de candidature. Celle-ci est également limitée par le caractère plus ou moins ouvert de la sélection des candidats. Elle dépend de multiples facteurs comme les procédures formelles de choix des candidats et les processus politiques et sociaux intervenus en amont de la sélection proprement dite.
Presque partout, sauf aux Etats-Unis (système des primaires à l’intérieur de chaque parti pour sélectionner les candidats) les conditions formelles de candidature sont peu restrictives. La principale règle formelle de sélection est l’appartenance au parti, encore que souvent les organisations partisanes recrutent en dehors de leur appareil militant, soit pour améliorer leur image de marque soit pour élargir le vivier de leur recrutement. Ce fut le cas des gaullistes qui après avoir recruté de nombreux ministres au sein de la haute fonction publique les parachutèrent dans des circonscriptions, grâce à la notoriété nationale qu’ils avaient acquise. Cependant, le peu de procédures formelles mises en place par les partis politiques cache une réalité plus fondamentale : la sélection des candidats s’est déjà largement opérée en amont, à l’intérieur des partis, et les combats visibles sur la scène politique ne sont que le couronnement de processus d’élimination plus souterrains.
Ces processus sont pour une part de nature politique. On peut d’abord relever que la compétition, au moins dans les grands partis, est réservée à une petite fractions de citoyens, celle des électeurs-militants de la formation politique. Autrement dit, si l’élection au Parlement entraîne souvent la spécialisation politique des élus, bien souvent celle-ci est précédée d’une quasi professionnalisation partisane ou politique (le nombre de députés sans expérience partisane antérieure tend à diminuer alors que de plus en plus de parlementaires ont exercé une fonction dans le parti avant d’accéder au Parlement).
Réservé pour l’essentiel aux militants, le processus de sélection est également plus ou moins compétitif selon les modalités de l’élection et le rapport de forces électoral. Par exemple, en France en 1986, la lutte pour la candidature aux élections législatives (représentation proportionnelle donc scrutin de liste) était double : être placé sur la liste du parti mais aussi être dans une position d’éligibilité compte tenu du nombre de candidats que le parti peut espérer faire élire dans la circonscription. On constate un phénomène analogue lorsque l’élection a lieu au scrutin majoritaire uninominal. La compétition est d’autant moins rude que les chances d’un parti X d’emporter le siège sont faibles.
Le rôle des organisations partisanes peut encore être illustré par une troisième dimension : il s’agit de la présentation de candidat dont les chances d’être sélectionnés sont faibles compte tenu des pesanteurs politiques et sociologiques. Il s’agit alors pour les partis politiques d’améliorer leur image de marque et de toucher de nouveaux électeurs. On peut citer le cas du PCF qui a veillé à la composition ouvrière de sa représentation parlementaire afin de bien montrer qu’il est le parti de la classe ouvrière, le profil sociologique de ses candidats devant refléter cette situation. Les autres partis ont été moins touchés par cette recherche d’une meilleure représentativité. Cependant, sous l’impulsion de minorités raciales, ethniques, féministes ou écologistes, les partis ont coopté des candidats capables d’attirer des fragments de l’électorat peu séduits par les partis et les candidats traditionnels. En France, le Conseil constitutionnel a dû déclarer contraire à la Constitution l’introduction de quotas par sexe sur les listes de candidats aux élections municipales (d’où la nécessaire révision de la Constitution du 25 juin 1999).
Enfin, la sélection en amont des procédures officielles est aussi sociale. L’importance de la position de parlementaire explique que la candidature à cette fonction exige des qualités jugées indispensables soit par les partis, les candidats eux-mêmes ou encore les militants et l’électorat. Car, à la différence des partis ouvriers qui cherchent à identifier le représentant et le représenté, la plupart des formations politiques et des électeurs ont une conception quasi hiérarchique de la représentation politique. Le représentant doit avoir des qualités et des compétences qui le rendent digne d’être désigné.
Tous ces éléments permettent de dire que la route est donc longue pour les candidats à la candidature et qu’il n’y a guère de place pour les non-militants. Au surplus, parmi les militants, seuls un petit nombre d’entre eux peuvent espérer être désignés comme candidats par les instances dirigeantes du parti. Enfin, lorsque tous ces obstacles sont surmontés, il faut partir en campagne afin de remporter l’élection et d’accéder au statut d’élu.

2 – portrait de l’élu
A cet égard, il est possible de dresser un portrait type de l’élu à l’Assemblée nationale. C’est un homme, d’âge mûr, appartenant aux classes moyennes, disposant d’un bon niveau d’éducation et devenant sans cesse davantage un professionnel de la politique. Rares sont les femmes parlementaires car malgré l’impulsion donnée par les mouvements féministes, la progression des femmes dans les assemblées parlementaires est quasi nulle. Toutefois, la révision constitutionnelle du 28 juin 1999 devrait, à terme, améliorer cet état de fait. En effet, désormais, l’article 3, alinéa 5, de la Constitution dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ». La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives prévoit que les partis doivent présenter autant de candidates que de candidats avec un écart maximum de 2% (ex : 51% d’hommes et 49% de femmes). Si tel n’est pas le cas et que les partis ne respectent pas cette obligation résultant autant de la loi que de l’article 4, alinéa2, de la Constitution (les partis politiques contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l’article 3 dans les conditions déterminées par la loi), ils seront pénalisés financièrement (la part de la subvention versée par l’Etat aux partis politiques en fonction du nombre de parlementaires obtenus sera réduite en proportion de l’ampleur de l’écart (5% de crédits en moins pour un écart de 10%, 30% en moins pour un écart de 60% et jusqu’à 50% de réduction pour un parti qui ne présenterait que des hommes).
En fait, si l’on analyse les résultats des élections législatives de 2002, on constate que, malgré le dispositif constitutionnel et législatif, rien n’a vraiment changé. En effet, sur les 8456 candidats aux élections législatives (pour 577 places à l’Assemblée nationale) il y avait uniquement 3284 femmes ce qui représente 39 % de candidates à la députation. En réalité, loin de réparer une injustice, la loi du 6 juin 2000 sur la parité en a semble-t-il créé une nouvelle puisque les partis les plus riches sont ceux qui font le moins de place aux femmes parmi leurs candidats. Ainsi, l’UMP (union pour la majorité présidentielle) n’a présenté que 19% de candidates, elle verra donc sa subvention publique amputée de 4 millions d’euros par an (soit un manque à gagner de 16 %). De même, le PS, qui a présenté 36 % de candidates sera pénalisé à hauteur de 9 % le PCF sera pénalisé à hauteur de 4 %). Seuls Lutte Ouvrière, la Ligue Communiste Révolutionnaire et les verts atteignent l’équilibre parfait et échappent à l’amende (le FN a quasiment fait aussi bien puisqu’il a présenté 49 % de candidates). La lecture de ces chiffres permet de comprendre que les grands partis, qui cherchent à accéder au pouvoir, investissent peu de femmes alors que les petits partis ont des impératifs financiers et cherchent avant tout à éviter l’amende. En conséquence, les partis les mieux représentés à l’Assemblée nationale sont ceux qui sont le moins féminisés. Cet état de fait explique que si le nombre de candidates à la députation a plus que doublé depuis 1997, peu de femmes sont encore présentes à l’Assemblée nationale.
En effet, si cette révision constitutionnelle et cette loi imposent une égalité homme femme dans la présentation des candidats, elle ne garantit cependant pas que la parité soit acquise parmi les élus. En effet, elle se contente d’imposer la parité parmi les candidats et non parmi les élus. Elle n’a donc que très peu contribué à renforcer la présence des femmes à l’Assemblée nationale laquelle est aujourd’hui, à l’exception de la Grèce, la plus faible de tous les pays européens (12,3 % de femmes à l’Assemblée nationale actuellement en France contre 40% en Suède et 13% au Portugal). En fait, seuls neuf des nouveaux députés élus cette année sont des femmes, ce qui porte le contingent féminin à 71 députés. Maigre bilan pour une réforme présentée comme déterminante pour le paysage politique français. 
Quant à l’âge des élus au Parlement, on peut dire que dans la majorité des cas, il oscille entre 40 et 60 ans. Tant les citoyens les plus jeunes que très âgés sont exclus des assemblées. Si l’on prend en compte le niveau d’instruction des parlementaires, on s’aperçoit qu’il es fort différent de celui de la population qu’ils représentent. La plupart des parlementaires possèdent un diplôme universitaire avec une tendance à l’accentuation de ce phénomène. Dans les années 60, on observait une très nette différence entre les parlementaires de gauche, et notamment les communistes, qui avaient moins de diplômes et les parlementaires de droit. Aujourd’hui, on assiste à une homogénéisation du recrutement des parlementaires qui fait que le fossé se comble quant à la détention de diplômes.
Enfin, compte tenu du haut degré d’instruction des parlementaires, il n’est pas étonnant de constater leur appartenance aux catégories socioprofessionnelles les plus élevées. A cet égard, les travailleurs manuels sont les grands absents de la démocratie parlementaire occidentale. Il n’y a pratiquement pas d’exemples d’un passage direct de l’usine au Parlement. Au mieux, les parlementaires issus de cette classe sociale sont d’anciens permanents des syndicats ou des partis politiques. De plus, on assiste à un déclin continu des classes les plus élevées de la société et en particulier des aristocrates et de la grande bourgeoisie. L’essentiel des parlementaires se recrute dans les catégories sociales intermédiaires privilégiées (privilèges issus de l’argent, de la position sociale, la compétence ou du statut comme pour les fonctionnaires). Parmi les groupes dominants au Parlement, on peut mettre en évidence : les fonctionnaires et surtout les enseignants qui bénéficient de facilités statutaires, les industriels, commerçants et professions libérales (ce groupe est assez hétérogène mais il possède une caractéristique commune : l’autonomie économique) et les véritables professionnels de la politique (la professionnalisation accrue qui requiert des élus qu’ils consacrent tout leur temps à la politique explique que les hommes travaillant à temps plein pour les partis politiques sont de plus en plus nombreux à acquérir un mandat électif).
En conclusion, il faut également compléter le portrait du parlementaire français en notant que la majorité des membres de l’Assemblée nationale présente un lien au niveau local dû à un possible cumul des mandats même si la loi organique du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux prévoit que désormais le mandat parlementaire est incompatible avec l’exercice de plus d’un mandat électif local (conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller général, conseiller à l’assemblée de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 3500 habitants).   
Toutes ces considérations montrent qu’il est possible de dresser un portait type des élus français (que l’on retrouve d’ailleurs dans les autres pays européens). De façon générale, les électeurs désignent donc pour les représenter des hommes et des femmes qui ne leur ressemblent guère mais qu’ils jugent aptes à exercer ces fonctions. Si la désignation des élus et la participation électorale dépendent donc d’une alchimie entre les électeurs et les candidats, il ne faut pas négliger les aspects plus techniques du scrutin liés à l’organisation du droit de suffrage et des campagnes électorales et surtout aux modes de scrutin.         
Les modes de scrutin, définis comme les différentes techniques susceptibles d’être utilisées pour déterminer les candidats élus en fonction des suffrages exprimés par les électeurs, reposent sur une opposition fondamentale entre le scrutin majoritaire et la représentation proportionnelle.

c – L’impact des modes de scrutin sur la participation électorale
1 – le scrutin majoritaire
Le scrutin majoritaire consiste à attribuer les sièges aux candidats ayant obtenu le plus de voix. Lorsque le scrutin est à un tour, la majorité relative suffit ; lorsque le scrutin est à deux tours, la majorité absolue est exigée au premier tour. Dans ce cas, si aucun candidat n’obtient cette majorité au premier tour, il est alors procédé à un second tour pour lequel la majorité relative suffit. Ce scrutin majoritaire peut être un scrutin uninominal (lorsque la circonscription n’a qu’un siège à pourvoir) ou plurinominal (= scrutin de liste lorsque la circonscription comportent plusieurs sièges à pourvoir, les candidats peuvent alors être regroupés sur une même liste). Le scrutin majoritaire à un tour est le mode de scrutin de l’élection de la chambre des communes en Grande-Bretagne. Il conduit au bipartisme car il oblige l’électeur à immédiatement voter utile. Il valorise les deux formations les plus puissantes en favorisant la concentration des suffrages sur les deux principaux partis et en renforçant leur représentation en sièges (Grande-Bretagne).
Au total, il débouche sur une sur-représentation du parti majoritaire en voix (loi du cube : si le rapport des suffrages obtenus par deux partis est de A/B, le rapport des sièges est de A3/B3 ; les travaillistes en 1997 avec 43% des voix ont remporté plus de 63% des sièges), une sous-représentation du parti minoritaire et une quasi absence de représentation des autres partis politiques. C’est un mode de scrutin qui est donc particulièrement injuste car il ne reflète pas réellement le vote des électeurs. Cependant, il assure toujours l’émergence d’une majorité claire ce qui fait de lui un mode scrutin apte à fournir une stabilité gouvernementale. De ce fait, les deux partis dominants ont intérêt à ne pas remettre en cause ce mode de scrutin.
Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours est celui des élections législatives et présidentielles en France. Il conduit au multipartisme tempéré corrigé par la bipolarisation puisque au premier tour, on choisit et au second tour, on élimine. Au premier tour, l’électeur peut voter pour le candidat de son choix en raison de la présence de multiples candidatures. Au second tour, si son candidat a été éliminé, il pourra voter pour le candidat le plus proche de ses préférences. Le vote utile n’a donc lieu qu’au second tour, pour lequel les partis en présence ont tout intérêt à se regrouper en coalition solide. En effet, ce mode de scrutin favorise le multipartisme « au centre » avec des alliances conclues entre les deux tours. Au premier tour, les partis politiques dispose de leur entière liberté pour présenter ou non des candidats. Au second tour, comme certains candidats ne peuvent pas se maintenir, des regroupements s’opèrent par affinités, regroupements qui ne sont pas les mêmes dans toutes les circonscriptions. L’intérêt est en effet d’aboutir entre partis à des accords de désistements réciproques et systématiques en faveur du candidat arrivé en tête au 1er tour. Les partis qui ne peuvent pas conclure des accords de candidature unique avant les élections ou des accords de désistement entre les deux tours sont marginalisés.
Comme le scrutin à un tour, il entraîne une sur-représentation du parti vainqueur et plus largement une sur-représentation des modérés et une sous-représentation des extrêmes. En effet, les partis situés aux extrémités de l’échiquier politique n’arrivent pas ou peu à former des alliances ce qui rend leur victoire au second tour beaucoup plus difficile (ex : les front national alors que les communistes et les verts, par leur alliance avec les socialistes, parviennent à obtenir des élus).   
Qu’il soit à un tour ou à deux tours, la caractéristique principale du scrutin majoritaire est l’injustice à laquelle il aboutit. En effet, le vainqueur empoche tous les sièges et ne laisse rien au vaincu. Par exemple, au second tour d’une élection celui qui obtient 50, 01% des voix est élu tandis que celui qui obtient 49,99% n’obtient rien. Dans ces conditions, des parts importantes de la population n’obtiennent pas de représentation ce qui peut mettre en danger les fondements même de la démocratie (par exemple, l’extrême droite représentée par le FN et le MNR a recueilli au premier tour des élections législatives de 2002 12, 4 % des suffrages exprimés soit 3.139.336 bulletins en sa faveur. Or, ces 3 millions d’électeurs n’ont aucune représentation dans la nouvelle Assemblée nationale). Néanmoins, il présente un avantage indéniable : celui d’assurer presque systématiquement une majorité et donc de garantir la stabilité de l’exécutif. En outre, il renforce le lien entre l’électeur et l’élu et permet la désignation des élus par les électeurs eux-mêmes et non par les états-majors des partis. 

2 – La représentation proportionnelle
Simple et démocratique en théorie, complexe et élitiste en pratique, la représentation proportionnelle est le système électoral qui, au lieu de réserver toute la représentation à la moitié plus un des électeurs, s’efforce d’assurer à chaque parti une représentation en rapport avec sa force numérique. Elle consiste à répartir les sièges à pourvoir proportionnellement au nombre de voix obtenues par chaque liste. Si dans une circonscription où il y a 5 sièges à pourvoir,  la liste A obtient 60% des suffrages et la liste B 40%, la première disposera de trois sièges et la seconde de deux sièges. Naturellement, en pratique, il est impossible de parvenir à une telle adéquation ce qui rend le calcul beaucoup plus complexe. Pour obtenir le nombre de sièges gagnés par chaque liste en présence, il faut réaliser une double opération consistant à attribuer les sièges de quotient puis les restes. Il faut tout d’abord établir le quotient électoral. Celui-ci correspond au rapport entre le nombre de suffrages exprimés (votants – les bulletins blancs ou nuls) et le nombre de sièges à pourvoir. Chaque liste obtiendra autant d’élus qu’elle contient de fois le quotient électoral dans son score. Cependant, comme les résultats ne tombent jamais justes, il faut ensuite attribuer les restes. Deux techniques existent : - la technique des plus forts restes attribue les sièges restants au parti qui a obtenu le plus grand nombre de voix inutilisées. C’est un système qui est favorable aux petits partis qui, sans parvenir au quotient électoral, peuvent réunir un nombre de voix qui représente un reste important.                         - la technique de la plus forte moyenne qui consiste à diviser, pour chaque parti, le nombre total de voix obtenues par le nombre total de sièges que chaque parti aurait, si on lui attribuait le siège restant. Le parti qui détient la plus forte moyenne reçoit le siège (la plus forte moyenne peut également être calculée grâce au système d’Hondt).
La représentation proportionnelle donne à toute formation politique un nombre d’élus correspondant à son importance dans le corps électoral. En ce sens, elle peut être comparée à une photographie de la circonscription. En conséquence, la RP assure une représentation complète de la majorité et de l’opposition (elle permet la représentation des partis minoritaires). C’est donc le procédé le plus juste. Cependant, par la chance qu’elle offre aux petits partis, elle tend à en multiplier le nombre de telle sorte qu’avec la RP, il est plus difficile de constituer des majorités cohérentes (il est très souvent nécessaire de réaliser des coalitions pour obtenir une majorité parlementaire de sorte que la constitution d’une majorité gouvernementale dépend souvent plus des tractations d’états-majors aux lendemains des élections que des résultats eux-mêmes) et stables.
A cet égard, elle contribue au multipartisme. Chaque parti se lance dans l’élection sans se soucier d’alliances éventuelles. De plus, ce scrutin renforce le poids de l’appareil dirigeant des partis politiques en renforçant la discipline de ses membres. En effet, pour ceux-ci, l’important est de se faire inscrire en bonne place sur la liste (afin d’avoir une chance d’être élu). Elle tend alors à rompre les liens entre les électeurs et les élus. En effet, lorsque les élus sont désignés ensemble dans le cadre d’une grande circonscription, aucun lien personnel ne se développe entre eux et leurs électeurs d’autant que le sort électoral de la plupart des élus n’est pas déterminé par les votes mais par leur position sur la liste présentée par leur parti (en revanche, dans le scrutin majoritaire uninominal, l’élection d’une seule personne et non d’une liste dans une circonscription relativement petite permet à l’élu d’entretenir de réelles relations avec ses électeurs). Enfin, les enseignements politiques du scrutin sont généralement moins visibles. Alors que la logique majoritaire amplifie l’impact en sièges des déplacements de voix et désigne clairement un vainqueur, les résultats d’élections à la RP n’offrent pas de contrastes aussi importants. La RP atténue les mouvements d’opinion de sorte que les gains enregistrés par certains partis ne bouleversent pas l’équilibre des forces au sein d’une assemblée parlementaire.
Si la représentation proportionnelle favorise la fragmentation politique, elle n’est pas toujours synonyme d’instabilité politique. Dans la mesure où les formations politiques se présentent chacune sous leurs propres couleurs et n’ont donc pas intérêt à s’allier avant l’élection qui ne possède qu’un tour, la représentation proportionnelle favorise la fragmentation. Pour autant, il n’y pas nécessairement instabilité et incapacité d’aboutir à une majorité absolue. L’exemple de la France avec les élections législatives de 1986 est frappant et vient contrebalancer l’instabilité qui existait sous la troisième et la quatrième République.

3 – Les scrutins mixtes
Enfin, à côté du scrutin majoritaire et de la RP, il existe des scrutins mixtes qui tentent de combiner les avantages des deux autres modes de scrutins. A ce titre, ils englobent à la fois RP et scrutins majoritaires. Un bon exemple est fourni par les élections municipales en France dans les communes de plus de 3500 habitants (dans les communes de moins de 3500 habitants, c’est un scrutin majoritaire). Il s’agit d’un système essentiellement majoritaire corrigé par une instillation de proportionnelle, à la plus forte moyenne, à deux tours sans panachage (les électeurs composent leur bulletin de vote à partir de noms figurant sur les différentes listes, élections municipales dans les communes de moins de 3500 habitants) ni vote préférentiel (qui permet de modifier l’ordre de présentation des candidats sur une liste, ce qui confère une certaine liberté à l’électeur par rapport aux choix effectués par les partis politiques). Au 1er tour, si une liste obtient la majorité absolue des voix, elle se voit attribuer la moitié des sièges, les autres sièges sont répartis à la RP à la PFM entre toutes les listes (y compris la liste victorieuse) ayant recueilli plus de 5% des suffrages exprimés. Si au 1er tour aucune liste n’obtient la majorité absolue, on organise un second tour auquel participe toutes les listes ayant obtenu plus de 10% des suffrages au 1er tour. La liste arrivée en tête au second tour obtient la moitié des sièges et participe à l’attribution des sièges restants.
Ce mode de scrutin a également été étendu aux élections régionales. Si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés au 1er tour, elle se voit attribuer le ¼ des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu plus de 3% des suffrages exprimés à la RP à la PFM. Si aucune liste n’obtient la majorité absolue au 1er tour, on organise un second tour entre toutes les listes ayant recueilli plus de 5% des suffrages exprimés.
Ces deux exemples mettent en évidence les vertus du scrutin mixte puisque dans tous les cas une majorité stable sera assurée et que l’opposition aura droit de cité dans les conseils municipaux et régionaux.
Le choix du mode de scrutin n’est donc jamais innocent et reflète comme l’encadrement du vote et les efforts faits par la classe politique pour convaincre les citoyens de participer au vote, l’importance de l’élection dans la vie d’un régime démocratique. Au-delà du vote, la participation à la vie politique et sociale peut résulter d’une contestation du pouvoir et de ses choix. 

    B – La participation protestataire
Un groupe d’individus mobilisés apparaît au premier abord comme un ensemble agissant en fonction d’intérêts communs, à partir de motivations identiques et pour un objectif partagé par tous les membres du groupe. Se pose alors la question de savoir quelles sont les conditions de cette action collective, pourquoi à un instant T, plusieurs individus décident de s’assembler pour faire connaître leurs revendications ?

a - Les conditions de l’émergence d’une action collective
Chaque fois qu’existe un fort niveau de mécontentement et d’insatisfaction, une action collective n’apparaît pas pour autant. En fait, il faut obtenir la réunion de conditions spécifiques pour qu’un mouvement protestataire prenne forme : des antagonismes très forts et une prise de conscience des individus de la nécessité d’agir. 

1- L’existence d’antagonismes
Au sein de la société, l’existence de chaque individu est nécessairement reliée à celle des autres membres appartenant à la même société. En effet, exister socialement, c’est exister en face d’autrui et souvent même contre autrui. Par exemple, une personne qui obtient un emploi a nécessairement été recrutée de préférence à d’autres concurrents. De là naît une dynamique conflictuelle qui conduit les individus à calquer leurs aspirations sur celles de leurs semblables. La division du travail, la différenciation des tâches et des rôles, la répartition des biens, contribuent toujours à créer des inégalités et des insatisfactions. Les intérêts et les aspirations de chacun des membres de la société sont alors conditionnés par leur position au sein du champ social. Même si l’on sait que ce ne sont pas nécessairement les plus démunis économiquement qui contestent avec le plus de vigueur la hiérarchie des revenus, il est néanmoins vrai que des sphères d’intérêts propres apparaissent au sein de la société. Par exemple, tous les contribuables ne ressentent pas de la même manière le paiement de l’impôt. Des différences apparaissent non seulement entre les revenus faibles et les revenus élevés mais également entre les salariés et non salariés, de sorte que la politique fiscale du gouvernement est ressentie différemment selon la catégorie d’individus à laquelle on s’adresse. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la dynamique conflictuelle ne recoupe pas toujours les catégories sociales ou socio-professionnelles. Au sein même de certaines catégories peuvent apparaître des aspirations différentes. Par exemple tous les retraités ne vivent pas leur situation de manière identique. Les retraités de la fonction publique et ceux du petit commerce ou de l’agriculture, avec un passé socio-professionnel différent, ne partagent pas nécessairement les mêmes attentes. De plus, cette dynamique conflictuelle n’est jamais figée. En effet, une même personne occupe des positions différentes au sein du champ social tout au long de sa vie. A priori, elle peut espérer accroître son positionnement social au fil des années. Dès lors, ses intérêts et ses aspirations ne seront plus les mêmes, ce qui la conduira à s’associer avec d’autres membres de la société que ceux avec lesquels elle se sentait liée à l’origine.
A partir de ces éléments qui expliquent l’existence et la multitude d’intérêts antagonistes dans une société, on peut tenter d’opérer une classification de ces intérêts afin de comprendre les moteurs de l’action collective. Tout d’abord, on peut citer des antagonismes de frustration tels qu’ils ont été mis en évidence par James Davies et Ted Gurr. Pour eux l’émergence des mouvements collectifs trouve sa source dans un état de frustration qui engendre l’agressivité. Dans cette perspective, on assiste à une division de la société entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas. De là, naît un sentiment de convoitise et d’envie qui existe aussi bien à l’intérieur d’un pays qu’au niveau international entre les riches Etats du nord et les pauvres pays du sud. Ces frustrations concernent aussi bien les objets de consommation dont l’acquisition dépend du niveau de vie des individus que de biens plus immatériels tels que le savoir-faire, la compétence ou la bonne réputation.
Ensuite, on peut mettre en relief des antagonismes de dépendance qui apparaissent lorsque des individus ont à la fois des intérêts opposés et des avantages communs à préserver. Par exemple, au sein d’une entreprise, le patron souhaite obtenir un maximum de rendement pour une rémunération la moins élevée possible ; à l’inverse, le salarié souhaite obtenir la rémunération la plus avantageuse possible pour la réalisation de tâches les moins ardues possibles. Patrons et salariés ont donc des intérêts antagonistes. Toutefois, patron et salariés ont un intérêt commun : la survie et l’expansion de l’entreprise sans laquelle le patron ne fait plus de bénéfices et les salariés n’ont plus d’emplois. Les liens entre tous ces individus sont donc complexes et mêlent opposition et convergence d’intérêts. En réalité, entre ces individus, il existe une relation d’échanges mutuellement avantageuse. La naissance de conflits entre eux est par conséquent généralement circonscrite dans des limites compatibles avec le maintien de l’échange (même lorsque les salariés d’une entreprise font grève pour obtenir la satisfaction de leurs revendications, ils n’ont pas intérêt à la fermeture de l’entreprise, faute de quoi non seulement leurs aspirations ne seraient pas reconnues mais leur emploi serait perdu).
Enfin, dernier type d’antagonisme à avoir été identifié : les antagonismes de concurrence qui apparaissent partout où des individus sont en conflit pour l’acquisition des mêmes biens ou postes (opposition de candidats à une élection, concurrence pour l’obtention d’un emploi, concurrence entre des entreprises occupant le même créneau sur le marché…).
L’identification de ces antagonismes n’implique pas la réalisation systématique d’une action collective conflictuelle. Antagonismes et conflits d’intérêts demeurent latents si aucune prise de conscience collective ne s’opère concernant la réalité des intérêts spécifiques d’un groupe par rapport à ceux d’un autre groupe.

2- La prise de conscience de la nécessité d’une action collective
Cette prise de conscience peut se réaliser de façon plus ou moins rapide et spontanée. Dès l’enfance et tout au long de la vie, les individus apprennent à se situer dans la société et à identifier des convergences ou des divergences d’intérêts avec les autres membres de la société. Sur cette base, se construisent des groupes d’appartenance (in-groups) par opposition à l’extérieur (out-groups). Les nationaux s’opposent alors aux étrangers, les actifs s’opposent selon leur type d’activités ou de rémunération, les croyants se séparent des non-croyants….
D’une manière générale, il apparaît que les groupes les plus aptes à se mobiliser pour la défense de leurs intérêts ou d’une cause à laquelle ils s’identifient sont ceux qui sont déjà fortement structurés. En effet, toute mobilisation implique un minimum d’organisation de la part des membres du groupe. La densité des réseaux de relations qui structurent un groupe étendu et favorisent sa mobilisation éventuelle apparaît alors comme la 1ère condition de réalisation d’une action collective. Les principes de constitution de ces liens de solidarité sont extrêmement divers : relations familiales étendues à une parenté éloignée pouvant engendrer de véritables attaches de clan, relations professionnelles élargies à des activités régulières d’entraide ou de loisirs communs, fréquentation assidue de lieux favorisant une certaine convivialité comme les Eglises, les associations, les cinémas, les salles de spectacles, les restaurants…
Lorsque les groupes d’appartenance sont assez fortement organisés pour qu’y soit assurée la transmission de croyances communes et que la défense de ces croyances apparaît comme un impératif personnel, alors toute menace pesant sur le groupe peut susciter la mobilisation. Cette condition de la mobilisation apparaît nettement dans le cas de sociétés ou de groupes fortement structurés par des croyances religieuses et d’autant plus que l’ensemble des comportements est fermement encouragé par les dirigeants (les mobilisations de masse orchestrées par les confréries en Islam relèvent de cet ordre d’explication). L’action collective dépend ainsi d’une prise de conscience de la nécessité de maintenir ou de renforcer des liens sociaux conçus comme l’expression de normes et de règles qui ne peuvent être transgressées et qui sont sacrées (des messages religieux fondés sur l’attente du sauveur ou l’arrivée d’un âge d’or contribuent à renforcer cette prise de conscience).
Cette prise de conscience qui permet le passage à une action collective contestataire ne résulte pas toujours de la conscience qu’auraient les individus de leurs intérêts communs. En effet, parfois l’individu agirait en fonction d’un simple calcul coût/avantage. L’individu est ici conçu comme agissant en vertu d’un calcul rationnel des coûts et des avantages de ses actes, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu’il évalue consciemment le poids des uns et des autres mais simplement qu’il se comporte en pratique de manière rationnelle en s’efforçant de limiter les coûts et d’obtenir le plus de biens possibles. Or, quantités d’avantages désirés profitent également à d’autres membres d’une société : une grève réussie permettra d’obtenir une augmentation de salaire pour tous les salariés de l’entreprise même s’ils n’ont pas fait partie des grévistes. L’obtention de cet avantage n’implique donc pas qu’un individu se soit personnellement engagé dans l’action collective, au contraire, il peut espérer que l’action des autres lui permettra d’obtenir satisfaction sans avoir à participer personnellement à l’action revendicatrice et sans avoir à supporter les coûts parfois élevés de l’action collective (perte de salire lors de la grève…). S’il est vrai que certains individus procèdent à un bilan coût/avantage avant de s’engager dans l’action collective, on ne peut nier que c’est leur conscience dans la défense d’intérêts communs qui finalement les poussera à agir.
En définitive, toute mobilisation peut être considérée comme une action qui suppose la réunion de conditions favorables. Elle n’est possible que dans la mesure où les individus ont un intérêt fort, ou croient avoir fortement intérêt, à s’engager (ce qui les conduit provisoirement à renoncer à la poursuite exclusive de leur intérêt personnel).

b - Les effets de la réalisation d’une action collective 
Lorsqu’une action collective protestataire se réalise, elle conduit à une modification de la situation dans la société. On assiste alors à des regroupements entre certains groupes aux intérêts complémentaires. De plus, les leaders jouent alors un rôle déterminant dans la réussite de l’opération entreprise.

1- La modification constante des relations entre les différents groupes composant la société
L’action collective se produit dans des situations conflictuelles puisque par définition, elle tend à obtenir des avantages que les autres groupes refusent de concéder. Le déroulement de ces actions est donc le produit d’une interaction entre des groupes opposés : le mouvement contestataire face aux groupes représentant le maintien de l’ordre public et face également aux groupes qui ne souhaitent pas voir la situation être modifiée.
Très souvent, on assiste à un regroupement de plusieurs groupes d’individus engagés dans la mobilisation à raison d’intérêts initialement différents. Par exemple, au moment des événements de mai 1968, l’action menée par les étudiants a été complétée par celle des syndicats ouvriers et des milieux intellectuels aboutissant à la paralysie quasi complète de la France. Evidemment, pour qu’un tel rassemblement de plusieurs groupes aux intérêts initiaux différents puisse se réaliser, il est nécessaire que les différentes actions autonomes menées à l’origine possèdent des intérêts conjoncturellement compatibles (cela ne signifie pas que les intérêts des groupes qui se rassemblent sont toujours compatibles mais qu’à un instant T de la mobilisation leurs aspirations convergent rendant possible leur agrégation). Le regroupement de plusieurs acteurs de l’action collective implique donc souvent la réalisation de certains compromis.
Les actions collectives ne peuvent donc pas être traitées comme des mouvements réellement unifiés par un objectif commun accepté par tous les individus participant à un tel mouvement et fonctionnant selon des stratégies définies initialement. La dynamique de l’action collective modifie constamment les perceptions du mouvement qu’ont les protagonistes, leurs préférences et leur degré d’engagement effectif, la vision qu’ils ont de l’adversaire et de ses ressources, les alliances et les compromis qu’ils sont disposés à conclure pour parvenir à leurs fins. A ces égards, la présence et la personnalité des leaders de l’action collective contestataire est primordiale.

2- Le rôle déterminant des leaders
Apprécier la situation, juger la détermination des adversaires et mesurer les ressources qu’ils sont susceptibles d’utiliser, proposer des objectifs recevables et des symboles mobilisateurs aux manifestants, définir et éventuellement modifier les stratégies et comprendre la nécessité de savoir terminer un conflit lorsque la probabilité d’échec augmente : voilà les tâches que les leaders doivent accomplir.
Différentes catégories de leaders sont apparues au fil des années et des conflits. Au début du 19ème siècle, des organisations de solidarité, des caisses d’entraide dirigées par d’anciens responsables de corporations et par des compagnons jouent un rôle décisif dans la mobilisation. Il en va de même des sociétés secrètes qui se multiplient dans les villes. Ces différents individus fournissent aux groupes ouvriers les mieux structurés un discours de caractère politique leur permettant d’interpréter leur situation et leurs actions en termes très politisés : une élite d’ouvriers-artisans, instruite et consciente de la relation établie entre groupes dirigeants, Etat et domination sociale, peut ainsi donner sens aux expériences de la misère et de la répression policière. Après 1848, sous le second Empire et dans les premières années de la Troisième République, les leaders d’actions collectives se recrutent plutôt dans une petite bourgeoisie républicaine : patrons-artisans, cafetiers, commerçants ambulants voire journalistes. Leur objectif commun est de politiser fortement les individus afin d’en faire une arme contre le régime ou contre les forces sociales conservatrices.
Pour leur part, les intellectuels, du fait qu’ils maîtrisent le langage politique et sont censés mieux comprendre la portée et les enjeux du conflit, sont également parfois appelés à jouer le rôle de leader lors de certaines actions collectives. Par exemple, on peut citer le rôle des philosophes des lumières lors de la Révolution française ou celui de Jean-Paul Sartre, inspirateur des actions gauchistes des années 70.
En réalité, très généralement les leaders des actions collectives doivent leur succès aux caractéristiques conjoncturelles de la situation et à leur identification aux valeurs des individus participant à l’action collective. Un intellectuel, alors même qu’il est instruit et qu’il peut décoder le langage politique et comprendre les activités politiques, ne sera donc pas nécessairement un leader pour un groupe donné. Ce n’est pas parce qu’il est instruit et qu’il parle plusieurs langues qu’un dirigeant religieux musulman peut s’imposer à une communauté mais parce que la situation de son pays détermine un retour aux traditions religieuses, que les dirigeants laïcs ont perdu leur légitimité et qu’il parvient mieux que d’autres à établir un rapport étroit entre le message coranique et un ensemble de revendications concrètes de la population. En fait, le leader est celui qui paraît à un instant T représenter au mieux des aspirations multiples et à les orienter par un discours idéologique. Fruit d’une configuration particulière des oppositions existant au sein de la société,  le leader bénéficie ainsi d’un charisme de situation qu’il doit entretenir avec l’aide de tous ceux qui en tirent profit. Dès lors que la mobilisation tend à se prolonger, on observe un phénomène de renouvellement des leaders. Ce renouvellement est dû à la concurrence qui existe au sein du groupe contestataire mais également aux changements de situation. Toute la difficulté de mener à bien une action collective est donc de choisir le leader le plus adapté à la situation, quitte à en changer si des données nouvelles apparaissent.
L’action collective obéit donc à des schémas particuliers résultant de son caractère protestataire. Elle est l’occasion pour des individus spécialisés dans l’activité politique de renforcer leur audience et d’accroître leur représentativité. En outre, ses effets permettent parfois de politiser les groupes concernés et de les faire accéder à un langage spécifiquement politique. Cette action collective est souvent le fait des groupes de pression.

C – le renouveau des groupes de pression
A la différence des partis politiques, les groupes de pression ne revendiquent pas le pouvoir. Les intérêts qui les font agir sont le plus souvent apolitiques. Mais, paradoxalement, ce sont ces intérêts apolitiques qui conduisent ces groupes à intervenir en politique. Si le pouvoir politique ne prend aucune décision qui les concerne, les groupes de pression l’ignorent et demeurent à l’écart du débat politique. C’est seulement quand le pouvoir s’apprête à prendre des décisions qui intéressent un groupe humain quelconque que celui-ci va se comporter en groupe de pression. Celui-ci constitue ainsi une réponse, une réaction face à une menace extérieure qui pèse sur des intérêts communs.

a - La notion de groupe de pression 
Il existe une multiplicité de groupes de pression (syndicats, associations…), certains sont puissants, d’autres ont un impact plus faible ; certains agissent au grand jour alors que d’autre préfèrent intervenir de façon discrète. Mais, tous présentent des caractéristiques communes.
Le groupe de pression peut se définir comme un ensemble d’individus (personnes physiques ou morales) qui, sur l’impulsion d’un intérêt commun, expriment des revendications, émettent des prétentions ou prennent des positions affectant, de manière directe ou indirecte, d’autres acteurs de la vie sociale. Les groupes de pression présentent trois caractéristiques essentielles. Ils expriment certains intérêts, ils possèdent une certaine organisation et ils exercent une pression pour parvenir à leurs fins.
L’intérêt défendu par le groupe de pression est le plus souvent un intérêt direct, lorsque le groupe recherche la réalisation de son propre avantage. Il peut parfois être indirect lorsqu’un groupe a seulement pour objectif de vendre son influence à d’autres groupes. Direct, l’intérêt défendu par le groupe de pression est majoritairement un intérêt matériel, financier le plus souvent (subvention, déductions fiscales, augmentation des salaires…). Cependant, certains groupes de pression assurent la défense d’un intérêt moral, parmi eux on peut citer les différentes églises (qui ont pour objectif la reconnaissance pleine et entière de la liberté religieuse) et les groupements humanitaires. Bien évidemment, la poursuite d’un intérêt moral finit presque toujours par aboutir vers une revendication d’ordre financier.
Pour défendre ces intérêts, les groupes de pression ont besoin d’un minimum d’organisation. Il est nécessaire qu’ils possèdent des dirigeants susceptibles d’arrêter une stratégie et des troupes recrutées parmi la catégorie d’individus que ces groupes sont censés représenter. On distingue généralement 4 types de groupes de pression en fonction de leur degré de spécialisation et d’organisation (Gabriel Almond et G. Bingham Powell). Tout d’abord, il y des groupes d’intérêts anomiques (destructurés) : ce sont des formations spontanées et éphémères souvent violentes impulsées par le public en réaction à un évènement (manifestations, émeutes, marches silencieuses). Puis, on trouve des groupes d’intérêts non associatifs qui sont des groupements informels, intermittents caractérisés par l’absence de continuité d’organisation (ex : les coordinations). Ensuite, on a des groupes d’intérêts institutionnels qui sont des organisations formelles (églises, armées, assemblées…) remplissant d’autres fonctions que la défense d’intérêts catégoriels mais pouvant, lorsque cela s’avère nécessaire, se livrer à une pression sur les dirigeants politiques. Enfin, il y des groupes d’intérêts associatifs qui sont des organisations volontaires et spécialisées dans la défenses des intérêts (syndicats, groupements civiques, associations ethniques ou religieuses).
Enfin, pour parvenir à obtenir la satisfaction des intérêts qu’ils défendent, ces groupes doivent exercer une pression, ils doivent peser de tout leur poids sur l’autorité habilitée à prendre une décision les concernant. Cette pression peut revêtir plusieurs formes. Elle peut être exercée de façon directe. A ce titre, la forme la plus utilisée est le dépôt d’une documentation auprès des personnes que l’on veut persuader. Dès lors, la pression s’apparente à une information mais une information orientée dans le sens de la satisfaction des intérêts défendus par le groupe. Une deuxième modalité de pression directe résulte de l’association des groupes de pression à la prise de décision (certaines instances associent les décideurs publics et les personnes concernées par une prise de décision : tables rondes, auditions réalisées par les commissions parlementaires, Conseil économique et social, gestion paritaire par les syndicats salariés et patronaux de l’assurance chômage), l’inconvénient est alors de donner une grande importance aux groupes de pression et de risquer, pour les pouvoirs publics, de se trouver face à un interlocuteur qui n’est pas forcément représentatif des catégories concernées par le processus décisionnel. Plus rarement la pression peut être plus forte pour s’orienter vers une menace proférée à l’encontre des décideurs. Ce type de pression peut s’exercer valablement en période électorale pendant laquelle les dirigeants politiques sont en situation de faiblesse (les groupes de pression présentent leurs revendications aux candidats et menacent de donner consigne à leurs électeurs de ne pas voter pour eux si ces revendications ne sont pas satisfaites). Enfin, au-delà de ces trois formes licites de pression directe, il existe une autre forme, illégale qui s’apparente à de la corruption et à du trafic d’influence.
A côté  de ces pressions directes, il existe des formes de pression indirectes. La première d’entre elles est une action de communication afin d’informer l’opinion publique des revendications exprimées par le groupe. Une telle stratégie rencontre des succès inégaux, les grands groupes de pression qui possèdent leurs propres journaux ou qui représentent des puissances financières importantes sont avantagés pour faire prospérer leurs idées auprès de l’opinion publique. La grève peut aussi apparaître comme une pression indirecte exercée sur les pouvoirs publics. En effet, le plus souvent, la grève est un conflit du travail qui ne met aux prises qu’employés et patrons. Mais lorsque la grève se produit dans la fonction publique, la situation se politise et fait inévitablement intervenir les autorités publiques. Enfin, dernière modalité de pression indirecte, le chantage au désordre est caractéristique des situations où les individus concernés n’ont pas en face d’eux un interlocuteur qui a intérêt à ce que le conflit cesse. C’est le cas des agriculteurs ou des commerçants qui s’ils cessent le travail ne pénalisent qu’eux-mêmes. Dès lors, lorsque ces professions rencontrent des difficultés, elles doivent immédiatement transposer leurs revendications au niveau politique soit en se mobilisant lors des élections, soit en employant des moyens spectaculaires et énergiques (barrages routiers, déversement de fumier devant les préfectures…). Ces procédés sont à double tranchant, ils sont redoutés des pouvoirs publics car ils peuvent avoir un effet boule de neige et entraîner un désordre plus grand, ils peuvent également être condamnés par l’opinion publique, de sorte que les corporations qui les emploient ont une marge de manœuvre limitée. Dans tous les cas, le fait d’exercer une pression ne signifie pas que la demande sera prise en considération ou, si elle l’est, que la réponse donnera entièrement satisfaction aux demandeurs.

b - La typologie des groupes de pression
Les groupes de pression constituent une catégorie particulièrement vaste et hétérogène. Plusieurs classifications peuvent être opérée selon les critères choisis. On peut distinguer les groupes de pression en fonction de leurs effectifs (grandes sont les différences entre des associations de consommateurs regroupant plusieurs milliers d’adhérents et une association créée dans une petite commune pour sauvegarder un monument) ou de leurs activités (il y a des groupes qui ont essentiellement une activité politique c’est-à-dire que leur influence doit s’exercer prioritairement sur le pouvoir politique = syndicats ; d’autres groupes n’ont à faire avec le pouvoir politique que de façon épisodique = mouvements religieux ou sectaires).   
En fait, plusieurs types de groupe de pression peuvent être identifiés en s’attachant au but de ces groupes, à leur genre et à leur structure.

1 – Groupes d’intérêts et groupes d’idées
Même s’il est parfois difficile de séparer radicalement la défense d’idées et la défense d’intérêts, on peut néanmoins distinguer des organisations défendant plutôt des intérêts matériels et des organisations soutenant plutôt des causes idéologiques ou morales.

# Les groupes d’intérêts
Il n’est aujourd’hui aucune profession qui n’ait son propre organe de défense et de représentation (ex les buralistes qui ont fait pression sur le gouvernement pour obtenir la fin de la hausse du prix des cigarettes et une compensation pour les pertes financières dues à la diminution de la consommation) : . Les syndicats (un syndicat est un groupement de certaines catégories de personnes ayant pour objectif la défenses de leurs intérêts professionnels) apparaissent souvent comme un contre-pouvoir au pouvoir politique en place. Ils essaient d’obtenir de lui certains avantages matériels (augmentation des salaires) ou une amélioration des conditions de travail (diminution du temps de travail). Les relations entre le pouvoir politique et les syndicats sont encore plus ambiguës lorsqu’un syndicat soutient un parti politique qui accède au pouvoir (ex : CGT et Parti communiste). Dans ce cas, le syndicat va chercher à tirer profit de la victoire de « son » parti. Ce dernier va alors se trouver confronté à un dilemme et risque de devenir un otage du syndicat dont les membres sont ses électeurs. Si le pouvoir politique ne peut pas ignorer le pouvoir syndical, il lui appartient également d’en fixer les bornes afin que des intérêts qui demeurent particuliers ne l’emportent sur l’intérêt général, tel qu’il appartient aux dirigeants élus au suffrage universel de le déterminer. Même les membres des professions libérales, pourtant marqués par l’individualisme, ont compris l’efficacité de l’action collective (il existe plusieurs syndicats de médecins dont l’influence est manifeste pour l’augmentation du prix des consultations). L’influence des groupes d’intérêts est spécialement forte dans trois grands secteurs socioprofessionnels : l’agriculture, les organisations de salariés et les organisations patronales de l’industrie et du commerce.
1 - les organisations de salariés : Ce mouvement syndical s’est construit à partir de la lutte des ouvriers pour obtenir de meilleures conditions de travail. Le syndicalisme ouvrier est donc l’aspect le plus représentatif du syndicalisme des salariés parce qu’il est le premier à s’être constitué et qu’il est numériquement le plus important. Cependant, d’autres catégories de salariés ont compris les avantages des syndicats. Ainsi, les cadres, autrefois considérés comme plus proches des dirigeants des entreprises que des salariés ont constitué des syndicats pour défendre leurs intérêts. Cette diversification syndicale se retrouve aujourd’hui avec la coexistence de syndicats ouvriers (Confédération Générale du Travail, Force ouvrière, Confédération Française Démocratique du Travail), de syndicats de cadres (Confédération Générale des Cadres) ou de syndicats des professions libérales (Confédération des Syndicats Médicaux Français). Les syndicats de salariés se constituent sur la double base du métier et de la géographie. En effet, toutes les professions n’ont pas les mêmes aspirations et les mêmes difficultés. De plus, une action efficace ne doit pas être menée dans un cadre trop vaste, les syndicats sont donc organisés en priorité au niveau local avec des regroupements par branches de métiers et au niveau national.
On assiste actuellement à un déclin des syndicats de salariés dont les effectifs ont considérablement diminué. Ce déclin est en partie dû à la désindustrialisation qui elle-même avait donné naissance au mouvement syndical. En effet, les secteurs de l’industrie lourde (métallurgie, automobile) où les syndicats étaient le plus implantés sont ceux qui ont perdu le plus d’emplois. A l’inverse, les secteurs de service qui ont crée des emplois sont ceux où le taux de syndicalisation est le plus faible. C’est en fait le recul de la classe ouvrière et des travailleurs manuels, qui était la plus syndiquée, qui explique ce déclin du syndicalisme. En outre, les syndicats sont aujourd’hui plus étroitement associés à la gestion des entreprises et de certains organismes publics (caisses de sécurité sociale, assurance chômage). De ce fait, les syndicats ont en partie perdu leur capacité de contestation ce qui a entraîné une perte de confiance de la part des salariés.
2 - les organisations patronales de l’industrie et du commerce : plus tardivement que les ouvriers, les partons ont compris qu’ils avaient intérêt à se concerter de façon à organiser de manière plus rationnelle leurs activités et à accroître l’efficacité de leur pression sur les pouvoirs publics. Le patronat cherche à influencer la politique économique et sociale du gouvernement de façon à réduire les charges pesant sur les entreprises. Comme les syndicats ouvriers, les syndicats patronaux ne présentent pas un visage unitaire. En effet, nombre de petits patrons ne se sentent pas à l’aise aux côtés des grandes puissances industrielles. Ils ont donc cherché à avoir une représentation autonome. En France on trouve le MEDEF ( mouvement des entreprises de France) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (jusqu’à 300 salariés). Ces syndicats demandent à la fois une intervention de la puissance publique pour financer leurs investissements et obtenir une protection contre la concurrence étrangère ainsi qu’une déréglementation de l’économie pour accroître la liberté de manœuvre des entreprises. La réussite des syndicats patronaux dépend toujours des relations plus ou moins étroites qu’ils entretiennent avec la majorité au pouvoir (ex : l’ancien ministre de l’économie et des finances, Françis Mer est un ancien dirigeant du Medef, favorable à la libéralisation de l’économie).   
3 - en Europe occidentale, la paysannerie constitue une force sociale très importante qui intervient par le biais d’organisations professionnelles qui pèsent sur les décideurs publics ou par l’intermédiaire de formations politiques, véritables partis agrariens. Même dans les pays où l’agriculture n’occupe qu’une très faible partie de la population active, les pouvoirs publics font preuve d’une grande sollicitude à l’égard des agriculteurs car l’autonomie alimentaire demeure une donnée essentielle de l’indépendance d’un pays. En outre, les caprices du temps entraînent une sous production ou une surproduction qui oblige les gouvernements à intervenir à coup de subventions. Parallèlement, de grandes disparités apparaissent dans le monde agricole (viticulteur, céréalier, éleveur, producteur laitier) qui justifient l’existence de syndicats spécifiques. Actuellement, on trouve la FNSEA (fédération nationale des exploitants agricoles) qui constitue la principale organisation syndicale agricole et qui comprend des groupements spécialisés, le Centre National des Jeunes Agriculteurs qui, bien qu’adhérent à la FNSEA se prononce pour un syndicalisme plus radical, et la Confédération Paysanne de José Bové qui mène des actions spectaculaires et illégales.  Face à la surenchère des groupes catégoriels, les syndicats et notamment la FNSEA ont du mal à préserver leur unité. En outre, l’essentiel des décisions se prenant désormais à Bruxelles, l’efficacité des pressions menées sur les gouvernements nationaux s’en trouve réduite. On assiste donc à des actions menées au niveau européen par l’ensemble des syndicats agricoles des pays membres de l’Union européenne afin d’influencer la prise de décision au sujet de la Politique Agricole Commune.
Les organisations représentant les agriculteurs, le patronat et les salariés appartiennent toutes à la catégories des groupes qui défend des intérêts et plus précisément des intérêts matériels, à l’inverse des groupes d’idées.

# Les groupes d’idées
Ce sont des organisations qui militent plutôt en faveur de la promotion d’idées et d’intérêts moraux. Cette catégorie est hétéroclite et rassemble des groupements très nombreux et très divers. Il y a d’abord les groupements confessionnels. Toute église peut être tentée d’exercer une influence sur les pouvoirs publics. En France, c’est essentiellement le cas de l’Eglise catholique qui intervient par ses organes officiels ou par ses groupements de fidèles. Cette intervention peut concerner des positions générales de l’Eglise sur un domaine précis ou pour défendre des intérêts particuliers comme ce fut le cas pour l’enseignement privé en 1984. Les revendications de tous ordres qui s’expriment dans une société conduisent non seulement les églises à intervenir directement mais suscitent aussi la création d’associations d’inspiration plus ou moins religieuse pour s’élever contre telle ou telle législation (ex : loi sur l’avortement) ou pour défendre des intérêts particuliers (scoutisme, Comité catholique contre la faim et pour le développement).
Il s’agit alors de groupements à objectif spécialisé (qui luttent pour la défense d’une cause particulière ex : SOS Racisme, Laissez-les vivre qui lutte contre la liberté de l’avortement) et les groupements de condition (qui sont des organisations regroupant des individus qui partagent une même condition sociale à un moment de leur vie, ex : organisations d’étudiants, associations d’anciens combattants, mouvements féminins). En effet, on assiste à une multiplication des associations qui sont autant de groupes de pression créés pour défendre des intérêts catégoriels. Les habitants d’un pays peuvent, en tant qu’administrés, contribuables, citoyens, chasseur, écologiste, consommateur, estimer qu’il existe des intérêts légitimes qui sont mis en cause par l’Etat et qu’il convient d’agir pour les défendre (ex : création d’associations luttant contre l’implantation de déchets nucléaires sur le territoire d’une commune ou refusant le passage du TGV méditerranée). 

2 – Groupes privés et groupes publics
Toutes les organisations citées jusqu’ici sont des groupes privés animés par des personnes privées. Pourtant, opposés par des rivalités d’influence, les divers services publics, administrations et corps de fonctionnaires, sont parfois amenés à faire pression sur le gouvernement. En effet, les fonctionnaires apparaissent souvent comme un groupe de pression à l’égard de l’administration et plus largement du gouvernement. Regroupés en syndicats, disposant du droit de grève et de leur grand nombre, ils ont les moyens de faire aboutir leurs revendications (salariales ou quant au maintien d’une différence d’années de cotisations pour l’obtention de la retraite). Le syndicalisme des fonctionnaires apparaît d’ailleurs comme un paradoxe vivant puisque c’est dans le secteur d’activité où les salariés sont le mieux protégés que le syndicalisme s’est le plus développé. Aujourd’hui encore, le taux d’adhésion aux syndicats est plus élevés chez les fonctionnaires que dans le secteur privé. De plus, tous les fonctionnaires ne sont pas égaux à l’égard du syndicalisme. En effet, c’est au sein de la catégorie des enseignants que la syndicalisation est la plus forte tout en étant beaucoup plus faible chez les enseignants du supérieur que dans les autres catégories d’enseignants. La FEN (fédération de l’éducation nationale) est un syndicat très puissant même si un déclin s’est amorcé, d’autres syndicats enseignants plus spécialisés existent (comme le Syndicat National des Enseignants du Secondaire) et se sont regroupés au sein de la FSU (fédération syndicale unitaire de l’enseignement, de l’éducation, de la recherche et de la culture. La puissance des syndicats de l’éducation nationale a été récemment démontrée par la démission du ministre de l’éducation nationale, Claude Allègre, qui avait évoqué la nécessité de « dégraisser le mammouth ».
Ces syndicats entretiennent des rapports particuliers avec le pouvoir. D’une part, les fonctionnaires sont l’élément essentiel de l’administration qui est juridiquement l’instrument du gouvernement. D’autre part, les fonctionnaires syndiqués se situent majoritairement à gauche. Les dirigeants de droite n’apprécient guère ces syndicats tout en les ménageant pour éviter une paralysie de l’administration. Quant aux dirigeants de gauche, ils se trouvent en porte-à-faux par rapport à ces syndicats. D’un côté, ayant bénéficié de leur soutien pour accéder au pouvoir, ils sont supposés être mieux disposés à satisfaire leurs revendications. Mais, d’un autre côté, ces dirigeants ne peuvent que décevoir les syndicats de fonctionnaires car ils ont en charge les intérêts généraux de la nation qui ne coïncident pas toujours avec les intérêts des syndicats de fonctionnaires. De plus, la division politique entre les socialistes et les communistes que l’on retrouve au sein des syndicats de fonctionnaires peut conduire certains d’entre eux à faire de la surenchère à l’égard d’un gouvernement de gauche.   
De même, les collectivités locales regroupées en associations (association des maires de France) et les entreprises publiques ( SNCF, EDF) sont des groupes de pression comparables à ceux existant dans le secteur privé. Enfin, parmi les institutions publiques, une mention particulière doit être faite pour l’armée. malgré le principe de la subordination du pouvoir militaire au pouvoir civil, l'armée tente parfois d'influencer l'action des pouvoirs publics, en alliance quelquefois, avec des groupes d'intérêts privés (on évoque souvent le complexe militaro-industriel). Dans d’autres cas, l’armée peut dépasser la simple pression et devenir elle-même une force politique en prenant le pouvoir par un coup d’Etat militaire.

3 – Groupes de cadres et groupes de masses      
Une dernière classification utilise une distinction forgée à propos de la structure des partis politiques. Les groupes de cadres s’adressent seulement aux notables. Ils se caractérisent par le nombre restreint de leurs adhérents (ex : syndicats de l’enseignement supérieur) et surtout par leur structure faiblement articulée et décentralisée. L’exemple type de ces groupes est le syndicat patronal qui, s’il présente un nombre élevé d’adhérents au niveau local, possède des statuts qui soulignent l’indépendance des groupements locaux participants et l’(impossibilité de leur imposer une décision même à la majorité qualifiée.
A l’opposé, à l’instar des partis de masses, les groupes de masses visent à réunir le plus grand nombre possible d’adhérents et possèdent une organisation fortement structurée et hiérarchisée (syndicats ouvriers, organisations paysannes, mouvements étudiants).   
Au-delà de ces distinctions, l’essoufflement des groupes de pression traditionnelles et des organisations syndicales a permis l’émergence de nouveaux acteurs de la revendication : les associations et les coordinations. Ces dernières sont des structures organisant une mobilisation de grévistes, sans distinction syndicale. Elles ont d’abord été créées par les étudiants et les lycéens avant d’être reprises par de nombreuses professions (cheminots, infirmières, fonction publique…). Quant aux associations, elles se sont développées dans différents domaines : cadre de vie (associations de quartier), humanitaire, solidarité (ex : droit au logement), antiglobalisation. Elles sont aujourd’hui privilégiées par les citoyens car elles sont moins contraignantes (le syndicat impose aux salariés une vie militante qui empiète sur le vie privée) que les syndicats et plus respectueuses de l’autonomie de l’individu. En outre, elles parviennent à s’occuper et à mobiliser certaines catégories délaissées par les syndicats (qui n’ont pas réussi à répondre aux besoins d’information et d’assistance des ces populations exclues) : les chômeurs et les populations en situation précaire (ex : Agir ensemble contre le chômage, Droit au logement). Leur action est souvent plus frappante que celle des autres groupes de pression (ex : occupation des antennes Assedic pour obtenir une prime de Noël pour les chômeurs, occupation d’une Eglise par les sans papiers…).  Dans certains domaines, elle tend à s’internationaliser, ex : lutte dans anti mondialistes contre l’Organisation mondiale du commerce, lutte pour la protection de l’environnement, mouvements pacifistes contre la guerre en Irak.
Ainsi, ces nouveaux mouvements sociaux ont permis de donner une voix aux exclus et de tisser de nouveaux liens sociaux. Par leur prise de parole tous azimuts, ces mouvements contestataires perturbent les organisations syndicales traditionnelles, les partis politiques, les autorités nationales et les organismes internationaux. En effet,  ils prétendent faire de la politique en dehors des schémas établis. Néanmoins, ils sont une chance pour la démocratie : par la solidarité qu’ils revendiquent avec les plus faibles, par la participation politique avec laquelle ils renouent et par l'ouverture d'un débat qu’ils imposent sur les grands choix collectifs de société.    

c - Les différents niveaux d’action des groupes de pression
L’action menée par les groupes de pression peut s’exercer à plusieurs niveaux. Tout d’abord, ils essayent d’atteindre le pouvoir exécutif. En effet, ce dernier étant aujourd’hui fréquemment doté de plus d’attributions que le pouvoir législatif et étant plus apte à fournir une réponse rapide avec une meilleure connaissance des dossiers, les groupes de pression en ont fait leur cible d’action privilégiée. En France, sous la IIIème République, les groupes de pression intervenaient auprès des assemblées (Séant et Chambre des députés), sous la Vème République, si les groupes de pression n’ont pas déserté le Parlement, ils ont néanmoins réorienté leur action vers l’exécutif. A cet égard, ils peuvent exercer leur action soit auprès du chef de l’Etat soit auprès du gouvernement. La meilleure solution consiste à s’adresser au niveau le plus élevé de l’Etat, elle est cependant difficile à mettre en œuvre car elle suppose l’obtention d’une entrevue avec le Président ou avec l’un de ses conseillers. Un autre niveau d’intervention est représenté par les cabinets ministériels. Ceux-ci, parce qu’ils constituent un organe d’impulsion, de coordination, de préparation des décisions des ministères, présentent un intérêt indéniable pour les groupes de pression. A ce niveau, la réussite de l’action entreprise dépend souvent des liens personnels qui ont pu se nouer avec les interlocuteurs des cabinets ministériels. Au-dessous des cabinets, les groupes de pression peuvent solliciter les différents services de l’administration, ce qui implique de faire le choix de l’interlocuteur le plus apte à satisfaire les revendications du groupe. Quelque que soit le niveau choisit au sein du pouvoir exécutif, les groupes de pression auront toujours davantage de chances de réussir leur entreprise si ils ont placé un des leurs dans les organes de décision.
Même si le pouvoir exécutif a pris une grande importance dans la vie politique, le pouvoir législatif n’est pas à l’abris des phénomènes de pression. Cette situation est particulièrement vrai aux Etats-Unis où les lobbies exercent leur activité principalement auprès des membres du Congrès. Dans ce pays, le lobbying est un véritable métier dont les membres sont recrutés parmi les anciens membres du Congrès, les fonctionnaires et les industriels. Leur action s’exerce auprès des commissions dont les auditions publiques permettent aux groupes de pression de faire entendre leur voix. En France, la situation est différente, le Parlement ayant perdu de son influence depuis 1958. Toutefois, les groupes de pression continuent de s’y manifester car c’est un moyen de faire connaître leurs revendications et de toucher indirectement le pouvoir exécutif (ex : le vote de la loi Evin, relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme en 1990, a été l’occasion de voir à l’œuvre divers groupes de pression favorables ou hostiles à ce texte. Si le vote de la loi n’a pu être empêché, les groupes de pression hostiles à ce texte n’ont pas renoncé et en 1994, les viticulteurs et fabricants d’alcool ont obtenu la suppression de l’interdiction de publicité pour les boissons alcoolisées).
L’opinion publique est l’autre pôle utilisé par les groupes de pression. Dans la société médiatisée dans laquelle nous vivons, l’opinion publique sert à légitimer une action. Si l’opinion est favorable à un groupe, les dirigeants pourront difficilement s’opposer à l’adoption des mesures qui lui sont favorables. Pour influencer l’opinion, il est possible de faire appel à la presse ou d’employer des moyens plus dérangeants comme les manifestations, les barrages routiers (ex : les grèves de routiers qui empêchent l’essence de circuler et paralysent le pays). La décentralisation et la construction européenne expliquent également que les groupes de pression élargissent leur action aux instances dirigeantes des collectivités territoriales (dont certaines font également partie du gouvernement ou du Parlement) et à la commission européenne (ex : les agriculteurs). En fait, quelque soit le niveau d’action et l’interlocuteur retenu, les groupes de pression doivent intervenir dans le monde politique et plus largement dans celui des décideurs s’ils veulent obtenir la satisfaction de leurs intérêts.   
Les groupes de pression, par leur nombre et par la diversité des moyens qui s’offrent à eux occupent une place importante dans la vie politique et la participation politique. Si cela a toujours existé, la situation paraît plus nette à l’heure actuelle en raison du développement croissant des médias, qui eux aussi, peuvent être qualifiées de force politique.

D – Les médias et l’information
Le terme de média (qui provient de l’anglais mass média que l’on peut traduire par moyens de communication de masse et du latin médium qui signifie le centre, l’intermédiaire) désigne aujourd’hui l’ensemble des instruments et des procédés qui permettent la communication de toute donnée dans le but de renseigner, d’apprendre ou de distraire. En un siècle, on a assisté à une véritable révolution des médias qui conduit à l’accroissement de leur capacité d’influence. En effet, on a assisté à une révolution technique en raison de l’apparition du cinéma, de la radio, de la télévision puis d’Internet qui a permis la naissance de la société de communication. Jamais, l’homme n’a disposé d’une telle abondance d’informations. L’intensification de la communication entre les hommes, créatrice d’une société de communication résulte de la multiplication des supports d’information. Elle résulte également de la multiplication des informations. Toutefois, cette société de communication peut entraîner des effets contradictoires. D’un côté, les moyens de communication peuvent engendrer des échanges entres les hommes (ex : les émissions de télévision donnent lieu à des discussions entre les individus). D’un autre côté, ils peuvent restreindre la communication en isolant les individus (ex : la solitude de l’individu face à son ordinateur qui ne communique plus face à face avec d’autres individus, la télévision qui peut réduire la communication au sein d’une famille).   
Quoi qu’il en soit, le sentiment courant, tant des citoyens que des hommes politiques, est que les moyens de communication ne sont pas sans effet et possèdent une capacité d’influence réelle. C’est pourquoi les gouvernants se sont toujours intéressés à ces différents moyens de communication. Jusqu’à la 3ème République, le pouvoir contrôlait étroitement la presse. Les dirigeants voyaient dans la presse un danger de déstabilisation. Aussi, plusieurs mesures étaient prises pour éviter toute remise en cause du pouvoir : autorisation préalable, censure. En outre, le pouvoir accordait une place privilégiée à certains journaux dans lesquels il faisait sa propagande. Cette double action du pouvoir sur les médias (contrôle et propagande) s’est prolongée jusqu’à nos jours. Ainsi, la 3ème République a promu l’existence de journalistes parlementaires qui étaient présents au sein des assemblées et dans l’entourage du Président du Conseil pour relayer la politique gouvernementale. La création de la radio puis de la télévision ont davantage encore permis de relayer l’information politique. A cet égard, la radio a joué un rôle déterminant pendant la seconde guerre mondiale puisque elle était le moyen pour Vichy de faire passer sa propagande et pour les résistants et les alliés de faire diffuser des messages codés. C’est de Gaulle, après son retour en 1958, qui fait de la télévision l’outil privilégié du pouvoir. Il y ajoute le procédé anglo-saxon de la conférence de presse. Les ministres sont réunis près du chef de l’Etat, devant un parterre de journalistes dont certains, chois à l’avance, sont invités à poser des questions. A cette époque, l’Etat garde le contrôle de la radio et de la télévision puisque la RTF est placée sous l’autorité directe du ministre de l’information. la libéralisation de l’information sera progressive entre les années 70 et nos jours. Ce bref panorama des relations entre la presse et le pouvoir montrent les liens étroits qui existent entre eux parce que les médias peuvent subir le contrôle du pouvoir et parce qu’ils peuvent aussi grandement l’influencer. Aujourd’hui, l’évolution est telle que se pose la question de la toute-puissance des médias qui perturbe l’exercice de la démocratie en transformant la politique en politique spectacle.   

a - Les médias face au pouvoir
Comme l’a montré l’exposé historique, le pouvoir cherche toujours intervenir à dans les médias. Au minimum, cette intervention prend la forme d’une réglementation des médias par le pouvoir. En effet, la communication constitue l’un des domaines d’action du gouvernement qui souvent comprend un ministre chargé de ce secteur. Cette situation est logique dans la mesure où le développement des moyens de communication nécessite un financement public. Seul l’Etat dispose des moyens financiers nécessaires pour développer des instruments comme le minitel, pour lancer des satellites de communication, pour assurer le développement de la télévision par câble. La propriété publique d’un moyen de communication n’est pas toujours synonyme d’absence de liberté. Il faut que ces moyens publics d’information aient une gestion assurée par des organes indépendants du gouvernement et que les moyens d’information publics coexistent avec une propriété privée de ces moyens. A cet égard, il faut distinguer la presse écrite qui, malgré la censure et un régime fiscal contraignant, s’est largement développée en dehors et même contre le pouvoir de l’Etat et est rapidement parvenue à obtenir le vote de loi assurant cette indépendance (loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse). En revanche, la radio et surtout la télévision ont longtemps été considéré par les pouvoirs publics comme un monopole étatique. Qui ne sera brisé qu’à partir des années 80 avec l’arrivée de la communication par satellite et de la privatisation des moyens de communication.
Aujourd’hui, malgré la prédominance de la propriété privée et la pluralité des moyens d’information, le pouvoir n’a pas abandonné toute idée d’intervention dans les médias pour faire prévaloir ses orientations. Cette intervention se fait essentiellement par la nomination des directeurs de radio et des présidents des chines de télévision publiques qui met en relief la politisation de ce secteur (on retrouve le même principe pour la nomination du président du CSA, Hervé Bourges sous Mitterrand, Dominique Baudis sous Chirac).
Cette réglementation des médias par le pouvoir résulte également du fait que la liberté des moyens de communication ne peut jamais être totale. Les libertés des citoyens doivent être protégées afin d’éviter la diffusion d’une mauvaise information (ex : lors de la condamnation d’Alain Juppé dans l’affaire des emplois fictifs du RPR, France 2, par l’intermédiaire de David Pujadas, a annoncé au journal de 20 H le retrait de la vie politique de l’ancien premier ministre qui, au même moment, sur TF1 annonçait son intention de rester en place et de faire appel de la décision des juges. Cette mauvaise information des téléspectateurs a entraîné la mise a pied pendant 3 semaines de David Pujadas et la démission d’Olivier Mazerolles, directeur de l’information de la chaîne publique). De plus, l’Etat doit intervenir dans le secteur audiovisuel pour définir les modalités d’attribution des fréquences d’émission, il doit aussi fixer les exigences du service public dont le respect s’impose aux différents moyens de communication et à leurs propriétaires (les chaînes publiques doivent accepter le principe constitutionnel de continuité du service public, les chaînes privées doivent respecter un cahier des charges avec la présence obligatoires de certaines émissions culturelles, un quota de films français, la diffusion d’œuvres de création).         
Au maximum, le pouvoir exige la subordination des différents médias. Dans ce cas, le pouvoir contrôle totalement les informations et les moyens de communication. On retrouve cette situation dans les régimes totalitaires qui ne connaissent ni la liberté d’expression ni celle de la presse. Les journaux d’opposition sont interdits ou soumis à la pression du pouvoir. La seule information devant circuler est celle donnée et avalisée par le pouvoir. De ce fait, les citoyens ont tendance à ne pas s’intéresser à cette information qui ne représente pas la vérité ni la pluralité des courants d’expression.
Comme on vient de le voir, les médias sont donc un enjeu politique pour le pouvoir qui doit laisser exister la liberté de communication tout en réglementant les moyens de communication et en assurant la propagation de ses idées. En effet, aujourd’hui, on ne peut plus concevoir la politique sans les médias et notamment la télévision. On comprend alors l’influence qu’exercent les médias sur le pouvoir.   

b - Le pouvoir des médias
Dans la société de communication dans laquelle nous vivons, les médias ont pris une place considérable et peuvent influencer les citoyens. Le meilleur exemple de cette influence est fourni par l’annonce par Orson Welles en 1938 sur CBS qu’un vaisseau spatial venu de Mars s’est posé à New York et que les martiens tuaient les terriens. Dès cette annonce à la radio, les gens s’enfuient de chez eux, l’hystérie gagne toute la population. Cette capacité d’influence s’est considérablement renforcée avec le développement de la télévision. 
En effet, la télévision jouerait un rôle essentiel dans le débat politique. On peut par exemple affirmer le rôle essentiel joué par le débat télévisé entre Richard Nixon et John Fitzgerald Kennedy pour l’élection de ce dernier à la présidence des USA en 1960. De même, en France, les face à face entre les candidats à l’élection présidentielle sont déterminants pour l’issue de cette élection (ex : en 1974, Giscard dit à Mitterrand : « vous n’avez pas le monopole du cœur », phrase qui fait basculer une partie de l’électorat en sa faveur. De même, les guignols de l’info ont donné une image sympathique de Jacques Chirac qui a contribué à son élection en 1995). En Italie, Silvio Berlusconi s’est servi des moyens de communication sous son contrôle pour favoriser son accession au poste de Président du Conseil. Depuis, il continue de se servir des moyens de communication dont il dispose pour faire accepter sa politique et sa personne.   
Plusieurs théories ont été élaborées pour essayer de quantifier l’importance de la télévision dans le débat politique. Certaines ont considéré que la télévision avait un pouvoir important. D’autres, au contraire, ont relativisé l’importance des effets des moyens de communication de masse. En fait, il est indéniable que la télévision conduit plutôt à un renforcement de l’opinion préexistante qu’à un changement radical de celle-ci. En effet, lorsqu’ils regardent des émissions politiques, les individus écoutent et retiennent plus facilement la propagande de leur parti que celle de l’adversaire. En conséquence, ils ne sont pas tentés de modifier leur comportement électoral mais au contraire ils se sentent confortés dans leur choix. Toutefois, cette constatation n’est pas exclusive. La télévision peut jouer un rôle dans la création d’opinions entièrement nouvelles. Mais, les idées nouvelles auront d’autant plus de chances de succès auprès des téléspectateurs qu’elles seront énoncées par un visage nouveau. D’autre part, l’influence est d’autant plus sensible que les individus n’ont pas d’opinions arrêtées sur le sujet. Or, aujourd’hui, on assiste à un accroissement du nombre de citoyens qui ne possèdent pas d’opinions politiques prédéterminées et constantes, l’influence de la télévision à leur égard est réelle et ne peut aller qu’en augmentant.
Enfin, plus rarement, la télévision peut avoir un effet de conversion d’opinions. Cette conversion est possible lorsqu’il s’agit d’une opinion qui repose sur une base instable ou équivoque (l’individu n’est finalement pas très sûr du bien-fondé de sa pensée). L’émission télévisée joue alors un rôle de révélateur en montrant l’erreur dans laquelle l’individu était et le bien-fondé évident d’une autre opinion. C’est peut-être alors davantage sur les questions posées et les problèmes mis en lumière (et non sur les convictions elles-mêmes) que les médias ont un rôle important.
En définitive, on peut dire que les médias et la télévision en particulier, ne sont pas tout puissants. Mais, il est également impossible d’affirmer que leur influence est nulle et qu’ils ne sont pas en mesure de faire pencher la balance en faveur de l’un ou l’autre des candidats. Cependant, cette influence est difficilement quantifiable. Quoi qu’il en soit le 4ème pouvoir, et notamment la télévision, possède une influence non négligeable sur les comportements des individus (et pas uniquement sur leur comportement électoral).
Si l’on prend comme exemple la campagne pour l’élection présidentielle de 2002, on s’aperçoit du désintérêt des médias pour cette campagne et notamment à la télévision. En effet, les statistiques produites par le CSA montrent que les chaînes accordent de moins en moins de temps à l’information et aux débats politiques. A cet égard, le recul le plus important est à mettre au crédit de TF1, la chaîne la plus regardée qui n’a consacré que 1 heure d’antenne aux différents candidats dans ses magazines d’information alors qu’en 1995 elle leur accordait presque 16 heures. De même, la place consacrée à l’élection dans les JT de la chaîne privée a diminué de 50 % entre 1995 et 2002 (25 % sur France 2). Les journalistes sont conscients de cette dérive mais tentent de la justifier par le caractère ennuyeux de la campagne, par la certitude d’un duel Chirac-Jospin au second tour et par le désintérêt des français pour la politique comme l’atteste le taux d’abstention. Or, la certitude d’un duel Chirac-Jospin au second tour était loin d’être acquise. D’ailleurs, la commission des sondages avait mis en garde les médias sur la façon dont ils interprétaient les sondages d’intention de vote et dont ils informaient le public. Elle insistait notamment sur le nombre de sondés n’exprimant aucun choix ou n’étant pas sure de leur choix et sur la façon dont étaient constitués les échantillons de personnes interrogées. Or, aucun média n’a relayé cette mise en garde, chacun préférant rester focalisé sur le duel du second tour. Or, chaque journaliste était conscient de la remontée de Le Pen et du risque à le voir arriver au second tour. Mais, aucun ne s’est senti le courage d’endosser la responsabilité d’annoncer clairement cette hypothèse de peur d’être accusé de faire le jeu de l’extrême droite. Pourtant, lorsque l’on observe que le PS est redevenu le parti dominant de la gauche aux élections législatives, que les partis d’extrême gauche y ont atteint des scores très faibles, que le mouvement de Chevènement a été éliminé du jeu politique, il ne fait aucun doute que certains électeurs de gauche ont cru pouvoir s’affranchir d’un vote utile, dispersant leurs voix sur d’autres candidats de gauche, parce qu’ils avaient acquis la certitude que Jospin serait présent au second tour.
Au vu de ces données, il ne fait aucun doute que les médias ont la capacité d’influencer le résultat électoral. Cette montée en puissance des médias a également un impact sur l’organisation et le fonctionnement du monde politique. Le jeu politique a été totalement bouleversé par l’arrivé des moyens de communication de masse. D’un côté, il a été rendu plus égalitaire et plus démocratique, mais d'un autre côté, il a été rendu plus vulnérable aux tentations de la démagogie, du spectacle et de la manipulation.    

c – La transformation de la société démocratique 
On ne peut plus gouverner sans les médias et nos gouvernants tentent, par tous les moyens de s’attirer les bonnes grâces des journalistes. Ainsi, certains hommes politiques feraient leur siège pour obtenir un passage dans une émission largement regardée par le public car désormais, on ne conçoit plus de vie politique qui ne passe par les médias et l’essentiel, pour certains hommes politiques, est d’être vu à la télévision. De plus, gouverner implique de réfléchir et d’élaborer des projets en secret ce qui n’est plus possible sous la pression permanente des médias. Parallèlement, les médias, parce qu’ils nous informent et contribuent à la formation de l’opinion publique, font partie intégrante de la démocratie. Mais, ils sont mus par la logique du profit et de l’audience, ils s’occupent donc plus de nous divertir et de nous émouvoir que de nous informer objectivement.
La démocratie, gouvernement du peuple, suppose le contrôle permanent de l’exercice du pouvoir par l’opinion publique. Les médias constituent le moyen le plus efficace d’information et de formation de cette opinion publique. Ils sont le relais entre gouvernants et gouvernés. Or, aujourd’hui, ce relais ne fonctionne plus de manière satisfaisante. La médiatisation a profondément transformé la vie politique et les règles démocratiques quant à la sélection du personnel politique, à l’action politique et au discours politique et quant au fonctionnement général du système politique.
1 – La sélection du personnel politique : les formes modernes de communication politique favorisent les acteurs politiques qui appartiennent à des grandes formations et notamment à leurs principaux leaders. Or, en donnant en priorité la parole aux poids lourds de la politique (notamment parce que leurs interventions génèrent de l’audience), les médias tendent à renforcer leur prééminence sur les élus plus obscurs et donc finalement à légitimer les leaders des grandes formations. Ils sont donc les seuls à être écoutés et entendus par les citoyens alors que la majorité des acteurs politiques reste dans l’ombre (cette situation est d’ailleurs aggravée par les sondages puisque seuls ceux arrivés en tête sont invités sur les plateaux de télévision). De cette façon, les médias offrent à certains hommes politiques des chances supplémentaires d’apparaître comme des candidats crédibles et donc de remporter l’élection. plus largement, pour réussir en politique, il ne suffit plus de s’appuyer sur un réseau de militants, il faut être capable de séduire une majorité de citoyens en se faisant entendre dans les médias. Le cursus classique de l’accès au pouvoir (reconnaissance par les militants de base, investiture au niveau local puis national et reconnaissance par les dirigeants du parti) est donc désormais concurrence par un processus de légitimation directe par l’opinion publique. Cette dernière, grâce aux médias peut choisir des hommes qui ne possèdent pas une grande expérience militante mais qui ont une forte popularité acquise par exemple dans les affaires ou dans le sport (ex : Bernard Tapie). Se pose alors le problème des compétences politiques de cette personne dont le seul mérite pourrait être d’être télégénique. Se pose également la question du choix des acteurs politiques qui ne provient plus des militants et des citoyens mais des médias en fonction non de leurs compétences techniques mais de leur capacité à captiver les foules et à faire de l’audience (c’est d’ailleurs pour cette raison que les hommes politiques s’entourent de conseillers en communication qui sont chargés de leur apprendre à passer à la télévision et à avoir une bonne image).
2- L’action des hommes politiques : lorsqu’ils parviennent à obtenir des responsabilités importantes, les hommes politiques ne sont pas pour autant émancipés de la pression des médias. En effet, la communication moderne ne cadre pas avec l’action politique qui s’inscrit dans la durée. Les médias s’intéressent à la prise de décision en omettant le travail de préparation et l’évaluation des résultats. En outre, les citoyens sont immédiatement informés des évènements ce qui oblige le pouvoir politique à gérer plusieurs problèmes en même temps. Plus largement, les journalistes et les instituts de sondage vérifient périodiquement la légitimité des hommes politiques. S’il est crédité de mauvais scores de popularité ou s’il constate que son action et ses décisions sont critiquées par la population, un homme politique se droit d’en tenir compte même s’il possède la légitimité du suffrage universel (ex : la position difficilement tenable de Jean-Pierre Raffarin, renommé Premier ministre après l’échec des élections régionales et dont la population ne veut plus à ce poste). En quelque sorte, les dirigeants politiques se doivent de conserver une légitimité au quotidien. Pour ce faire, il leur faut régulièrement expliquer leur politique aux citoyens. Finalement, la médiatisation place les hommes politiques sous une double pression : ils doivent souvent traiter des problèmes dans l’urgence, leur travail n’est jamais montré par les médias et ils sont placés à longueur d’année sous le contrôle des citoyens ce qui remet en cause leur légitimité démocratique. Dès lors, les hommes politiques doivent modifier leur attitude face aux médias.
En premier lieu, la médiatisation de la vie politique incite les acteurs politiques à rendre leur action aussi spectaculaire que possible afin qu’elle intéresse les journalistes, qu’elle soit répercutée par eux et donc visible pour un maximum de citoyens. Ainsi, l’action des hommes politiques n’est pas guidée par le souci de l’efficacité mais par le souci de la notoriété. Les acteurs politiques se posent donc toujours la question de la répercussion de leurs actes dans les médias (un collaborateur de Ronald Reagan disait que dans toutes les réunions à la Maison Blanche se posait rapidement la question de la répercussion dans les médias des décisions qu’il fallait prendre). De plus, à partir du moment où les réactions de l’opinion aux différentes actions des leaders politiques sont mesurées par les instituts de sondage, il devient difficile de les négliger, faute de quoi on risque d’être accusé d’aller à l’encontre de ce que souhaite le peuple (le Service d’Information du Premier ministre commande environ un sondage par mois sur des questions d’actualité et fait également réaliser un baromètre mensuel de l’opinion. Des réunions sont périodiquement organisées entre les membres du gouvernement pour analyser les réponses obtenues et ainsi mieux orienter l’action du gouvernement). Dans cette perspective, les médias assurent l’information du gouvernement sur les dossiers qu’il devient urgent de traiter (Michel Rocard, ancien Premier ministre dit que pour prendre conscience de la gravité d’une question sociale il y a d’abord les préfets puis les médias).
Tous ces éléments poussent les hommes politiques à davantage de démagogie dans leur discours et leur action. Certes, la démagogie ne date pas de l’émergence des médias de masse. De plus, on ne peut pas dire que les médias incitent les décideurs publics à n’agir que dans le sens souhaité par l’opinion publique. On ne peut penser qu’un homme politique ferait n’importe quoi pour plaire au peuple quitte à passer outre aux contraintes économiques ou diplomatiques. Il est en fait plus probable que les hommes politiques ont souvent tendance à repousser des mesures impopulaires après les élections quand ils auront le temps nécessaire pour les mettre en place voire quand ce sera au successeur d’en endosser la responsabilité. Dans ces conditions, les médias sont souvent accusés d’empêcher les hommes politiques de gouverner correctement. Néanmoins toute la faute ne repose pas sur les médias mais incombe également au régime démocratique lui-même qui périodiquement implique d’obtenir l’adhésion de l’électorat. 
3- Le discours des hommes politiques : il ne ressemble plus à de longs monologues durant lesquels un orateur s’exprime en véritable tribun. A la place de cette forme traditionnelle, on trouve de nouvelles formes de discours, plus claires et qui se rapprochent davantage d’une conversation. Il y a une simplification qui est nécessaire pour capter l’attention du public dans un monde dominé par la concurrence des sources d’information. l’homme politique doit à tout moment être meilleur que ses adversaires. Ils doivent privilégier les formules concises et frappantes (les petites phrases) et éviter les argumentaires trop longs et trop complexes qui risquent d’irriter ou de susciter l’incompréhension. les médias exigent également un discours suffisamment distrayant pour que le public ne soit pas tenté d’aller voir ailleurs (chute de l’audience). lorsque la politique est présentée à un auditoire restreint, intéressé et connaisseur, l’objectif est de convaincre et de mobilier, on peut alors se permettre une certaine aridité dans le discours. En revanche, quand le public est nombreux et peu politisé, le but est d’éveiller son intérêt et non de l’ennuyer. il s’agit donc de le séduire par un discours attrayant. Là encore, on retrouve l’idée d’un spectacle de la politique.
Il faut toutefois nuancer ce propos qui vaut essentiellement pour les chaînes généralistes et aux heures de grande écoute. De plus, cette tendance à la simplification existait déjà avant les médias de masse. Elle est rendue nécessaire par la démocratie représentative qui implique d’expliquer le plus clairement possible les problèmes pour que chaque citoyen puisse se faire sa propre opinion.
4 – les transformations du système politique : la première transformation structurelle du système politique est une tendance très nette à la personnalisation de la politique. Dès qu’est apparu le suffrage universel, il a fallu des têtes de liste qui représentent les principales tendances politiques. Ce phénomène a été accentué par les médias et notamment par la télévision. Celle-ci doit en permanence montrer un résumé du débat politique et réduire le choc des idées à l’affrontement entre des personnalités. La politique est donc un western que l’on décrit en utilisant des métaphores militaires et sportives. Ensuite, la médiatisation a conduit à l’affaiblissement du réseau militant. Dès lors que des millions de téléspectateurs et d’auditeurs peuvent en même temps voir et entendre le même leader politique s’exprimer, ce dernier n’a plus autant besoin d’être relayé par des militants pour être entendu. Il peut également passer par dessus la tête des cadres de son parti. En sens inverse, le réseau militant n’est plus un canal privilégié pour la remontée des informations jusqu’au cœur du système politique. Les médias et les sondages fournissent de biens meilleures informations au personnel politique.
Au total, les transformations induites par la médiatisation du jeu politique sont déterminantes. La politique n’est plus ce qu’elle était et les médias y sont pour beaucoup. En fait, 4 principes fondamentaux devraient animer les journalistes : les rédactions ont un rôle déterminant à jouer dans la vie publique, le public doit être considéré comme étant formé de citoyens actifs prêts à s’engager et non pas comme des spectateurs passifs de l’actualité, les médias doivent prendre conscience de leur mission civique en contribuant à améliorer la qualité du débat public, les médias doivent aider les citoyens à prendre en charge certains de leurs problèmes plutôt que de les maintenir dans une forme de passivité ou de délégation. De cette façon, les journalistes contribueraient à redynamiser la démocratie.                     
L’accroissement de l’importance prise par la télévision dans la vie sociale et politique a entraîné l’émergence d’une autre force politique : l’opinion publique. Celle-ci apparaît alors comme un groupe de pression d’un genre particulier qui est très écouté par les décideurs publics.               

E – L’opinion publique à travers les sondages
Les dirigeants politiques cherchent sans cesse à connaître l’avis de l’opinion publique c’est-à-dire de l’ensemble des citoyens sur un problème déterminé. Pour ce faire, l’avènement de la société de communication a vu la multiplication des sondages d’opinion. Le principe des sondages d’opinion est simple : dans l’impossibilité d’interroger la totalité de la population, on questionne un échantillon représentatif afin d’obtenir une vue d’ensemble de l’état de l’opinion. Cette technique a fait ses preuves mais connaît également des limites car les réponses faites lors des sondages ne correspondent pas toujours avec la réalité. Par exemple, le taux d’abstention et le vote pour les partis extrêmes sont souvent sous-estimés, les sondés préférant taire leur véritable comportement électoral. En fait, les réponses dépendent de la manière dont les questions sont formulées et de la manière dont elles sont comprises d’un individu à l’autre. Elles sont également tributaires du moment où elles sont posées. Enfin, tout le monde n’a pas toujours une opinion sur tout ou n’a pas forcément envie de l’exprimer. 
Quoiqu’il en soit, malgré les critiques que l’on peut apporter aux sondages d’opinion, ceux-ci se sont multipliés de sorte qu’aujourd’hui, la population est interrogée sur tout et n’importe quoi. Ainsi, il existe des sondages marketing des produits et services qui consistent à interroger des cibles, c’est-à-dire des groupes sociaux ayant a priori des caractéristiques communes de consommation et de comportement d’achat. on interroge alors le consommateur en le considérant comme un expert capable d’opérer des choix entre différents produits. L’enjeu économique et financier de ce type d’enquête est important pour son commanditaire. Il existe également des sondages d’opinion sur des faits de société ou sur des questions politiques. Ces sondages posent souvent des questions complexes avec des choix multiples qui sont susceptibles de perturber les sondés.  Enfin, il existe des sondages électoraux qui sont des sondages d’intention comportementale qui sont d’autant plus précis que l’on se rapproche de la date de l’élection. les prévisions de résultats les soirs des élections sont des sondages effectués à la sortie des urnes pour demander aux électeurs pour qui ils ont voté. Ce type de sondage a le mérite de poser des questions simples et claires aux sondés (pour qui ils veulent voter ou pour qui ils ont voté). L’impact de ces sondages électoraux est tel qu’une loi du 19 juillet 1977 interdit leur publication 8 jours avant la date du scrutin (cette loi est hypocrite car ce n’est pas la réalisation des sondages qui est interdite mais leur publication. Rien n’interdit donc qu’ils soient communiqués aux états majors politiques et aux responsables économiques. De plus, avec le développement d’Internet, le résultat de ces sondages est disponible pour les citoyens disposant d’un ordinateur).   
Hormis les sondages marketing qui ont un objet limité, les autres sondages sont très importants pour la classe politique. Ainsi, avec les sondages d’opinion, le pouvoir politique peut agir en fonction des mouvements de l’opinion, ce qui, dans certains cas, peut rendre celle-ci puissante. En effet, il existe un risque que les dirigeants cherchent la solution de facilité c’est-à-dire cherchent avant tout à plaire, ou tout au moins, à ne pas déplaire à l’opinion. Or, il est évident que l’opinion publique est rarement unanime et n’est jamais portée à envisager les solutions les plus radicales. Le pouvoir politique doit alors rechercher le plus petit dénominateur commun ce qui le conduit à mener une politique peu audacieuse (les grandes réformes impliquent souvent des choix tranchés peu compatibles avec le désir des gouvernants de ne pas déplaire à l’opinion) et surtout démagogique. Ceci est d’autant plus dangereux que l’opinion est très changeante et peut vouloir une autre politique de façon soudaine. L’opinion exprimée dans le sondage n’étant qu’une réaction, immédiate et souvent émotionnelle, à un fait, elle ne peut être le fondement de la politique d’un Etat. En ce sens, il ne peut y avoir de gouvernement d’opinion, même si, à certains moments, les dirigeants politiques peuvent être tentés de suivre les mouvements d’humeur de la population. L’influence exercée par l’opinion publique sur le monde politique devrait donc être relativisée. Pourtant, les hommes politiques se montrent plus positifs vis-à-vis des sondages d’opinion. ils considèrent que par cette technique de communication ils ont les moyens de mieux connaître l’état de l’opinion et d’agir en conséquence. De cette façon, certaines décisions peuvent être prises en tenant compte de l’opinion. en ce sens, une des principales fonction des sondages, du point du vue du gouvernement, est leur rôle d’aide à la décision notamment pour des sujets délicats (ex : comment agir pendant une grève dure de la fonction publique ?. Il est plus facile de ne pas faire d’erreur stratégique grave si l’on sait comment cette grève est perçue dans l’opinion.). pour cette raison, le gouvernement multiplie les sondages sur les questions d’actualité, sur des projets de réforme et sur l’état de l’opinion à son encontre. En outre, il analyse les sondages effectués dans la presse. A partir de tous les résultats, des notes de synthèse sont rédigées puis discutées entre les membres du gouvernement. Le gouvernement peut ainsi savoir au jour le jour dans quels domaines il est soutenu par l’opinion et dans quels domaines son action est jugée insuffisante voire néfaste. Dans le premier cas, l’orientation du gouvernement est confortée. Dans le second cas, le sondage permet de réfléchir, de modifier une stratégie de communication et d’infléchir une politique.      
Les sondages d’opinion réalisés par les différents organismes de sondage (CSA, BVA, IFOP, IPSOS, Louis Harris) et publiés dans la presse jouent aussi un rôle important dans l’activité gouvernementale par leur capacité à faire naître un sentiment d’urgence sur certains sujets dont l’importance n’avait pas été réellement comprise mais qui apparaissent tout à coup comme des dossiers brûlants. Ainsi, les sondages aident les hauts fonctionnaires et les ministres à se repérer dans un univers social mouvant, ils jouent le rôle d’un soutien psychologique au moment de prendre des décisions cruciales. Pour autant, la prise en compte des attentes des électeurs par les différents acteurs politiques n’est pas toujours effective. Elle augmente avec l’approche d’une échéance électorale pour atteindre un niveau maximal au moment des campagnes électorales. Dans ce cas, les sondages d’opinion aident les candidats à mieux cerner le profil de leurs électeurs. Ils renseignent sur les attentes et les préoccupations de l’électorat, sur la façon dont il apprécie le bilan des sortants et sur le jugement qu’il porter sur le différents candidats. C’est en grande partie à partir de cette connaissance que les stratégies de campagnes sont élaborées.    
Les sondages électoraux ont également une grande importance sur le déroulement des campagnes électorales. Ils renseignent les candidats sur leurs chances de victoire et sur les écarts avec les autres candidats. Cette connaissance modifie le comportement de chacun des candidats. Un candidat ne se comporte pas de la même façon selon que les sondages d’intention de vote le présentent comme le favori ou comme un simple outsider. Il adapte sa stratégie, son discours, son image, son programme en fonction de sa position et de celle des autres. Ainsi, lors de l’élection présidentielle de 1995, Raymond Barre et VGE, informés du faible enthousiasme que suscitait leur candidature ont préféré se retirer de la compétition électorale.
En définitive, l’influence de l’opinion à travers les sondages est réelle. Elle est cependant indirecte. En effet, elle est liée aux commentaires qu’ils engendrent et aux réactions des hommes politiques. La prise en compte de la volonté de la rue manifeste son importance dans le jeu politique.   
Toutefois, hormis les sondages, l’opinion peut faire connaître plus directement ses aspirations aux dirigeants politiques par le biais des manifestations et mouvements de rue. Depuis la fin du 19ème siècle, la rue est le lieu d’expression de groupes sociaux revendicatifs, les ouvriers puis les paysans, puis toutes les catégories de citoyens qui ont une revendication à faire connaître au gouvernement. Plusieurs exemples peuvent être cités de manifestations de l’opinion dans son ensemble qui ont amené le pouvoir politique à modifier son comportement. Tel a été le cas au moment des événements de mai 1968 qui apparaissent à la fois comme une critique de la société de consommation, une contestation du pouvoir (en fait de toute forme de pouvoir et pas seulement du pouvoir politique) et une récusation du savoir. Tel a également été le cas en 1984 lorsque les socialistes envisageaient la suppression de l’enseignement privé et que plusieurs centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour défendre la liberté de l’enseignement contraignant le ministre de l’éducation nationale à la démission et au retrait de son texte. Dans ce cadre, l’opinion apparaît comme un groupe de pression d’un genre particulier parce qu’il regroupe plusieurs catégories socioprofessionnelles et des individus qui, au premier abord, n’ont aucun intérêt commun. L’efficacité de son intervention en tant que force politique dépend alors de sa capacité à se mobiliser durablement.   

II – Le droit face aux progrès de la science

A – L’avortement
Aujourd’hui, le droit à la vie se trouve communément protégé dans l’ensemble des constitutions d’Europe et s’accompagne, la plupart du temps, d’une protection de l’intégrité physique. Pour ne donner que quelques exemples, l’article 2.2 de la Loi fondamentale allemande du 24 mai 1949 dispose « Chacun a droit à la vie et à l’intégrité physique », l’article 15 de la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 contient « Tous ont droit à la vie et à l’intégrité morale », l’article 40-3 2° de la Constitution irlandaise du 1er juillet 1987 affirme que l’État assure contre « les attaques injustes, la vie, la personne, l’honneur et les droits de propriété », l’article 24, alinéa 1, de la Constitution portugaise du 2 avril 1976 énonce que « la vie humaine est inviolable ». Néanmoins, cette protection n’est pas toujours formalisée implicitement dans les textes suprêmes : aucun article de la Constitution française du 27 octobre 1958 ne contient le droit à la vie, pas plus que dans les constitutions autrichienne, belge, danoise, italienne, néerlandaise ou suédoise. La protection de cette valeur suprême qu’est la vie et de l’intégrité du corps humain, son corollaire, émane alors de la philosophie de l’ensemble du texte et dépend de son interprétation par le juge constitutionnel. La protection étatique du droit à la vie est d’ailleurs dictée par les textes internationaux. L’article 2 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme assure que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi », elle reprend les termes de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 pour qui « Tout individu a droit à la vie » et suit l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi ».
  Or, les mœurs sexuelles ayant évolué, le débat de la dépénalisation de l’avortement a été ouvert dans presque tous les pays occidentaux, il y a plus d’une vingtaine d’années. Outre l’interdiction religieuse portant sur le respect de la vie dès son commencement, le législateur s’est parfois heurté à certaines dispositions constitutionnelles contenant le même principe de protection. Le juge constitutionnel a ainsi été sollicité pour opérer un arbitrage entre les droits fondamentaux. C’est d’outre-Atlantique qu’est venue l’impulsion qui conduisit le juge constitutionnel à prendre position sur le droit à la vie à travers l’Europe. Le point de départ de l’évolution constitutionnelle réside, de ce fait, dans l’arrêt Roe v. Wade de la Cour suprême américaine où est affirmé un droit général à l’avortement tout en assurant « un équilibre entre, d’une part les droits du fœtus en développement et la nécessité d’assurer la sécurité médicale de l’acte d’avortement et d’autre part, le droit de la femme à sa vie privée ».
Ainsi, de 1973 à 1984, se succèdent les décisions constitutionnelles tranchant ce délicat problème éthique et social de la dépénalisation ou de la libéralisation totale de l’interruption volontaire de grossesse : la Cour constitutionnelle autrichienne (11 octobre 1974), le Conseil constitutionnel français (15 janvier 1975), la Cour constitutionnelle italienne (18 février 1975), la Cour constitutionnelle allemande (25 février 1975), la Cour suprême de Norvège (1983), le Tribunal constitutionnel portugais (19 mars 1984), le Tribunal constitutionnel espagnol (27 juin 1984). D’autres pays ont suivi plus tardivement, dans le début des années 1990 : Canada, Hongrie, Pologne… Aucun de ces États n’a autorisé une libéralisation complète de l’avortement, considérant qu’elle entrerait en profonde contradiction avec le droit à la vie, droit protégé par l’ensemble des constitutions européennes.
Ces débats législatifs, puis constitutionnels, ont souvent été passionnés et ont conduit à d’importantes confrontations. En Belgique, le Roi Baudouin, n’ayant pas voulu promulguer la loi du 3 avril 1990 relative à l’interruption volontaire de grossesse, a été menacé de perdre son trône. Il s’est trouvé momentanément empêché par le Parlement Belge qui ne lui a restitué ses pouvoirs qu’après la promulgation. La Belgique n’est pas le seul pays où le problème de la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse ait soulevé des querelles et chaque État détient un épisode important de son histoire constitutionnelle en la matière. Il n’est pas possible de les aborder tous, mais ces pays peuvent être classés en fonction de leur position sur la valeur de la vie embryonnaire. On peut d’abord observer des pays, tels que la France et les États-Unis, qui mettent en place une conciliation entre le droit à la vie de l’être à venir et le droit de la femme sur son corps, l’un primant alternativement sur l’autre en fonction de la maturité du nasciturus (I). Il existe ensuite des pays, comme l’Irlande qui nie l’intégrité corporelle de la femme, qu’elle que soit sa situation, pour accorder un droit absolu à la vie de l’enfant à naître (II).

a – La France
L’avortement a longtemps été considéré comme un crime en France, puisque l’article 317 du Code pénal de 1810 le punissait d’une réclusion à perpétuité. Cette situation a perduré jusqu’à la loi du 31 juillet 1920 interdisant les pratiques abortives, contraceptives et leur publicité. Elle a toutefois produit l’effet inverse de celui escompté et a abouti à la loi du 27 mars 1923 correctionnalisant l’avortement. Un décret-loi du 29 juillet 1939 a aggravé les sanctions mais admis implicitement la licéité de l’interruption de grossesse thérapeutique. Avec la loi du 15 décembre 1942, l’avortement devient un crime contre la nation, puni de la peine capitale. C’est uniquement avec la IVème République que la législation s’assouplit, puisque la loi du 11 mai 1955 autorise l’avortement thérapeutique quand la vie de la mère est en danger.
Il faut toutefois attendre la très célèbre loi du 17 janvier 1975 pour que l’interruption volontaire de grossesse soit dépénalisée, sous certaines conditions toutefois. La loi de 1975 était prévue au départ pour n’être appliquée que cinq ans, la loi Pelletier du 31 décembre 1979 est venue ensuite la pérenniser. La loi Roudy du 31 décembre 1982 a permis le remboursement de l’intervention par la Sécurité sociale. La loi du 16 janvier 1993 comporte, sur proposition de Véronique Neiertz, à la fois l’abrogation de la disposition du Code pénal sanctionnant l’auto-avortement et instaure l’article L. 2223-2 du Code de la santé publique qui établit le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Enfin, la loi du 4 juillet 2001 a fait passer de 10 à 12 semaines le délai l’égal d’interruption volontaire de grossesse et permet à la mineure de se passer du consentement de ses parents.
On constate ainsi que, du crime au délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, en passant par le remboursement par la Sécurité sociale, la question de l’avortement a énormément évolué. Le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer en 1975, en 1993 et en 2001 sur l’interruption volontaire de grossesse : il a consacré un droit relatif de l’embryon à vivre. Le droit à la vie ne se trouvant pas dans la Constitution, le Conseil aurait pu contrôler la conformité de la loi à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qu’il a refusé de faire ; seul le Conseil d'État a effectué ce contrôle de conventionnalité. Ces deux jurisprudences tracent en France une évolution de l’interruption volontaire de grossesse vers une faculté de plus en plus large accordée à la femme, qui induit un déclin de la valeur accordée à la vie embryonnaire.
L’interruption volontaire de grossesse lorsqu’elle a été dépénalisée en 1975 ne l’a été que sous le respect de conditions strictes, afin de protéger la vie de l’embryon. Simone Veil, à l’origine de cette loi, l’affirmait elle-même en ces termes : « Je le dis avec toute ma conviction : l’avortement doit rester l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issues ». L’avortement ne devait pas être un droit accordé à la femme, mais simplement la prise en compte de sa détresse et la volonté de ne pas lui imposer une grossesse qui soit une trop lourde épreuve. C’était reconnaître que, dans certains cas extrêmes, le droit de la femme sur son corps est supérieur à la vie de l’embryon. Cette évolution importante de la valeur accordée à la vie embryonnaire correspond à l’abandon d’un droit absolu à la vie pour l’enfant à naître.
Auparavant, seule la mise en danger de la vie de la mère pouvait entrer en concurrence avec la vie prénatale. L’interruption de grossesse en cas de détresse va au-delà de la mise en concurrence de deux droits à la vie, il met sur le même plan le droit à la vie avec le droit à l’intégrité physique ou la liberté individuelle. Les lois de 1975, 1993, 1994 et 2001 ont donné l’occasion au Conseil constitutionnel de rendre quatre décisions en la matière. Or, la Haute juridiction a, chaque fois, suivi le législateur alors que les lois successives ont de plus en plus porté atteinte à la vie de l’enfant à naître. Ce droit à la vie prénatale loin d’être une composante de la dignité humaine, comme c’est le cas en Allemagne où il a un caractère absolu, est devenu de plus en plus relatif. Si le Conseil constitutionnel a ainsi suivi la volonté du législateur c’est essentiellement parce que la Constitution ne contient pas expressément de norme protégeant la vie.
Dans la décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975, la Haute juridiction a, pour la première fois, utilisé la formule selon laquelle « l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ». De nombreuses fois reprise par la suite, cette formulation est placée en tête de la décision pour marquer clairement le rôle du Conseil. Il ne doit pas trancher le débat politique (voire, en l’espèce, religieux ou philosophique), mais agir comme un juge de la constitutionnalité de la norme, c’est-à-dire résoudre un conflit de norme et non affirmer le caractère absolu de tel ou tel droit fondamental. Le Conseil constitutionnel se démarque bien du travail législatif et laisse aux parlementaires la responsabilité des choix politiques, tels que ceux résultant de la limitation de certains droits fondamentaux. Le Conseil réduit lui-même son rôle au contrôle de constitutionnalité, il cadre ses fonctions sur le texte constitutionnel. La suite de la décision lui permet d’ailleurs de préciser ce cadre d’action puisqu’il l’étend à l’examen de la conformité au Préambule de 1946, mais en exclut le contrôle de conventionnalité. Ce refus du Conseil de contrôler la conformité de la loi aux traités ou accords internationaux est un des éléments marquants de la jurisprudence de la Haute juridiction, puisqu’il a permis de délimiter le bloc de constitutionnalité. Le droit à la vie n’étant pas directement inscrit dans la Constitution, les parlementaires auteurs de la saisine entendaient que le Conseil fasse respecter au législateur l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils rappelaient que l’article 55 de la Constitution pose la primauté du droit international et que la CEDH, régulièrement ratifiée et publiée, a force obligatoire en France. L’embryon ayant droit à la vie suivant l’article 2, la loi dépénalisant l’avortement aurait violé la Convention européenne. Face à cette argumentation le Conseil a relevé qu’il ne lui appartient pas « lorsqu’il est saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord international ». Toutefois, si la décision sur l’interruption volontaire de grossesse est orientée de la sorte sur le droit international, c’est qu’il n’existe aucune protection constitutionnelle directe du droit à la vie dans notre texte constitutionnel sur lequel les parlementaires auraient pu fonder leur saisine. Le Conseil se prononce néanmoins indirectement sur le droit à la vie, mais uniquement après avoir examiné la violation de l’article 2 de la Déclaration des droits de l'homme. Cet article n’était pas invoqué par la saisine, mais le Conseil relève que la loi ne viole ni la liberté de la femme (qui peut ou non recourir à l’avortement) ni celle des personnes participant à l’interruption volontaire de grossesse (celles-ci pouvant lever une objection de conscience afin de ne pas participer à cette intervention). La clause de conscience est ainsi constitutionnalisée par le Conseil constitutionnel.
La seule référence au droit à la vie se trouve dans le rappel fait par la Haute juridiction des termes de l’article 1 de la loi : « le principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie ». Elle relève que la loi n’est pas contraire à la Constitution car elle énonce le principe et pose les cas d’interruption volontaire de grossesse comme des exceptions strictement limitées au cas de détresse et sous les conditions qu’elle édicte. Toutefois, la démarche du Conseil constitutionnel peut paraître curieuse, puisqu’il se réfère au principe de respect de la vie comme s’il préexistait dans la Constitution, alors qu’il est uniquement rédigé dans la loi. On peut donc considérer que le Conseil sous-entend l’existence de ce principe constitutionnel, comme un principe non écrit de droit naturel. On peut aussi penser qu’il se réfère au principe de droit civil infans conceptus... Quel que soit le fondement retenu par le Conseil, il ne va pas jusqu’à constitutionnaliser clairement le droit à la vie, qu’il présente pourtant comme un principe essentiel.
Néanmoins, le Conseil constitutionnel n’était pas totalement dépourvu de base textuelle pour relever l’existence du droit à la vie de tous, comme de l’enfant à naître. Il aurait pu l’extraire d’une interprétation de l’alinéa 11 du Préambule de 1946, qui garantit à tous la protection de la santé. Finalement, la position du Conseil constitutionnel tient surtout au fait qu’il ne voulait pas s’opposer à l’action du législateur, ne se reconnaissant pas le même pouvoir d’appréciation et considérant que son rôle n’était pas d’intervenir dans un débat de société. Partant, il n’a que partiellement tranché le conflit de droit qui lui était présenté. Jugeant que la supériorité accordée par la loi à la liberté d’usage de son corps par la femme n’était qu’occasionnelle et soumise à d’importantes restrictions, il a supposé que le principe de respect de la vie était assuré. Cette position du juge constitutionnel français se trouve à mi-chemin entre la position allemande, où la Cour a écrasé la volonté parlementaire en affirmant le caractère absolu du droit à la vie, et la position américaine, où la Cour suprême a délimité temporellement l’emprise de la mère sur le droit à la vie de l’enfant qu’elle porte. Le Conseil constitutionnel n’ayant pas attribué de hiérarchie entre le droit à la vie et le droit  l’intégrité corporelle en 1975, le législateur a donc pu, par la suite, faire évoluer les droits de la femme sur son corps au détriment de la vie embryonnaire.
Après avoir été pérennisée en 1979, l’interruption volontaire de grossesse a été reconnue comme un acte remboursable par la Sécurité sociale en 1982, ce qui assure un effort de solidarité financière de la nation pour aider non seulement les femmes dont la grossesse met la vie en danger, mais également celles en état de détresse. Toutefois, c’est en 1993, soit près de vingt ans après, que le législateur a, une nouvelle fois, fait progresser la pratique de l’avortement. Cette loi n°93-121 du 27 janvier 1993, portant diverses mesures d’ordre social, a modifié l’article 223-12 du nouveau Code pénal issu de la loi n°92-684 du 22 juillet 1992 qui punissait l’interruption de grossesse pratiquée par la femme sur elle-même, de deux mois d’emprisonnement et de 25 000 francs d’amende, étant précisé que le tribunal pouvait ne pas appliquer ces peines en cas de détresse de la femme et suivant sa personnalité. Cette condamnation n’était donc plus qu’une condamnation de principe qui a été complètement levée en 1993. La femme peut donc, depuis cette date, pratiquer l’auto-avortement, c'est-à-dire contourner les cas restrictifs d’accès à l’interruption volontaire de grossesse posés par la loi de 1975.
Cette libéralisation de l’auto-avortement a soulevé d’importantes critiques et la loi a été soumise au Conseil constitutionnel qui s’est prononcé dans une décision n°92-317 DC du 21 janvier 1993. Les sénateurs auteurs de la saisine considéraient que cette loi présentait un détournement de la procédure législative, grief que le Conseil a écarté, estimant que le texte d’abrogation n’était pas sans lien avec le projet de loi en discussion, puisqu’il contenait également des dispositions tendant à incriminer l’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Sur le fond, le Conseil constitutionnel a jugé que la dépénalisation de l’auto-avortement ne privait aucun principe constitutionnel de garanties légales. Cette décision permet alors de préciser que le respect de la vie dès son commencement n’est, en France, qu’un principe législatif. Le législateur est donc autorisé à le limiter, notamment en lui préférant la liberté de la femme. La loi du 4 juillet 2001 modifie, dans son article 2, l’article L. 2212-1 du code de la santé publique qui prévoit désormais : « La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption volontaire de grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la douzième semaine de grossesse ». L’intervention législative de 2001 favorise, ainsi, encore d’avantage l’accession à l’interruption de grossesse par l’extension du délai légal mais aussi par les conditions d’accès facilitées pour les mineures. L’article L.2212-3 du code de la santé publique prévoit toujours que le médecin remet à la patiente, lors de la première visite, un dossier-guide exposant les conditions de réalisation de l’acte, mais il n’est plus prévu qu’y figure l’énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères, célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l’adoption de l’enfant à naître. L’article L.2214-4 du même code préserve la consultation préalable à caractère social mais limite son obligation aux mineures non émancipées. Pour les auteurs de la saisine, ces modifications ne permettaient plus à la femme concernée de donner un consentement libre et éclairé et portaient atteinte à son droit de ne pas avorter, les alternatives ne lui étant plus aussi nettement exposées. La loi aurait alors méconnu le principe à valeur constitutionnelle de la liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel a, de la sorte, eu une nouvelle occasion d’intervenir sur la conception française du droit à la vie dans la décision n°2001-446 DC du 27 juin 2001 et a rejeté ces arguments : la consultation est proposée à la femme, elle peut y accéder si elle le souhaite et prendre ainsi sa décision en connaissance de cause. Son consentement à l’acte est pleinement acquis et la liberté de la femme est sauvegardée. Le Conseil constitutionnel reconnaît ainsi que les droits de la femme sur son corps peuvent primer sur la vie utérine dans les douze premières semaines. Il confirme sa position antérieure selon laquelle la vie embryonnaire n’a qu’une valeur relative. On peut même voir, dans cette extension du délai de l’interruption volontaire de grossesse, une fragilisation accrue de la vie prénatale et se demander quelles seraient les limites posées par le Conseil constitutionnel au pouvoir d’appréciation du législateur en la matière. Où se trouverait la rupture dans l’équilibre établi entre les droits de la femme et le droit à la vie ?
Ce droit de la femme à l’avortement comme une liberté d’usage de son corps a évolué avec les mœurs, mais aussi avec les avancées technologiques ; ainsi, l’apparition de la “pilule du lendemain”, en permettant de pratiquer l’avortement sur un embryon de quelques heures, rend l’intervention beaucoup plus banale et facile. En effet, le Professeur Étienne-Émile Baulieu a mis au point, dans les années 80, une molécule dont le caractère antagoniste avec la progestérone, provoque l’interruption de la grossesse, car son absorption empêche l’organisme de conserver l’embryon, en interrompant la nidation comme lors d’une fausse couche spontanée. Il s’agit de la Mifépristone dite RU 486. Cette technique présente l’avantage d’offrir une méthode abortive simple et peu coûteuse aux pays du tiers monde. L’Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat est intervenue le 21 décembre 1990, dans les arrêts Confédération nationale des Associations familiales catholiques et Associations pour l’objection de conscience à toute participation à l’avortement et autres, sur le contentieux des modalités d’utilisation de la Mifépristone et a été amenée à se prononcer sur la valeur de la vie embryonnaire, les requérants ayant soulevé la méconnaissance de la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse et la violation de l’article 2 de la C.E.D.H. par la loi de 1975. Le Conseil d'État rappelle que l’utilisation du RU 486 est soumise de plein droit à la législation de 1975 et qu’elle n’en méconnaît pas les conditions, puisque celles-ci sont rappelées dans l’autorisation de mise sur le marché. De plus, la prescription est réservée aux médecins pouvant pratiquer l’avortement et exerçant dans un établissement autorisé. On ne peut donc pas, objectivement, craindre une utilisation abusive de la pilule abortive. L’utilisation du RU 486 ne facilite pas plus que ne le fait la loi elle-même, les conditions d’avortement ; comme elle, elle permet une interruption volontaire de grossesse dans les dix premières semaines sur convenance de la femme. Ce n’est pas l’autorisation de mise sur le marché qui atteint au principe du respect de la vie, mais la loi de 1975. les requérants invoquent également la violation de l’article 2 de la C.E.D.H. et de l’article 6 du Pacte international sur les droits civils et politiques. un considérant de principe sans surprise : « eu égard aux conditions ainsi posées par le législateur, les dispositions issues des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l’interruption volontaire de grossesse, prises dans leur ensemble, ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de la Convention européenne des droits de l’homme et du Pacte international sur les droits civils et politiques ». La Haute instance se range ainsi à l’analyse majoritaire donnée en Europe de l’article 2 de la C.E.D.H.
Le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation ont donc fourni tous les trois la même interprétation des lois de 1975 et 1979, à savoir que le respect de la vie est un principe relatif qui n’empêche pas l’interruption volontaire de grossesse ; l’avortement est ainsi reconnu comme un droit encadré de la femme sur son corps. Dans d’autres pays le débat autour de l’avortement s’est résolu, provisoirement, de manière différente, notamment aux Etats-Unis et en Irlande.

b – Les Etats-Unis
Les États américains continuèrent d’appliquer, après la révolution, la common law anglaise où l’avortement n’était pas considéré comme une infraction grave. Calquée sur le droit canonique, elle n’incriminait pas l’avortement volontaire lorsqu’il était pratiqué avant les “secousses” (moment à partir duquel la mère commence à sentir bouger le fœtus, entre la seizième et la dix-huitième semaine). Après cette période, il était considéré comme un simple méfait et les poursuites n’étaient engagées qu’envers les personnes ayant pratiqué l’interruption et non contre la mère. Il faut rappeler qu’à cette époque le taux de mortalité des femmes subissant un avortement était très élevé, c’est pourquoi les premières législations votées pour le réglementer l’ont été dans l’intérêt de la mère.
Le premier texte américain en la matière a été pris par le Connecticut en 1821 et se résumait à une interdiction de l’utilisation de poisons dangereux comme abortifs. Il fallut attendre 1840 pour que huit États adoptent une législation similaire. Dès 1857, sous l’impulsion des médecins et particulièrement de l’Association Médicale Américaine, la question du respect de la vie humaine, représentée par le fœtus, fut placée au premier plan. En 1880, cette pression avait conduit à l’adoption de plus de quarante textes pris par les États prohibant l’avortement. L’avortement était alors toléré seulement pour sauver la vie de la mère, et restait interdit dans tous les autres cas, avant comme après les secousses. Cette position législative eut comme effet pervers d’augmenter considérablement le nombre d’avortements clandestins et de conduire les médecins à détourner la loi.
Cette situation se maintint pendant un siècle, mais dans les années 1950-1960, à nouveau, sur la pression des médecins, la légitimité des avortements pratiqués sur des fœtus anormaux fut soulevée. Deux crises médicales internationales étaient à cette origine. D’abord celle déclenchée par la prise de thalidomide, un tranquillisant entraînant d’importantes malformations chez le fœtus. Ce médicament, commercialisé uniquement en Europe, avait été absorbé par une américaine, Madame Finkbine, dont le mari revenait du vieux continent. Elle obtint la possibilité de se faire avorter dans un hôpital américain, mais ayant fait connaître sa situation pour en faire bénéficier d’autres femmes, on s’interrogea sur la possibilité d’obtenir un avortement légalement alors que sa vie n’était pas en danger. L’hôpital incriminé retira donc l’autorisation préalablement accordée et Madame Finkbine dut se rendre en Suède pour pouvoir avorter. La deuxième crise fut soulevée par l’épidémie de rubéole de 1962-1965 qui conduisit à donner naissance à 15 000 bébés sourds, aveugles et déficients mentaux. De nombreux médecins pratiquèrent illégalement des avortements sur des mères ayant contracté la rubéole. La première condamnation pénale d’un médecin fut ainsi proclamée dans le Minnesota.
  A partir de cette époque commença un important débat public entre opposants à l’avortement, essentiellement l’Église catholique, et militants de la dépénalisation, composés de médecins et de mouvements de femmes très nouvellement créés. En 1969, fut constituée l’Association nationale pour l’abrogation des lois sur l’avortement, qui défendait le choix d’avorter comme devant être laissé à la femme seule. En 1970, Hawaii devint le premier État à adopter une législation permettant d’obtenir l’avortement sur demande durant les vingt premières semaines. L’État de New York suivit, la même année, en autorisant l’avortement jusqu’à la vingt-quatrième semaine, puis l’Alaska jusqu’à la viabilité du fœtus. A la veille de la décision de la Cour suprême fondatrice de la position constitutionnelle américaine sur l’avortement, quatorze États avaient adopté une législation relative à l’interruption volontaire de grossesse, sur le modèle proposé par la Conférence nationale des Commissaires à l’uniformisation du droit des États, qui autorisait l’avortement jusqu’à la vingtième semaine. Mais certaines Cours suprêmes fédérées s’étaient aussi prononcées sur l’inconstitutionnalité de telles lois, au vu de la Constitution (fédérée comme fédérale).
L’opinion publique attendait donc la position de la Cour suprême fédérale, sur ces diverses législations fédérées, afin de connaître l’interprétation qui serait donnée de la Constitution sur la protection de la vie prénatale. La Cour suprême rendit une décision en 1973, Roe v. Wade, qui établit un droit constitutionnel de la mère à avorter. Cette position a été maintenue jusqu’à présent, mais un arrêt Planned Parenthood of southeastern Pennsylvania v. Casey de 1992 l’a considérablement aménagée.
Toute l’originalité de la décision Roe v. Wade réside dans le fait que la Cour suprême ait considéré que le droit à la vie privée de la femme ne pouvait être respecté que si on lui accordait un droit à l’avortement. Le débat constitutionnel sur l’avortement n’est pas axé, comme en Europe, sur l’arbitrage entre le droit à la vie de l’embryon et le droit de la femme sur son corps, mais entre les intérêts que défend l’État (ici la vie prénatale) et la sphère d’intimité de la femme à laquelle participe son intégrité corporelle. Ainsi, la Cour a affirmé qu’il était nécessaire « d’assurer un équilibre entre d’une part les droits du fœtus en développement et la nécessité d’assurer la sécurité médicale de l’acte d’avortement et, d’autre part, le droit de la femme à sa vie privée ». Elle a également reconnu que cet équilibre varie avec l’avancement de la gestation, c'est-à-dire avec la capacité du fœtus à vivre en dehors du corps de sa mère. Loin de poser uniquement des principes généraux et théoriques, elle a concrétisé l’arbitrage opéré en découpant la grossesse en trois trimestres durant lesquels les droits des deux protagonistes varient.
Durant le premier trimestre, le droit de la femme à l’avortement est absolu, car l’embryon n’a pas la possibilité de survivre par lui-même, sa vie est totalement dépendante de celle de sa mère. De plus, durant ce terme, l’interruption de la grossesse présente un risque moindre. Pendant cette première période l’État ne peut pas interférer dans la sphère privée de la femme, la décision d’avorter devant être prise par elle seule avec l’aide de son médecin. Durant le deuxième trimestre, l’équilibre entre la volonté de la mère et la vie de l’enfant à naître est délicat, aussi la Cour autorise-t-elle l’État à poser certaines conditions restrictives à l’interruption volontaire de grossesse. Enfin, au cours du troisième trimestre, l’équilibre est modifié au profit du fœtus ; celui-ci pouvant éventuellement survivre en dehors de la matrice, l’État est donc autorisé à réglementer l’avortement jusqu’à l’interdire. La Cour différencie ainsi entre l’embryon, le fœtus et l’enfant potentiel, accordant une valeur différente à la vie pour chacun de ces trois stades de l’évolution humaine in utero.
A partir de 1973, la jurisprudence Roe a fait l’objet de tentatives pour en limiter la portée et de nombreuses lois ont été soumises à la Cour suprême, lui donnant ainsi l’opportunité de préciser sa position par touches jurisprudentielles successives. Ainsi, l’affaire Doe v. Bolton, concomitante de Roe, a permis de préciser que l’avis du médecin constitue le seul contrôle autorisé sur la décision de la femme durant le premier trimestre ; lors du deuxième, la Cour suprême tolère uniquement les réglementations en rapport avec la sécurité médicale, les réglementations en rapport avec la santé du fœtus étant réservées au troisième trimestre. Pour ne citer que quelques exemples : en 1979, dans l’affaire Colautti v. Fanklin, la Cour a invalidé une loi qui retirait au médecin traitant la possibilité d’établir le stade de viabilité du fœtus pour pouvoir appliquer un avortement dans les termes de la jurisprudence Roe. En 1983, l’affaire Ville d’Akron v. Centre pour la santé procréative d’Akron conduisit la Cour suprême à annuler les dispositions d’un règlement municipal. Ce dernier obligeait l’hôpital pratiquant l’avortement pendant le deuxième trimestre à imposer un délai de 24 heures entre la décision et l’intervention et prescrivait au médecin d’indiquer à la femme les difficultés de l’avortement ainsi que les alternatives auxquelles elle avait droit, en lui précisant de surcroît, que l’embryon est un être humain dès sa conception.
La concession majeure faite par la Cour suprême se fit en matière de financement de l’interruption volontaire de grossesse. Au plan fédéré, en 1977, affaire Poelker v. Doe, la Cour releva qu’un hôpital public municipal n’était pas obligé de pratiquer des avortements non thérapeutiques gratuits sous le prétexte qu’il offrait des accouchements gratuits. Au plan fédéral, en 1980, dans l’affaire Harris v. Mc Raeb, la Cour suprême valida l’amendement Hyde par lequel le Congrès interdisait l’utilisation de l’aide médicale pour financer les interruptions volontaires de grossesse, sauf pour sauver de la vie de la mère, ou si la grossesse résultait d’un viol ou d’un inceste.
La jurisprudence Roe est donc restée très vivace jusqu’à la fin des années 80. On attendait alors des juges conservateurs nouvellement nommés qu’ils insufflent un revirement jurisprudentiel. L’arrêt Planned Parenthood of southeastern Pennsylvania v. Casey de 1992 est marqué par le préambule que lui a donné le juge O’Connor : « La liberté ne trouve pas refuge dans une jurisprudence qui doute ». La Cour devait examiner la loi de Pennsylvanie relative à l’avortement. Cette loi imposait certains signalements aux établissements pratiquant les avortements et demandait aux femmes de produire un consentement écrit et éclairé (ce qui obligeait la femme à prendre connaissance de textes favorables à la vie). La mineure devait obtenir un consentement soit de l’un au moins de ses parents, soit d’une procédure judiciaire. La femme mariée devait attester par écrit avoir informé son mari de son intention d’avorter (ce qui a été considéré comme une contrainte indue). Les neufs juges étaient très partagés sur la solution à adopter : les juges Blackmun et Stevens souhaitaient déclarer plusieurs des dispositions législatives inconstitutionnelles, le Président, les juges Scalia, Thomas et White désiraient valider toutes les dispositions. Les juges O’Connor, Souter et Kennedy, qui signèrent la décision dans son ensemble, approuvèrent l’ensemble des dispositions sauf celle relative à la notification de son intention par la femme à son mari. Les trois juges réaffirmèrent ainsi la base de la jurisprudence Roe, mais ils en reformulèrent les modalités en posant trois principes : d’abord, le droit de la femme de choisir d’avorter avant le stade de viabilité et d’obtenir l’avortement sans interférence injustifiée de l’État, ensuite, le pouvoir de l’État de restreindre les possibilités d’avortement au-delà du point de viabilité, si la loi détermine des exceptions relatives aux grossesses mettant en danger la vie ou la santé de la mère, et enfin, l’intérêt légitime de l’État, dès le commencement de la grossesse, à protéger la santé de la mère et la vie du fœtus susceptible de devenir un enfant.
Cette nouvelle jurisprudence relative à l’avortement repose donc sur l’interprétation faite par la Cour des obstacles effectifs à la liberté d’avorter ou de l’existence de contraintes justifiées ou non. Il s’agit toutefois d’une solution très frêle puisqu’elle est loin d’être fondée sur une opinion solidaire des juges suprêmes. Elle peut donc être sujette à une nouvelle évolution en fonction des modifications de la composition de la Cour, chaque nouvelle nomination laissant présager d’un renforcement des conditions d’interruption volontaire de grossesse, voire de la remise en cause de la liberté d’avorter. Néanmoins, les États-Unis sont un des rares pays à reconnaître une liberté d’avorter lors des premières semaines ; d’autres, comme l’Irlande établissent le postulat contraire, celui de la suprématie de la vie prénatale.

c – L’Irlande
Le problème de l’interruption volontaire de grossesse se résume dans celui de la confrontation des droits fondamentaux : l’intérêt du cas de l’Irlande est que cette confrontation ne se place pas, comme dans les autres pays, entre des droits nationaux, mais entre le droit national et international. La Constitution irlandaise dispose que « l’État reconnaît le droit à la vie de l’enfant à naître et, tout en tenant compte du droit égal à la vie de la mère s’engage à respecter et à défendre ce droit dans sa législation dans la mesure du possible ». Cette disposition émane du pouvoir constituant dérivé exprimé par voie référendaire en 1983. Alors que dans la plupart des pays d’Europe c’est le juge constitutionnel qui a tranché la question de l’arbitrage des droits fondamentaux, en Irlande, à la même époque, c’est le peuple qui a été consulté. En 1983, c’est donc au rang constitutionnel qu’a été hissée la protection de la vie de l’enfant à naître. Ce droit s’inscrit dans une profonde tradition catholique dont toute la Constitution est empreinte, particulièrement concernant la protection des droits fondamentaux. L’Irlande a cependant adhéré à la Convention européenne des droits de l’homme, considérant que ce texte de droit international était directement compatible avec son droit national. Or, depuis une dizaine d’années, elle est condamnée par les instances européennes, se voyant obligée d’aller à l’encontre de ses valeurs fondamentales pour respecter ses engagements.
Rien, jusqu’à ces dernières années ne laissait en effet supposer que le principe constitutionnel irlandais du droit à la vie de l’enfant à naître pouvait entrer en conflit avec la Convention européenne des droits de l’homme, et encore moins avec les libertés communautaires telles qu’elles résultent du Traité de Rome. Mais, l’application de l’article 40.3.3 de la Constitution a donné lieu à deux séries d’actions, dont l’une a abouti à la saisine de la Cour de justice des communautés européennes par la voie préjudicielle, tandis que l’autre s’est achevée devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Introduite le 28 juin 1985, la première action, intentée par la S.P.U.C. devant la Haute Cour, visait à faire déclarer contraire à l’article 40.3.3 de la Constitution l’activité de deux associations, Open Door Counselling Ltd et Dublin Well Woman Ltd, qui consistait à fournir à des femmes enceintes des informations sur les possibilités de se faire avorter au Royaume-Uni. Le 19 décembre 1986, la Haute Cour conclut à l’inconstitutionnalité des activités en cause et rend une ordonnance interdisant toute diffusion en Irlande de telles informations. L’appel formé contre cette injonction est rejeté par la Cour suprême dans un arrêt du 16 mars 1988. Selon la Cour, l’activité des associations défenderesses prêtait assistance à la destruction de la vie d’enfants à naître, en violation de l’article 40.3.3 de la Constitution. La Cour a également estimé que l’existence d’un droit constitutionnel à l’information (garanti par l’article 40.6.1, al. i) ne permet nullement de justifier l’atteinte portée en l’espèce au droit à la vie de l’enfant à naître.
Or, c’est précisément sur ce terrain que se placèrent les associations requérantes devant les instances européennes. Elles alléguèrent, devant la Commission puis la Cour européennes des droits de l’homme, que l’injonction incriminée constituait une atteinte injustifiée à leur droit de recevoir ou de communiquer des informations et, de ce fait, violait l’article 10 de la Convention, arguments qui ont été retenus par la Commission comme par la Cour.
Parallèlement à cette procédure, la S.P.U.C. saisit la Haute Cour au sujet de publications destinées à donner, cette fois aux étudiants, des informations relatives à l’interruption volontaire de grossesse pratiquée au Royaume-Uni. Par jugement du 11 octobre 1989, la Haute instance décide de faire appel à la Cour de justice des communautés européennes par voie préjudicielle. Un arrêt du 19 décembre 1989 de la Cour suprême délivra l’injonction sollicitée par la S.P.U.C. et confirma la nécessité de poser au juge communautaire un certain nombre de questions préjudicielles, puisque les défendeurs soutenaient que l’interdiction des publications relatives à l’interruption volontaire de grossesse portait atteinte au principe de libre circulation des services, garantie par l’article 60 du Traité de Rome.
Si la Cour de justice jugea qu’en l’espèce il n’y avait pas violation du droit communautaire, en revanche, elle se déclara incompétente pour répondre à la question de savoir si, comme l’alléguaient les associations d’étudiants, l’injonction constituait une violation de la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il faut dire qu’à l’époque de cet arrêt, le juge européen était saisi de la même question et conclut effectivement à la violation de cet article, dans l’arrêt Open Door et Dublin Well Woman c/Irlande, du 29 octobre 1992.
Le choix du dualisme rend ainsi particulièrement délicate la position de l’Irlande concernant l’interruption volontaire de grossesse. Toutefois, la Cour de justice des communautés européennes n’a pas considéré que l’interdiction faite sur le sol irlandais de promouvoir les avortements à l’étranger était contraire à la libre circulation des services. Mais, un an après l’arrêt S.P.U.C. c/Stephen Grogan et autres, l’Irlande a préfèré modifier sa législation plutôt que de risquer une condamnation de la Cour de justice des communautés. Il ne s’agit plus alors d’une interdiction d’information sur l’avortement, mais d’une limitation à la liberté de circulation des destinataires de services, puisque la Haute Cour irlandaise oppose une injonction à une jeune fille souhaitant se rendre en Grande-Bretagne pour y subir une interruption de grossesse.
L’arrêt The Attorney general v. X and others rendu par la Cour suprême irlandaise, le 5 mars 1992, permet de faire progresser le droit de l’avortement dans ce pays. La position de la Haute Cour, puis celle de la Cour suprême, ont entraîné une réforme constitutionnelle après consultation du peuple. En l’espèce, une jeune fille se retrouve enceinte après avoir été violée. En accord avec ses parents, elle décide de se rendre en Grande-Bretagne pour y subir une interruption volontaire de grossesse. Ces derniers se renseignent auprès des services de police sur la possibilité de faire des prélèvements sur le fœtus avorté pour confondre le violeur. La demande est transmise au Director of public prosecutions puis à l’Attorney general. Le 7 février 1992, celui-ci obtient de la Haute Cour une injonction interdisant à la jeune fille de quitter le territoire irlandais (et ce pendant les neufs mois suivants) pour avoir voulu attenter à la vie d’un embryon. L’injonction s’accompagne d’une interdiction à quiconque de pratiquer ou de faire pratiquer un avortement à la requérante.
Le jugement de la Haute Cour reconnaît d’abord la capacité de l’Attorney general de poursuivre la jeune fille. Le juge J. Costello se réfère à l’arrêt Attorney general v. Open Door Counselling Limited de 1988 où la Cour suprême avait démontré qu’il relevait des devoirs de l’Attorney general de saisir la Cour pour défendre le droit à la vie des embryons. Les appelants soutenaient la thèse selon laquelle le législateur n’ayant pas précisé les modalités d’application du huitième amendement à la Constitution (notamment l’ordre de préférence qui devait exister entre le droit à la vie de l’embryon et celui de la mère), la Cour ne pouvait pas s’y substituer en conciliant les deux droits dans l’affaire pendante. Pour la Haute Cour, le huitième amendement permet de protéger la vie de l’enfant à naître sans méconnaître les intérêts de la mère. En l’espèce, la vie de l’embryon était la plus menacée, la jeune mère, entourée de l’affection de ses parents, pouvant supporter cette épreuve sans que sa vie soit en danger.
La Cour conclut donc à son devoir de défendre le droit à la vie de l’enfant à naître garanti par l’article 40.3.3 de la Constitution, même en l’absence de législation en précisant la portée. Elle doit pour ce faire interpréter cet article. Pour le Chief justice Finlay, il ne fait aucun doute que la Constitution enjoint le juge de protéger le droit à la vie de l’enfant à naître, mais en tenant compte de celui de la mère, en tant qu’elle est un individu qui s’insère dans la société et fait partie d’une famille. Le Chief justice relève qu’en l’espèce, le droit à la vie de la mère est en danger réel, non pas du fait de la grossesse elle-même, mais de sa volonté de s’autodétruire. Contrairement à la position de la Haute Cour, la Cour suprême estime ce danger suffisant pour prendre en compte l’intérêt de la mère face à celui de l’enfant.
Il restait alors à la Cour à statuer sur la violation de la liberté d’aller et venir. Le juge Finlay rappelle l’importance fondamentale de ce droit qui ne doit souffrir aucune restriction. Cependant, si ce droit d’aller et venir d’une femme enceinte entre en conflit avec le droit à la vie de l’enfant à naître, ce dernier doit prendre le pas sur le premier. Se pose alors le problème de la violation du droit communautaire qui garantit la libre circulation des citoyens d’un État à l’autre de la Communauté pour y recevoir un service (article 59). Pour la Haute Cour, la protection de l’ordre public irlandais prévalait sur l’article 59 du Traité de Rome. La Cour suprême ne règle malheureusement pas ce conflit de normes. Elle se contente d’établir qu’en l’espèce, l’avortement est légal en Irlande puisqu’il est nécessaire de faire primer le droit à la vie de la jeune fille sur celui de l’embryon.
On ne peut comprendre la portée de cet arrêt sans le situer dans son contexte politique irlandais. L’année 1992 reste partout en Europe celle de la construction de l’Union. En Irlande, la ratification du Traité de Maastricht a entraîné deux débats cruciaux relatifs à la neutralité du pays et surtout à la libéralisation de l’avortement. La décision du juge de la Haute Cour, Costello, de prononcer une injonction à l’encontre de la jeune fille violée avait profondément ému l’opinion publique et embarrassé le Gouvernement à un tel point que, le jour suivant la décision, le Premier ministre avait réuni les différents leaders des partis politiques pour discuter des suites de l’affaire. L’Irlande entière attendait donc l’arrêt d’appel qui devait être rendu le 5 mars par la Cour suprême.
Cet arrêt marque une évolution décisive du droit de l’avortement en Irlande, puisque la Cour y rappelle que l’interdiction d’avorter sur le territoire national n’est pas absolue. Le droit de vivre de la mère prime celui de l’enfant, lorsque la poursuite de la grossesse s’accompagne d’un risque réel et substantiel pour la mère, la Cour précisant qu’il ne s’agit pas seulement de la santé physique de la mère, mais également de la détresse morale. Trois juges sur cinq (les juges Egan, Finlay, Hederman) spécifient néanmoins qu’une interdiction de se rendre à l’étranger peut être opposée à une femme voulant avorter, alors que sa vie n’est pas en danger. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire, selon eux, de s’interroger sur la compatibilité de la législation irlandaise avec le droit communautaire. Si la Haute Cour avait opposé la protection de l’ordre public irlandais et la primauté du droit communautaire, la Cour suprême, elle, écarte la norme internationale face à l’article 40.3.3. Elle réaffirme ainsi « les termes du protocole 17 du Traité de Maastricht (selon lesquels) le droit communautaire ne pourra s’appliquer devant les tribunaux irlandais à des affaires d’avortement pour y limiter ou supprimer les conséquences de l’article 40.3.3 de la Constitution d’Irlande ».
En conséquence, il est important pour le Gouvernement irlandais de neutraliser les effets de la jurisprudence issue de l’affaire X, de garantir la liberté d’aller et venir des citoyens irlandais et de conforter l’adhésion du pays au droit communautaire. Après une vaine tentative gouvernementale de persuader les autres membres de la Communauté d’amender le protocole 17, la seule possibilité restait de rectifier l’article 40.3.3. Ainsi, le 25 novembre 1992, le peuple irlandais a été interrogé sur sa volonté d’amender la Constitution, afin de modifier le droit de l’avortement et le rendre plus conforme aux exigences communautaires. Le constituant a repoussé le douzième amendement à la Constitution portant sur le droit à l’avortement en cas de menace pour la vie de la mère. Ce refus place le droit irlandais en marge des autres législations européennes en la matière, en accordant une valeur supérieure à la vie de l’être futur sur celle de l’être déjà né. Ces amendements permettent de placer la Constitution irlandaise en concordance avec le droit communautaire, notamment pour la liberté d’aller et venir, la libre circulation des services, et des informations les concernant. Le Gouvernement est parvenu à contraindre les juridictions du pays à abandonner leur jurisprudence restrictive en matière d’avortement. Néanmoins, au-delà de la réduction de la fracture entre la norme interne et la norme communautaire, la position du peuple irlandais reste très en retrait de la position majoritaire européenne sur l’avortement. L’Irlande reste le seul pays, depuis la signature de la Convention européenne des droits de l’homme, à ne pas admettre la possibilité d’une interruption volontaire de grossesse lorsque la vie de la mère est en danger.
Si l’Irlande paraît faire quelques concessions au droit communautaire pour conforter sa position au sein de l’Union européenne, elle reste en revanche en opposition avec certaines normes de la Convention européenne des droits de l’homme, comme le révèle la Cour dans l’arrêt Open Door. L’arrêt Open Door a permis la condamnation de l’Irlande pour violation de la liberté d’expression, or cette condamnation découle d’un revirement ponctuel de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’étendue de la liberté d’appréciation laissée à l’État en termes de morale.
L’article 10 de la Convention n’établit pas un droit absolu à la liberté d’expression. Il admet qu’elle soit réglementée, à condition que les restrictions soient prévues par la loi, et constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à certaines fins légitimes énumérées dans la clause. L’ingérence doit donc être prévue par la loi, viser un but légitime et présenter un caractère de nécessité dans un État démocratique. La Cour ayant constaté que l’injonction du gouvernement irlandais portait atteinte à la liberté d’expression, examine la conformité de cette restriction selon les paramètres énoncés :
– « prévu par la loi » : Comme dans l’arrêt The Attorney general v. X and others, l’argumentation des associations repose sur l’absence de précision de la loi en la matière. L’article 40.3.3 de la Constitution ne précise pas qu’il est prohibé d’introduire des périodiques étrangers signalant les possibilités d’avorter hors de l’Irlande. La Commission avait, elle, finalement considéré que le droit interne était suffisamment précis. La Cour repousse cette argumentation, jugeant qu’il faut entendre le terme “loi” au sens large, c'est-à-dire comprenant la jurisprudence des tribunaux irlandais. De plus, le haut niveau de protection accordé à la vie de l’enfant à naître permettait aux requérants de prévoir les poursuites qu’ils encouraient.
– « but légitime » : La Cour analyse ici la position du droit irlandais face à l’interruption volontaire de grossesse. Elle rappelle le résultat du référendum de 1983 où le peuple irlandais s’était prononcé contre l’avortement. La Cour reconnaît que « la protection garantie par le droit irlandais au droit à la vie des enfants à naître repose (…) sur de profondes valeurs morales concernant la nature de la vie ». Aussi, la restriction poursuivait-elle le but légitime de protéger la morale.
– « nécessaire dans une société démocratique » : La Cour invoque sa jurisprudence selon laquelle elle reconnaît une large marge d’appréciation des États dans le domaine de la protection de la morale. Elle ne saurait cependant leur laisser « un pouvoir discrétionnaire absolu insusceptible de recours » en la matière. Il faut déterminer si la « mesure litigieuse répond à un besoin social impérieux et en particulier si elle demeure proportionnée au but légitime poursuivi ». Pour la Cour, il existe, en l’espèce, une disproportion entre l’injonction et la nécessité pour l’État irlandais de protéger la morale. En effet, il n’existe pas d’infraction en droit pénal irlandais, sanctionnant une femme étrangère se rendant en Irlande pour y subir un avortement. De plus, depuis l’arrêt  The Attorney general v. X, les femmes sont libres de se rendre à l’étranger pour y avorter. Enfin, cette injonction fait courir un risque supplémentaire pour la santé des femmes désirant avorter puisque, faute de conseils, elles le feront à un stade plus avancé.
De la sorte, la Cour prononce la violation de l’article 10, par 15 voix contre 8. C’est la première fois qu’elle juge non nécessaire la restriction en cause, dans une affaire d’atteinte à la liberté d’expression pour protéger la morale. Ce revirement de jurisprudence peut d’ailleurs être critiqué sur ces fondements. La jurisprudence Open Door s’explique ainsi uniquement par une volonté de la Cour de condamner l’Irlande sur sa position face à l’interruption volontaire de grossesse, sans avoir à se prononcer sur la délicate question de la protection de la vie de l’embryon. On peut regretter que la Cour n’ait pas pris ouvertement position sur l’avortement. Elle avait ici l’occasion de se prononcer en la matière, en définissant la portée des articles 2 et 8 de la Convention.
Ceux qui espéraient qu’à l’occasion de l’arrêt Open Door, la Cour se livrerait enfin à une interprétation de l’article 2 quant à ses implications en matière d’avortement, ont dû se contenter du faux-fuyant du juge européen : celui-ci est passé maître dans l’art d’esquiver cette question pour le moins délicate, si bien que, jusqu’à présent, il n’est pas possible de savoir si oui ou non, le droit à la vie consacré par la Convention s’applique à l’embryon humain. Les seules indications à ce sujet proviennent d’une décision de la Commission donnant une interprétation partielle et insuffisante de l’article 2 de la Convention. En effet, dans une affaire X c/Royaume-Uni de 1980, la Commission se borne simplement, après avoir souligné que le droit de toute personne à la vie ne semblait s’appliquer qu’après la naissance, à écarter l’interprétation qui consisterait à reconnaître au fœtus un droit à la vie de caractère absolu. Mais la solution ainsi retenue se limite à l’hypothèse de l’avortement thérapeutique, la Commission évitant soigneusement de se prononcer sur l’existence même d’un droit à la vie du fœtus au sens de la Convention.
L’arrêt Open Door n’a nullement permis de mettre fin à ce vide jurisprudentiel. En réponse au Gouvernement irlandais qui argumentait que l’injonction de la Cour suprême devait se lire à la lumière des articles 2, 17 et 60 de la Convention, la Cour a déclaré qu’elle n’était « pas appelée, en l’espèce à déterminer si la Convention garantit un droit à l’avortement ou si le droit à la vie, reconnu par l’article 2, vaut également pour le fœtus ». La Cour se soustrait habilement à l’interprétation qui lui est demandée grâce à la détermination du “but légitime” justifiant, aux termes de l’article 10, §2, l’ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression. Pour le juge européen, les restrictions prévues par le droit irlandais poursuivent le but de protéger « la morale, dont la défense en Irlande du droit à la vie de l’enfant à naître constitue un aspect ». La Cour écarte donc le jeu d’un autre but légitime, invoqué par le Gouvernement irlandais, la protection des droits d’autrui, afin de ne pas avoir à se prononcer sur le point de savoir si celle-ci englobe le droit de l’enfant à naître.
Toutefois, cet argument du but légitime aurait pu jouer, a contrario, en faveur de la protection des droits d’autrui dont le titulaire serait, cette fois, la mère. Faire primer la vie de l’embryon sur la santé de la mère peut, en effet, être considéré comme une violation des droits d’autrui. En poussant le raisonnement un peu plus loin, on peut également reprocher à la Cour de ne pas avoir fait appliquer l’article 2 pour protéger le droit à la vie de la mère. Une telle application de l’article 2 n’aurait posé aucune interrogation d’ordre philosophique ou religieuse puisqu’il est évident que l’article 2 concerne, au minimum, les personnes nées. Or, la législation irlandaise, en ne reconnaissant pas la possibilité pour une femme dont la vie est en danger d’avorter, porte atteinte au droit à la vie. Cette condamnation reste valable après la révision constitutionnelle de 1992. La possibilité de se rendre à l’étranger pour y avorter permet aux femmes dont la santé est en danger, de pouvoir sauver leur vie, toutefois, le fait de devoir se déplacer risque de retarder l’intervention, de la compliquer et la fait dépendre des moyens financiers des femmes.
L’analyse des affaires Open Door et Grogan permet de constater que, si l’Irlande répond de manière satisfaisante aux exigences communautaires (révision de la Constitution par voie de référendum en novembre 1992), on ne peut en dire autant pour ce qui est du droit de la Convention. Si le droit interne irlandais a subi une transformation structurelle pour accueillir l’ordre juridique communautaire, il est resté imperméable à la norme européenne, qui se heurte toujours aux effets de la tradition dualiste irlandaise. Finalement, les législations sur l’interruption volontaire de grossesse se résument à l’arbitrage entre la liberté de la femme et la valeur accordée à la vie humaine prénatale. Plus le terme passe, plus la valeur accordée à la vie du nasciturus croît et la liberté de la mère diminue, sauf pour les pays, comme l’Irlande, qui reconnaissent que la vie humaine possède la même valeur à tous les stades de son développement. Encore plus délicate est la question, posée par Hippocrate, de la fin de vie des malades et d’une éventuelle euthanasie.

B - Euthanasie
Même si les progrès de la science et de la médecine ont permis de perfectionner les méthodes, l’euthanasie était déjà connu dans l’Antiquité. pour cette raison, Hippocrate indiquait dans son serment « je ne remettrai à personne du poison si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ».
Euthanatôs, en grec, ou eutanasia, en latin, signifie bonne ou belle mort comme mort douce. Toutefois, une mort violente, un suicide, peuvent être jugés préférables et bien qu’étant une mort violente, s’apparentent à une bonne mort. Il est difficile de donner une définition stricte de l’euthanasie, toutefois on distingue communément l’euthanasie active : acte de tuer délibérément une personne malade, à sa demande ou non, en fonction de son état et de sa douleur physique ou morale, acte auquel nous pouvons rattacher les actions nécessaire à l’assistance au suicide ; l’euthanasie passive : les trois modalités principale consistent à débrancher un appareil dont l’arrêt provoque la mort, à limiter un traitement ou l’usage d’une machine ou à prescrire un traitement anti-douleur dont la nécessaire escalade des doses induit la mort. Mais en pratique cette distinction est confuse. Finalement la seule décision semble pouvoir être retenu par tous est la suivante : « l’euthanasie est une mort imposée qui s’oppose à la mort naturelle ». Cette définition permet de mettre en lumière la différence d’intention et de résultat objectifs entre une mort causée sans être voulue et une mort voulue et imposée. Pour d’autres, on peut également parler de l’aide au suicide où le patient accomplit lui-même l’acte mortel, guidé par un tiers qui lui a auparavant fourni les renseignements et/ou les moyens nécessaires pour se donner la mort et  l’euthanasie indirecte c’est-à-dire l’administration d’antalgique dont la conséquence seconde et non recherchée est la mort.  L’alternative proposée par les médecins à l’euthanasie sont les soins palliatifs : il s’agit de tout mettre en œuvre pour abolir la douleur.

        a – Les exemples étrangers   
La France a choisi une voie différente de celle adoptée par d’autres pays. En effet, tous les pays admettent sans difficulté qu’un être humain capable de discernement puisse refuser un traitement médical qui ne sert qu’à prolonger sa survie. En revanche, la réponse qu’ils apportent diffère lorsque le patient n’est plus en mesure de donner son accord. Certains pays ont donc choisi de légiférer sur ce point afin de donner à chacun le droit soit, d’exprimer par avance, dans un testament de vie, son refus d’un traitement médical visant uniquement la prolongation de la survie, sans perspective de guérison , soit de désigner un mandataire chargé de prendre toute décision médicale à sa place en cas d’incapacité.
► Les testaments de vie au Danemark et en Suisse : Au Danemark, depuis 1992, la loi a reconnu une loi antérieure en permettant à toute personne majeure et capable d’exprimer par avance son refus d’être soignée, si elle devait se trouver dans une situation dans laquelle elle ne pourrait plus manifester sa volonté. Actuellement, ce droit figure explicitement dans la loi sur l’exercice de la profession médicale, ainsi que dans celle qui régit le statut du patient. Les intéressés doivent remplir des imprimés spéciaux qui sont enregistrés, moyennant paiement d’un droit minime. La loi oblige le personnel soignant à consulter le registre des testament de vie et souligne la force obligatoire de ces documents lorsqu’ils concernent des malades en phase terminale. En revanche, les testaments de vie des malades qui souffrent d’affections graves ou invalidantes n’ont qu’une valeur indicative. En Suisse, où la santé publique relève de la compétence des cantons, plusieurs d’entre eux, parmi lesquels le Valais et les cantons de Genève, de Lucerne, de Neuchâtel et de Zurich, ont légiféré pour reconnaître la force juridique des testaments de vie.
► Les testaments de vie ou les mandataires des Etats australiens et américains : En Australie, quatre des huit Etats ou territoires ont légiféré dans ce domaine. L’Etat de Victoria et le Territoire du Nord ont légalisé en 1998 les testaments de vie, tandis que le Territoire de la Capitale Australienne et l’Etat d’Australie Méridionale ont respectivement en 1994 et en 1995, adopté des lois prévoyant la désignation d’un mandataire ayant le pouvoir de refuser un traitement médical au cas où me mandant deviendrait incapable.  Aux Etats-Unis, tous les Etats ont légiféré pour permettre à chacun de refuser par avance tout acharnement thérapeutique. En Alaska, la loi ne prévoit que les testament de vie, dans les trois Etats du Massachusetts, du Michigan et de New York, elle n’autorise que la désignation d’un mandataire, dans tous les autres Etats elle admet les deux formes. Par ailleurs, aux Etats-Unis, la faible utilisation de ces possibilités par les malades a conduit la moitié des Etats à adopter des disposition permettant de désigner d’office un mandataire de santé.
En Allemagne, Angleterre et Pays de Galles, au Danemark, aux Pays-Bas, en Suisse, en Australie et aux Etats-Unis, l’arrêt ou l’abstention des soins, de même que l’administration de fortes doses d’antalgiques, sont couramment pratiqués pour abréger la vie de malades en phase terminale, mais le plus souvent en dehors de toute règle législative ou réglementaire. Le Danemark est le seul pays à avoir explicitement légalisé ces actes médicaux. En effet, la loi due l’exercice de la profession médicale permet au médecin, en l’absence de testament de vie et face à un malade en phase terminale de « se dispenser de commencer ou de poursuivre des soins qui ne peuvent que retarder la date du décès. Dans les mêmes circonstances, le médecin peu donner des antalgiques, des calmants, ou des produits analogues, qui sont nécessaires pour soulager le patient, même si une telle action peut conduire à hâter le moment du décès ». pour sa part, l’Etat de l’Oregon a chois de légaliser le suicide médicalement assisté.  Approuvée par référendum en novembre 1994, cette loi n’est finalement entrée en vigueur qu’en novembre 1997 à la suite d’un nouveau référendum car un recours en justice en avait suspendu l’application. Elle permet à « un adulte capable (…), dont le médecin traitant et un médecin consultant ont établi qu’il souffrait d’une maladie en phase terminale (qui entraînera la mort dans les 6 mois) et qui a volontairement exprimé son souhait de mourir, de formuler une requête pour obtenir une médicalisation afin de finir sa vie d’une manière humaine et digne ». 
Enfin, La Belgique et les Pays-Bas ont légiféré pour légaliser l’euthanasie lorsqu’elle est pratiquée dans certaines conditions. La loi néerlandaise, adoptée en avril 2001, est entrée en vigueur le 1er avril 2002 et la loi belge, adoptée le 16 mai 2002, est entrée en vigueur le 20 septembre 2002. Ces deux lois dépénalisent l’euthanasie, c'est-à-dire l’intervention destinée à mettre fin à la vie d’une personne à sa demande expresse, lorsqu’elle est pratiquée par un médecin qui respecte certaines conditions, les unes relatives à l’état du patient (souffrances intolérables, absence de perspectives d’amélioration, …), les autres à la procédure (information du patient, consultation d’un confère…). Les législateurs néerlandais et belge n’ont pas retenu la même formule juridique pour dépénaliser l’euthanasie.
En Belgique, le code pénal n’a pas été modifié. La nouvelle loi assure la protection juridique du médecin qui pratique une euthanasie à la demande de son patient, majeur ou mineur émancipé. La loi donne aux patients la possibilité de demander à l’avance qu’un médecin mette fin à leurs jours pour le cas où ils ne pourraient plus exprimer leur volonté. La procédure est dépénalisée sous respect de conditions de formes et de fond.
► Conditions de forme : la loi distingue selon que le patient est en phase terminale ou non pour ajouter une condition supplémentaire dans ce dernier cas. La demande du patient doit être établie par écrit dans un document qu’il rédige, date et signe. La demande n’a aucune valeur contraignante (aucun médecin n’est tenu de participer à un acte d’euthanasie). La demande doit figurer dans le dossier médical. Le médecin doit s’entretenir avec le malade de façon à acquérir la conviction qu’il n’y a aucune autre solution raisonnable dans sa situation et que la demande du patient est entièrement volontaire. Il doit avoir plusieurs entretiens espacés de façon à s’assurer de la persistance de la souffrance physique ou psychique du patient et de sa volonté réitérée. Enfin, le médecin doit consulter un autre médecin, l’équipe soignante, les proches du malades
► Conditions de fond : le patient doit être capable et conscient. Il doit formuler sa demande de façon volontaire, réfléchie et répétée et être libre de toute contrainte. Il doit se trouver dans une situation médicale sans issue et faire état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave ou incurable.
► Procédure de contrôle : la loi organise un contrôle a posteriori systématique des euthanasies, en obligeant le médecin à remplir le document et à le transmettre à la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation dans les quatre jours qui suivent l’acte d’euthanasie. La commission se prononce dans un délai de deux mois. Lorsque l’euthanasie n’a pas eu lieu dans les conditions prévues par la loi, la commission décide à la majorité de saisir le ministère public.
Aux Pays-Bas, la loi du 12 avril 2001 relative au contrôle de l’interruption de vie pratiquée sur demande et au contrôle de l’assistance au suicide, et portant modification du code pénal ainsi que la loi sur les pompes funèbres dépénalise, dans certaines conditions, l’euthanasie, y compris lorsque la requête émane d’un mineur. La loi reconnaît explicitement la validité des demandes anticipées d’euthanasie lorsqu’elles ont été formulées par des patients âgés d’au moins seize ans.
► Conditions de la dépénalisation : l’euthanasie ne constitue pas une infraction lorsque le médecin a agi dans le respect des critères de minutie mentionnés à l’article 293 du code pénal et définis à l’article 2 de la loi relative à l’interruption de la vie pratiquée sur demande et de l’aide au suicide. Ces critères sont au nombre de six : (1) le médecin doit avoir la conviction que le patient a formulé sa demande librement et de façon réfléchie et constante ; (2) les souffrances doivent sans perspectives d’amélioration et insupportables ; (3) le médecin doit informé le patient de sa situation et de ses perspectives ; (4) le médecin doit être parvenu, en concertation avec le patient qu’aucune autre solution n’est envisageable ; (5) le médecin doit consulté un autre médecin indépendant sur le respect de ces critères de minutie ; (6) il doit pratiqué l’interruption de vie avec toute la rigueur médicalement requise. 
► Procédure de contrôle : La nouvelle loi sur les pompes funèbres oblige le médecin qui a procédé à une interruption  de vie à remplir un rapport permettant de vérifier qu’il a respecté les critères de minutie. Ce rapport doit être rédigé conformément à un modèle. Ce rapport est adressé au médecin légiste de la commune, qui le communique à la commission régionale de contrôle de l’euthanasie géographiquement compétente. Les commissions disposent de six semaines pour faire connaître leur avis, mais elles n’informent le ministère public que lorsqu’elles estiment que les médecins les ont méconnus.
Parallèlement, il ne faut pas négliger la position de la Cour européenne des droits de l’homme. A cet égard, il faut préciser que le Conseil de l’Europe a pris une recommandation le 25 juin 1999, n°1418 intitulée Protection des droits de l’homme et de la dignité des malades incurables et des mourants. Il y affirme que « l’obligation de respecter et de protéger la dignité d’un malade incurable ou d’un mourant ». Les Etats membres doivent donc assurer « aux malades incurables et aux mourants la protection juridique et sociale nécessaire contre les risques d’une douleur insupportable, de l’acharnement thérapeutique, d’une mort isolée ou du suicide à justification prétendument altruiste ». La loi doit reconnaître comme des droits individuels l’accès des malades incurables et des mourants à une gamme complète de soins palliatifs, leur droit à l’autodétermination et l’interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à leur vie, puisque le droit à la vie est garanti par les Etats membres et que le désir de mourir exprimé par un malade incurable ou un mourant ne peut jamais constituer un fondement juridique à sa mort de la main d’un tiers. Tous ont droit à des sois palliatifs et l’euthanasie, comme terme intentionnellement mis à la vie de malades incurables et de mourants, est interdite.
Mais c’est surtout l’arrêt rendu par la CEDH, le 29 avril 2002 qui est intéressant. Madame Diane Pretty, ressortissante britannique, a déposé une requête contre le RU. Agée de 43 ans, atteinte d’une maladie neurodégénerative, irréversible et incurable paralysée du cou jusqu’aux pieds, elle réclamait devant la Cour le droit de mettre fin à ses jours avec l’aide de son mari. Elle alléguait dans sa requête une violation des articles 2, 3, 8, 9 et 14 de la Conv. EDH par le refus du Director of Public prosecutions d’accorder une indemnité de poursuites à son mari à la suite d’une aide au suicide de sa part. Aider quelqu’un à mettre fin à ses jours est sanctionné, en droit anglais, par la loi sur le suicide assisté (le suicide n’étant plus lui-même condamnable). Les 7 juges de la CEDH ont, à l’unanimité, rejeté la demande de Mme Pretty, estimant que le RU n’avait violé aucun article de la CEDH.
La thèse soutenue devant la Cour par Mme Pretty est intéressante. Selon celle-ci, le refus du suicide assisté est une violation de l’article 2 qui protège le droit à la vie. En effet, cet article protège le droit à la vie et non la vie elle-même par conséquent, une personne peut refuser, sur le fondement de cet article un traitement médical de nature à sauver sa vie ou à la prolonger et aurait donc un droit au suicide assisté. En quelque sorte, le droit de mourir, selon l’avocat de mme Pretty serait un corollaire du droit de vivre. De même, Mme Pretty considérait que la législation britannique l’obligeait à subir, du fait de sa maladie, un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 de la Convention. Pour elle, les Etats membres ont une obligation absolue et inconditionnelle de ne pas infliger des traitements proscrits et de prendre des mesures positives pour que les individus subissent de tels traitements. En autorisant le suicide assisté, le RU l’empêcherait de subir de tels traitements.
Mais les juges n’ont pas suivi ce raisonnement : pour eux, l’article 2, ne saurait, sans distorsion de langage, être interprété comme conférant un droit diamétralement opposé, à savoir un droit à mourir. Cet article ne saurait non plus créer un droit à autodétermination en ce sens qu’il donnerait à tout individu le droit de choisir la mort plutôt que la vie. Les juges ont également réfuté la position sur l’article 3 : la Cour a reconnu éprouver de la sympathie pour Mme Pretty mais elle a conclu qu’accueillir sa demande, c’était l’obliger à cautionner des actes visant à interrompre la vie, or, il n’y a aucune obligation positive de la part de l’Etat à cet égard, et par conséquent, il n’y a pas violation de l’article 3.
La requérante soutenait également que l’article 8 sur le droit au respect de la vie privée et familiale englobait celui de disposer de son corps et de décider ce qu’il doit en advenir. La prohibition du suicide assisté méconnaît cette liberté. La Cour a estimé, au contraire, que la nature générale de cette interdiction du suicide assisté n’était pas disproportionné et que cette incrimination pouvait s’avérer justifié et nécessaire dans une société démocratique. Etant donné la gravité de l’acte incriminé, il est apparu raisonnable, selon les juges, que la justice britannique ne permit pas à des catégories entières d’individus de se soustraire à l’application de la loi. Il n’y a pas plus de violation de l’article 9 sur la liberté de pensée, de conscience et de religion, car les convictions de la requérante concernant le suicide assisté ne se rapporte pas à une forme de manifestation d’une religion ou d’une conviction.
La Cour a enfin rejeté l’argument de Mme Pretty fondé sur l’article 14, arguant qu’elle subissait une discrimination en en pouvant pas mettre fin à sa vie comme pourrait le faire n’importe qu’elle personne qui ne serait pas atteinte de son handicap. La Cour retient elle que la différence entre ceux qui peuvent se suicider et ceux qui ne le peuvent pas est particulièrement ténue et il est trop dangereux (risque d’abus) de mettre en place une exception pour les personnes handicapées.

b – La situation française
En droit positif, l’acte d’euthanasie peut pénalement recevoir deux qualifications : ou bien c’est un homicide (s’il s’agit de donner directement la mort à quelqu’un) ou bien c’est une aide au suicide d’autrui (délit). La question est donc de savoir s’il existe un droit à la mort sachant que le suicide n’est pas lui-même sanctionné. Le code pénal définit, à l’article 221-1, le meurtre comme étant « le fait de donner volontairement la mort à autrui ». Le meurtre prémédité est un assassinat (article 221-3) encourant la réclusion criminelle à perpétuité. En l’état de la législation actuelle, l’euthanasie active ne peut que recevoir l’une de ces deux qualifications. Le meurtre suppose un élément intentionnel et matériel mais en cas d’euthanasie, la preuve de l’intention criminelle est toujours délicate à apporter. Il ne suffit pas de prouver que le médecin a inoculé une substance létale (élément matérielle) , il faudra encore convaincre qu’il l’a fait dans une intention criminelle (voir l’affaire Christine Malèvre ou celle de Vincent Humbert). Mais c’est là que souvent entre en jeu le caractère particulier des cours d’assises : les jurés sont toujours sensibles aux mobiles.
L’euthanasie est donc un sujet qui depuis la nuit des temps divise la société. Or, aujourd’hui, l’évolution des techniques médicales fait que de plus en plus de personnes décèdent à l’hôpital et que les médecins possèdent les moyens de retarder la venue de la mort. Pour autant, nombreux sont ceux qui ne se satisfont pas d’un acharnement thérapeutique là où l’arrêt de traitement, devenu manifestement inutile, serait préférable.  Le débat vient d’ailleurs d’être relancé en France avec la mort de Vincent Humbert que sa mère et son médecin, le docteur Chaussoy ont aidé à mourir et qui risquent pour cela une peine d’emprisonnement (le médecin risquant la réclusion criminelle à perpétuité. Face à ce cas qui a bouleversé la France, les adhérents de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et Marie Humbert ont souhaité déposer sur leur site Internet une « proposition de loi »  qui, si elle recueille 100000 signatures, sera soumise à des parlementaires en vue d’une dépôt réel au Parlement. Dans ce texte d’initiative populaire figure le droit pour chaque malade de voir ses souffrances atténuées et la demande d’un développement des soins palliatifs. Ce texte réclame également le droit pour toute personne d’être seule juge de la qualité et de la dignité de sa vie ainsi que de l’opportunité d’y mettre fin. Pour ce faire, toute personne peut exprimer sa volonté dans une déclaration de volontés anticipées ou désigner une personne de son choix qui, le moment venu, exprimera sa volonté à sa place. En outre, toute personne faisant état d’une souffrance ou d’une détresse constante insupportable disposerait du droit de recevoir une aide active pour mourir dans la dignité qui ne peut provenir que d’un médecin qui aura pris l’avis d’une équipe soignante. Si un médecin fournit une aide active à une personne il ne sera pas poursuivi si les conditions et les procédures ont bien été respectées. En conséquence, ce texte n’introduit pas une dépénalisation de l’euthanasie mais une exception d’euthanasie qui, dans tous les cas, donnerait lieu à une enquête permettant de vérifier que le médecin a agi dans le cadre fixé.
Pour leur part, les députés ont déposé le 26 octobre 2004 une proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie qui a été adoptée en 1ère lecture à l’Assemblée nationale le 1er décembre 2004. Selon ce texte, soutenu par le ministre de la santé, le malade bénéficierait d’un droit au refus de l’obstination déraisonnable selon laquelle les actes médicaux ne doivent pas être poursuivis lorsqu’il n’existe aucun espoir réel d’obtenir une amélioration de l’état de la personne et que ces actes entraînent une prolongation artificielle de la vie. En outre, le médecin pourrait limiter ou arrêter tout traitement lorsque le malade en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable le décide. Dans cette hypothèse, le médecin devrait respecter sa volonté après l’avoir informé des conséquences de ses choix et serait tenu de dispenser des soins palliatifs. Enfin, toute personne pourra faire connaître ses décisions soit par des directives anticipées soit par le biais d’une personne de confiance. Devant l’insuffisance de cette proposition de loi, son dispositif a été amélioré en commission notamment par l’introduction d’un amendement portant sur le double effet c’est-à-dire sur l’administration de doses calmantes à des malades en fin de vie en vue d’apaiser leurs douleurs avec le risque d’abréger leur vie. Si ce dispositif est adopté, il rendrait licite l’administration d’un médicament destiné à soulager la douleur (type morphine) qui aurait comme effet secondaire d’abréger la vie à la double condition d’assurer une totale transparence à l’égard de la famille et de recourir à une procédure écrite établissant que le traitement a été donné en toute connaissance de cause. Même si les députés l’ont expressément rejeté (condamnant toute administration d’anti-douleur dans le but de provoquer la mort), cet amendement pourrait permettre d’autoriser l’administration de médicament anti-douleur à des doses létales et donc au final, donnerait un cadre à l’euthanasie active.   
Toutefois, l’accord n’existe pas entre les parlementaires puisque certains sénateurs ont déposé le 1er décembre 2004, une proposition de loi relative à l’autonomie de la personne, au testament de vie, à l’assistance médicalisée au suicide et à l’euthanasie volontaire. Ce texte va plus loin que la proposition des députés car il donne aux malades atteints d’une maladie incurable, la garantie de voir leur demande d’euthanasie ou d’assistance médicalisée au suicide prise en considération. Ce texte instaure un testament de vie permettant à la personne de choisir les modalités de médicalisation de sa fin de vie en interdisant notamment le recours à des soins ou des traitements pour la prolonger artificiellement. Ce texte fixe également des conditions précises à respecter pour pouvoir pratiquer une euthanasie et assure la sécurité pénale du médecin et une totale liberté de conscience. En fait, les sénateurs ont pour une grande part repris la « proposition de loi Vincent Humbert » qui, de ce fait, sera peut-être discutée au Parlement.
Quant aux scientifiques et aux médecins notamment, leur avis est également partagé. En témoigne l’évolution de la conception du CCNE qui dans un avis de 1991 s’était montré résolument hostile à toute intervention législative ou réglementaire pour légitimer l’acte de donner la mort à un malade. Puis, en 1998, le CCNE se déclarait favorable à une discussion publique sur le problème de l’accompagnement des fins de vie incluant la question de l’euthanasie. Enfin, il a émis un avis le 27 janvier 2000 selon lequel il se déclare favorable au refus de l’acharnement thérapeutique qui serait une obstination déraisonnable même si il existe un risque de précipiter la mort. Le CCNE unanime condamne l’euthanasie envisagée et effectuée hors de toute forme de demande ou de consentement de la personne ou de ses représentants. Mais, il est favorable à une exception d’euthanasie dans certaines situations de détresse lorsque tout espoir thérapeutique est vain et que la souffrance est insupportable. Il exige alors qu’il existe un consentement du malade ou de sa personne de confiance. Si ces conditions sont réunies, l’euthanasie pourrait alors être pratiquée. Pour autant, elle ne serait pas dépénalisée, il appartiendrait à une commission interdisciplinaire d’apprécier les circonstances exceptionnelles qui ont conduit à arrêter la vie notamment au regard des mobiles qui ont animé le médecin. Quelque soit le chemin choisi, il devient urgent de légiférer pour sortir de la clandestinité les milliers de personnes qui chaque année meurent après une décision de limitation ou d’arrêt des soins voire par injection mortelle. De cette façon, les médecins, les équipes soignantes et les malades et leurs familles pourront trouver toutes les réponses et le soutien nécessaires face à cette dure épreuve. En outre, il semble que la proposition de loi des députés soutenue par le gouvernement soit encore largement hypocrite puisqu’elle permettra de pratiquer des euthanasie sans réellement le dire de sorte que cette pratique ne sera pas véritablement encadrée à la différence de ce qu’ont choisi les autres pays.      

C – Le clonage
Le 23 février 1997, l’Institut Roslin d’Edimbourg annonçait la naissance d’un clone de brebis adulte. Cette nouvelle a soulevé un grand intérêt scientifique et beaucoup d’interrogations éthiques. Face au danger de l’extension de ce clonage reproductif à l’espèce humaine, le Président de la République, Jacques Chirac, a souhaité saisir le Comité consultatif national d’éthique, dès le 27 février. Il souhaitait « s’assurer que le dispositif législatif de notre pays (soit) totalement adapté aux nouveaux champs d’application ainsi ouverts ». Il demandait donc au C.C.N.E. de procéder à une analyse complète du droit positif et de proposer, le cas échéant, des adaptations nécessaires pour éviter tout risque d’utilisation de ces techniques de clonage sur l’homme. 
Il est important de rappeler d’emblée que les réflexions sur le clonage humain ne sont que théoriques puisque le transfert d’un noyau adulte n’est qu’au stade expérimental chez l’animal. La première interrogation que suscite la réalisation animale est, de ce fait, de savoir si on doit l’expérimenter sur l’homme. Le clonage reproductif est présenté comme un moyen d’éradiquer les “mauvais gènes”, appliqué il conduirait alors à un retour de l’eugénisme. Comme chez les ovins ou les bovins, il pourrait servir chez l’homme à reproduire des gènes considérés comme “désirables”. Le clonage, même reproductif, a donc toujours été envisagé à titre curatif. 
  Comme l’a rappelé le C.C.N.E., dans son avis n°54 du 22 avril 1997, il faut d’abord faire une distinction entre le clonage reproductif et le clonage thérapeutique, qu’il soit génétique ou cellulaire. Le clonage reproductif permet de créer un être identique génétiquement à un autre, selon deux méthodes possibles. L’une a déjà été expérimentée : c’est le clonage par division embryonnaire. Il consiste à diviser en deux un embryon conçu par fécondation in vitro, afin de créer volontairement des jumeaux homozygotes. L’autre méthode n’a jamais été officiellement utilisée en Europe sur l’être humain, elle consiste à prélever une cellule adulte sur un individu pour aboutir à un enfant qui serait une copie conforme génétiquement de cet individu. Le clonage thérapeutique est une méthode qui serait utilisée non pas pour obtenir un individu conforme à un autre, mais des lignées de cellules humaines qui seraient ensuite greffées à un individu malade dans le but de le soigner. 
Le transfert de noyaux embryonnaires a permis la naissance de singes annoncée par une équipe américaine en 1997. Si cette technique permet de cloner des singes elle est peut-être proche d’être appliquée à l’homme. La technique la plus spectaculaire reste celle employée pour Dolly, une création de clones par transfert de noyaux de cellules prélevés sur un organisme mammifère adulte. La technique semble même applicable désormais à l’homme. Il reste toutefois un problème de conception, puisque la méthode nécessite de disposer d’un nombre considérable d’ovocytes pour pouvoir multiplier les tentatives. Ce type de reproduction asexuée chez la brebis ne présente qu’un succès pour 300 transferts de noyaux. Comme le précise le rapport du C.C.N.E., ce serait donc des centaines, voire des milliers d’ovocytes humains dont il faudrait disposer pour parvenir à une naissance. Quand on connaît les difficultés rencontrées par les demandeuses d’ovocytes pour une assistance médicale à la procréation, cela ajoute aux difficultés techniques de parvenir à la naissance d’un enfant. C’est aussi pour cette raison que les sectes, comme celle de Raël, qui bénéficie d’un grand nombre d’adeptes prêtes à se sacrifier, peuvent prétendre y parvenir.
La difficulté de l’exécution se cumule aux interrogations qui entourent le résultat. Les dernières nouvelles de Dolly, dispensées par la presse, ont révélé que les cellules de la brebis n’avaient pas le même âge que la brebis elle-même. Elles étaient aussi âgées que la cellule mammaire souche qui avait permis le clonage. Rien ne permet de prouver que ce résultat se retrouverait chez l’homme. Mais, on risquerait alors de reproduire des individus dont les cellules seraient altérées. Cette technique de clonage, si elle était applicable à l’homme, pourrait donc entraîner de nombreuses anomalies. Toutefois, cette méthode n’induit pas les mêmes problèmes éthiques que la division embryonnaire puisqu’il s’agit d’une manipulation de deux cellules prélevées sur des adultes, et non d’œufs fécondés. Les deux cellules utilisées ne peuvent séparément conduire à la naissance d’un être humain. L’interdiction de ce type de clonage ne peut donc pas être basée sur la protection accordée au commencement de la vie, elle ne peut être issue que du respect de l’espèce humaine.
  Le clonage présente plusieurs avantages pour la reproduction. D’abord il permet d’augmenter les chances de grossesse lorsqu’un seul embryon a pu être obtenu in vitro. Lors d’une assistance médicale à la procréation la fécondation des ovules prélevés peut être très délicate, il est important de pouvoir multiplier ces chances en scindant le ou les embryons obtenus, surtout parce que tous les embryons formés ne s’implantent pas correctement dans l’utérus. Cette technique de scission de cellules embryonnaires offre également l’intérêt de faciliter la pratique du diagnostic préimplantatoire. Celui-ci met en péril la survie de l’embryon car il est effectué sur une cellule embryonnaire prélevée au stade d’un développement de huit cellules. La scission permettrait d’effectuer l’analyse sur un embryon et de congeler les autres en attendant le résultat du diagnostic. Ces deux utilisations se limitent donc à faciliter l’assistance médicale à la procréation, elles n’offrent pas une nouvelle technique de procréation artificielle.
En fait, seule la création de clones par transfert de noyaux de cellules prélevées sur un organisme mammifère adulte présente une nouvelle forme de reproduction. Elle ne nécessite pas de relations sexuelles, comme l’assistance médicale à la procréation, et elle n’exige pas, non plus, la rencontre d’une gamète mâle et d’une gamète femelle. C’est donc une forme de reproduction monoparentale. Elle est revendiquée par les hommes stériles pour assurer la perpétuation de leur lignage biologique. En effet, la F.I.V. et l’I.C.S.I. ont permis de repousser la limite de l’infertilité masculine mais celle-ci ne peut pas toujours être palliée par une I.A.D. Dans ce cas, la lignée biologique du père n’est pas transmise. Cette rupture de l’héritage biologique se retrouve également lors d’une stérilité féminine qui nécessite un don d’ovule. D’autre part, les enquêtes menées par les psychologues tendent à prouver que le père vit le recours au don de sperme comme une blessure s’ajoutant à celle de l’infertilité. L’enfant peut également être déstabilisé lorsqu’on lui apprend que son père social n’est pas son géniteur. Le clonage permettrait de contourner ces difficultés engendrées par l’assistance médicale à la procréation avec donneur. Il peut également permettre la procréation homosexuelle, cependant celle-ci étant majoritairement interdite par voie de F.I.V., elle ne serait sans doute pas acceptée par clonage.
Le clonage peut aussi préserver une lignée biologique qui va s’éteindre parce que l’individu n’aura jamais l’occasion de se reproduire. C’est le cas notamment pour un enfant sur le point de mourir. Ses parents peuvent vouloir reproduire à l’identique l’enfant dont ils sont privés. On peut aussi envisager de vouloir sauver la lignée cellulaire d’une personne “exceptionnelle”, comme M. Moore dont la lignée cellulaire présentait tant d’intérêt, mais aussi Mozart ou Einstein. Cet aspect du clonage est tout à fait surréaliste car le clonage ne permet pas de reproduire des individus identiques. L’identité génétique chez les vrais jumeaux n’induit pas une identité phénotypique complète. Les études menées démontrent que les traits cognitifs et comportementaux des jumeaux monozygotes ne sont en corrélation qu’à 50 %, contre 25 % chez les jumeaux hétérozygotes et 11 % chez les enfants élevés ensemble. Cette dissemblance limite également l’intérêt du clonage animal pour le rendement ou la qualité puisqu’il n’assure pas de retrouver à 100 % les mêmes caractères chez les clones. Les variations s’élèvent jusqu’à 30 %. L’utilisation du clonage pour reproduire des individus à l’identique serait non seulement une réduction de l’être humain à son génome mais également une réification inacceptable.
Il ne s’agit que de fiction pour le moment, mais l’on sait maintenant que le clonage d’être humain peut être réalisé. Toutefois, dès l’annonce de la naissance de Dolly des mesures nationales comme internationales ont été prises pour interdire ces pratiques. L’avis du C.C.N.E. a d’ailleurs insisté sur l’importance de mener un débat éthique « le plus possible en amont des recherches envisagées pour prévenir les faits ». Le clonage reproductif soulève sur ce point beaucoup plus de réticences que le clonage thérapeutique. Il est dénoncé comme remettant en cause le sens de l’humanité, de l’identité individuelle et de l’unicité.
Le clonage reproductif présente d’abord une remise en cause de notre conception de personne humaine. Cette nouvelle technologie de reproduction est déshumanisante car elle est basée sur le caractère interchangeable de l’être humain. Un enfant contient normalement la moitié du patrimoine génétique de sa mère et la moitié de celui de son père et non la copie conforme de l’un ou de l’autre. De même, cette technique de reproduction entraîne une perte des repères générationnels puisque « l’individu né d’un clonage serait à la fois le descendant d’un adulte et son jumeau ». Il se pose d’abord un problème de repères temporels entre l’adulte et l’enfant disposant du même génome. De plus, le clonage reproductif pourrait transformer tous les repères familiaux établis dans les sociétés occidentales, c'est-à-dire une conception unitaire et biparentale de la filiation. Le clonage est donc plus proche d’une prolongation de sa lignée cellulaire dans le temps que d’un mode de reproduction. La connaissance de son mode de création pourrait ainsi avoir un impact psychologique important sur le clone. On pourrait alors créer une situation de détresse psychologique telle que l’enfant issu du clone puisse être en droit de revendiquer un droit à ne pas naître. Enfin, comme toutes les manipulations génétiques, le clonage reproductif présente des risques pour l’écosystème. Il pourrait notamment conduire à un important appauvrissement de la diversité génétique des êtres humains. Les manipulations pourraient également produire des malformations et on ne connaît pas à long terme les effets psychologiques du clonage, ni si les clones seraient à même de se reproduire “naturellement” sans entraîner des tares génétiques. Finalement, le clonage reproductif présente d’importants risques génétiques, psychologiques et sociologiques ; c’est pourquoi il a rapidement été entouré d’importantes mesures de restriction, voire d’interdiction.
L’effroi soulevé par la naissance de Dolly a conduit les pouvoirs publics à s’interroger sur la nécessité de prendre de nouveaux textes pour assurer la protection de l’espèce humaine. Mais, dans la plupart des pays, les textes déjà en vigueur assuraient déjà cette protection. C’est, par exemple, le cas des articles 16 à 16-9 du Code civil français. La Confédération helvétique bénéficiait, elle, d’une protection constitutionnelle du patrimoine génétique humain, l’article 24 novies, 2 a, de la Constitution fédérale assurant que « les interventions dans le patrimoine génétique des gamètes et d’embryons humains ne sont pas admissibles ». Mais, d’autres textes plus généraux, comme ceux encadrant la recherche médicale au Danemark, les textes sur la recherche sur les gamètes et les embryons en Allemagne, aux États-Unis et en Suède ou encore les textes sur les procréations médicalement assistées en Autriche, en Espagne et au Royaume–Uni posent des limites à la pratique du clonage. En l’absence de textes législatifs spécifiques, des recommandations, des avis ou des normes professionnelles peuvent placer les bornes de la recherche sur embryon. Le problème restait de savoir si ces textes s’appliquaient bien au clonage reproductif, autre que la scission embryonnaire. De plus, si le clonage reproductif devait être interdit, le clonage thérapeutique pouvait être envisagé sous certaines conditions.
C’est dans le cadre du Conseil de l’Europe et du Parlement européen qu’ont été votés les premiers textes relatifs au clonage, et ce, bien avant 1997. Dès 1986 , la recommandation 1046 de l’Assemblée parlementaire avait invité les États à interdire « la création de jumeaux identiques par clonage (…) à des fins de sélection de la race ou non ». En 1989, c’est le C.AH.B.I. (Comité ad hoc d’experts sur la bioéthique) qui avait expressément conseillé de formuler cette interdiction. Le Parlement européen a suivi la même position en 1989 et en 1993. Il a, de plus, réaffirmé cette interdiction dans une résolution du 12 mars 1997. La Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine, adoptée en novembre 1996, ne contient pas explicitement d’interdiction du clonage mais elle est implicitement comprise dans l’article 13.
Cependant, la Convention a été complétée par un protocole, le 12 janvier 1998, qui est à présent le seul instrument juridique international contraignant, du moins pour les dix-sept pays du Conseil de l’Europe qui l’ont signé. Ce protocole se limite a prévoir qu’ « est interdite toute intervention ayant pour but de créer un être humain génétiquement identique à un autre être humain, vivant ou mort ». Le rapport explicatif au protocole additionnel explique que le Conseil de l’Europe « ne prend pas de position spécifique sur l’admissibilité du clonage des cellules et des tissus à des fins de recherche aboutissant à des applications médicales ». Le clonage n’est donc pas complètement exclu par les institutions européennes, s’il n’est pas reproductif. Le G.C.E.B. (Groupe de conseillers en éthique et biotechnologie de la commission européenne) a d’ailleurs précisé, dans son avis du 28 mai 1997, que le clonage animal est porteur d’utilisations potentielles extrêmement positives dans le domaine de la médecine et de la recherche médicale : amélioration des connaissances génétiques et physiologiques, réalisation de modèles de maladies humaines, production à un moindre coût de protéines, constitution de banques d’organes ou de tissus servant à des xénogreffes.
Au-delà de ces textes internationaux, la plupart des pays ont interdit le clonage par référence aux textes généraux qui interdisent de manipuler le patrimoine génétique, la recherche sur l’embryon ou sur les gamètes. Mais en Allemagne, en Australie, au Canada, au Danemark et en Espagne, l’interdiction du clonage reproductif est explicite. Seule l’Espagne interdit le clonage quel que soit le procédé utilisé, les autres textes prohibent la scission embryonnaire et beaucoup plus rarement le transfert de noyaux cellulaires. Les États-Unis n’ont pris aucune mesure pour interdire le clonage. Pourtant face à la volonté annoncée du physicien Richard Reed de cloner des êtres humains, le président Bill Clinton avait demandé au Congrès de prendre un texte contraignant. En mars 1997, il a, d’autre part, interdit que des fonds fédéraux puissent être consacrés à des expériences sur le clonage. Le Sénat n’a pas suivi la volonté du Président, puisqu’il a définitivement rejeté la proposition de loi d’origine républicaine interdisant définitivement tout clonage humain. Seul l’État de Californie a prohibé le clonage humain ainsi que la manipulation et le commerce d’embryons. La Chambre des représentants, à majorité républicaine, a adopté en juillet 2001, le Human Cloning Prohibition Act, interdisant toutes formes de clonage humain, à des fins reproductives ou thérapeutiques.
  En France, aucun texte spécifique n’a été pris sur le clonage avant 2004. Le Conseil d'État a rappelé, dans son rapport public de 1998, qu’ « il ne fait aucun doute que l’article 16-4 du Code civil contient déjà, dans sa rédaction actuelle, une interdiction de jure du clonage reproductif car celui-ci porte évidemment atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine et constitue une transformation des gènes dans le but de modifier la descendance de la personne, toutes choses formellement prohibées ». Toutefois, le C.C.N.E., à des fins pédagogiques, s’est montré favorable à la clarification des textes. Plusieurs propositions de loi sur l’interdiction du clonage ont été déposées en 1997. La réactualisation des lois de 1994 a donc conduit à préciser explicitement cette interdiction.
La loi du 6 août 2004 pose des interdits en matière de clonage mais elle soulève aussi des interrogations en raison de son volet répressif. La nouvelle loi prohibe explicitement le clonage reproductif humain après l’avoir défini comme « toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée ». L’interdit est formulé dans le nouvel article 16-4, alinéa 3, du code civil et réitéré dans le nouvel article L. 2151-1 du code de la santé publique. Il inscrit la loi française dans le prolongement des textes internationaux. La loi interdit également le clonage humain thérapeutique mais cette interdiction n’est formulée que dans le code de la santé publique. Le texte interdit en effet « toute constitution par clonage d’un embryon humain à des fins thérapeutiques ». Le même procédé est interdit « à des fins de recherche ». En termes de répression, la nouvelle loi consacre une distinction introduite par le Sénat entre le clonage humain reproductif et le clonage humain thérapeutique :
Répression du clonage humain reproductif : la loi élargit le titre du code pénal jusqu’alors relatif aux crimes contre l’humanité pour y ajouter une nouvelle catégorie : les « crimes contre l’espèce humaine ». C’est dans cette catégorie que s’insère le crime de clonage reproductif (articles 214-1 à 214-4 et 215-1 à 215-4 du code pénal). Ainsi, le « fait de procédé à une intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée est puni de trente ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 euros d’amende ». L’obtention effective d’une naissance n’est pas exigée pour qualifier le fait criminel, ce qui importe c’est l’intention spéciale de l’auteur tendue vers le but de faire naître un enfant par clonage. La prescription de l’action publique pour un tel acte se trouve entre l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et la prescription décennale des crimes de droit commun. Le délai de prescription de l’action publique en matière de crime contre l’espèce humaine est portée à trente ans. ce délai ne commence à courir, en cas de clonage reproductif ayant conduit à la naissance d’un enfant, qu’à compter de la majorité de l’enfant (article 215-4 du code pénal). Le délai de prescription des poursuites est donc au minimum de 48 ans à compter de la naissance de l’enfant si cette naissance a été obtenue, mais de 30 ans si tel n’est pas le cas, à compter de la réalisation de l’intervention.
Répression du clonage humain reproductif : la loi n’incrimine cette forme de clonage que comme délit en matière d’éthique biomédicale : « le fait de procéder à la constitution par clonage d’embryons humains à des fins thérapeutiques est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende » (article 511-18-1 du code pénal). Le même fait commis à des fins de recherche est également incriminé comme délit et puni des mêmes peines (article 511-18 du code pénal).
Une telle différence de traitement pénal entre le clonage reproductif et le clonage thérapeutique peut laisser dubitatif. En effet, dans un as comme dans l’autre le procédé technique est le même, c’est d’ailleurs pour cette raison que le clonage thérapeutique est interdit par le législateur français car sa maîtrise pourrait conduire au clonage reproductif. Seule la finalité change selon le type de clonage. Ce qui est singulier dans le clonage reproductif, c’est que le crime, s’il se réalisait, serait d’avoir fait ou voulu faire venir à la vie une victime qui serait nécessairement considérée comme un membre de l’espèce humaine. C’est bien là tout le paradoxe de la situation : traiter comme membre de l’espèce humaine celui dont la vie résulterait d’une manipulation génétique attentatoire à l’espèce humaine… On peut aussi se demander si le fait que la loi réserve un traitement pénal si différent au deux types de clonage n’a pas pour but de marginaliser le clonage reproductif pour faciliter une possible légalisation à l’avenir du clonage thérapeutique… Les derniers texte votés à l’Onu vont dans ce sens. En effet, la session de la sixième commission de l’Assemblée générale de l’ONU, chargée d’élaborer une convention internationale interdisant le clonage humain, s’est achevée le vendredi 19 novembre 2004 sans parvenir à trouver un accord sur le texte de cette convention. La communauté internationale est restée divisée entre les partisans de l’interdiction de toute format de clonage (reproductif et thérapeutique) derrière le Costa Rica suivi par 62 pays (dont les États-Unis) et les partisans de l’interdiction du clonage reproductif uniquement derrière la Belgique suivie par 22 pays (dont la France et le Royaume-Uni). L’Italie a alors proposé un projet de résolution qui invite les Etats membres à « interdire toute tentative de créer la vie humaine par le clonage et toute recherche visant à y parvenir ». On ne sait pas encore si ce texte sera contraignant pur les Etats. Finalement, la commission a décidé de créer un groupe de travail chargé d’élaborer une « déclaration des Nations Unies sur le clonage » sur la base du texte italien. Les discussions reprendront en février.


12 février 2007

Droit Civil L2 S4

Droit civil des OB° 2° année 2° semestre    

Partie préliminaire : Les quasi-contrats

Il n’y a pas de théorie générale des quasi-contrats dans le Code Civil. Ils sont traités très accessoirement aux art.1371 et s. du cc. Ce sont des engagements sans conventions. Le Code civil ne traite que de la gestion d’affaire et du paiement de l’indu, mais il en existe un troisième qui est l’enrichissement sans cause, découvert par la jurisprudence à la fin du 19°S. Un quasi-contrat est un fait licite volontaire d’où découle des OB°. L’article 1371 cc l’indique assez clairement : « Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ». A la différence du contrat, le quasi-contrat ne résulte pas d’un accord de volonté. Il y a un simple fait à l’origine du quasi-contrat. C’est surtout un contrat sur le plan de son régime et non pas dans sa formation. Ce qui fonde l’OB° c’est l’avantage donné à autrui. Il faut donc rétablir l’équilibre entre les patrimoines (ex : si quelqu’un a passé du temps à préserver votre maison en votre absence, il est normal de le récompenser, de le dédommager du service rendu.

Chap. 1 : La gestion d’affaire (GA)

        1/ Définition de la GA : elle existe lorsqu’une personne « le gérant » (qui n’est pas tenu, par un mandat, par la L ou par un jugement, de faire quelque chose) a conclu un acte dans l’intérêt et pour le compte d’un tiers "le maître de l’affaire". Dans cette définition, une personne sans en être chargée va accomplir un acte. Il faut que cette personne ait fait cet acte spontanément. L’altruisme pur n’existe pas dans les quasi-contrats. Il s’agit quand même d’indemniser le gérant. La GA est en plein développement notamment dans les relations personnelles, dans les relations professionnelles et également dans les relations de jeux et entre consommateurs.
        2/ Fondement de cette GA : on trouve plusieurs idées :
Il y a un principe d’équité car le maître de l’affaire s’est enrichit et donc il est normal que ce dernier indemnise le gérant.
Du côté du gérant, il faut encourager l’entraide et donc récompenser ce gérant.
Cependant, il faut éviter l’immixtion intempestive des personnes dans les affaires qui ne les regardent pas.

Section 1 : Les conditions de la gestion d’affaire

Il y a deux conditions principales qui sont :
L’intention
L’utilité

Paragraphe 1 : L’intention de gérer les affaires d’autrui

La loi et la jurisprudence ont d’abord posé un principe. La jurisprudence a très tôt établit ce principe : il faut un élément intentionnel.
Mais il existe des problèmes liés à cet élément intentionnel :
1 ère hypothèse : le gérant ignore qui est la personne pour qui il exerce cet acte : ici, la jurisprudence estime que l’intention est quand même constituée.
2e hypothèse : le gérant n’a qu’une intention partielle, il s’occupe en même temps de ses propres affaires. L’intention n’est pas purement altruiste : ici, la Cour de Cassation a quand même reconnu l’élément intentionnel de la GA.
3e hypothèse : un gérant n’a pas conscience de gérer les affaires d’autrui ou pense que c’est à lui. Là, il n’y a pas d’intention de gérer les affaires d’autrui.
Dans ces conditions, on exige également la capacité du gérant, la GA requiert la capacité du gérant : c une conditions pour former l’intention de gérer les affaires d’autrui.
La jurisprudence a placé des exceptions à ce principe. On parle de GA intéressée, dans lesquelles l’intention du gérant est absente (ex 1 : une personne a acheté un immeuble, cet acquéreur fait des réparations urgentes mais sa vente est annulée. Donc l’immeuble retourne au vendeur. Les juges accordent une indemnité à l’acquéreur de l’immeuble sur le principe de la GA, alors même qu’il n’y avait pas d’intention de gérer les affaires d’autrui ; ex 2 : en matière d’indivision, on a plusieurs propriétaires d’un même bien. Si un des co-indivisaires fait un acte qui bénéficie aux autres, on le traitera comme un gérant d’affaire). Les juges, dans la gestion d’affaire intéressée, raisonnent + sur l’utilité de la gérance que sur l’élément intentionnel.
L’étendue de l’intention de gérer : Que décider si le gérant est animé d’une intention libérale c à d l’intention de donner sans contre partie ? Si le gérant avait une intention libérale, on ne peut pas le considérer comme un gérant d’affaire.
Que décidait quand le gérant est tenu d’agir ? La GA doit être spontanée. Donc la jurisprudence estime qu’il n’y a pas gérant d’affaire.
Quand on envisage la spontanéité, cela pose quelques problèmes :
Quelle est la différence entre spontanéité et OB° naturelle ? L’OB° naturelle n’a pas de caractère obligatoire et donc la GA va rester spontanée. Par ex : un ami vous rend service, cela n’enlève pas le côté spontané de la GA. Mais en k d’OB° alimentaire, il n’y a pas de GA.
Quelle est la différence entre spontanéité et OB° naturelle ? Dans certains cas, on est obligé de porter secours. En matière d’assistance maritime, il existe une OB° d’assistance quel que soit le risque. Il y a une OB° d’aider donc pour les juges il n’y a pas de GA. En revanche, pour le sauvetage des biens en mer, ici ce n’est pas obligatoire donc il y a la place pour la GA. Sur le domaine terrestre : en DP, il existe un délit de non assistance à personne en danger. Il y a spontanéité car vous ne devez porter secours à une personne que s’il n’y a pas de danger pour vous. Lorsqu’il y a danger pour vous et pour autrui, il y a GA car vous n’êtes pas tenu d’agir. Pour les conventions d’assistance et les collaborateurs bénévoles des SP, les juges ont tendance à ne pas constater la spontanéité.

Paragraphe 2 : L’utilité de la gestion   

    En son absence, on retombe sur une responsabilité extracontractuelle. Cette condition est si importante qu’elle a fait l’objet d’une évolution de la jurisprudence afin de canaliser le développement de la GA. La jurisprudence s’en sert pour dire stop. C’est la condition qui délimite le champ de l’altruisme. En même temps, pour le juge, il y a la possibilité de retenir la GA dans des domaines où la GA n’était pas vraiment désintéressée. Ça permet d’étendre le champ de la GA.

Dans la GA désintéressée (ou classique)

    Dans cette hypothèse, on a une intention altruiste. Les juges vont apprécier l’utilité de façon relativement souple pour ne pas décourager l’intervenant. Les juges se placent au moment où l’acte de la GA a été passé pour apprécier son utilité. Les conséquences ultérieures de cet acte ne sont pas prises en compte par les juges. Quand les gens se désintéressent de leurs biens, l’utilité s’apprécie in concreto, il y a donc possibilité d’une gestion utile. C’est l’hypothèse où le propriétaire est présent et consent à l’intervention du gérant. Il y a ici contrat et non + GA.

Dans la GA intéressée

    Dans cette hypothèse, tout repose sur l’utilité. Les juges vont retenir une utilité objective. Il faut une incontestable utilité. On retrouve cette jurisprudence au niveau des réparations. Les juges vont vérifier les résultats obtenus au profit du maître. La Cour de Cassation en chambre mixte dans un arrêt du 06/09/2002 a admis la GA au profit des victimes des loteries publicitaires qui promettent des gains qui ne sont pas versés. S’agissant d’un arrêt de la chambre mixte, la décision est transversale à plusieurs branches du droit. C’est un arrêt de principe. La pratique de ces loteries est ennuyeuse lorsque la lettre n’est pas claire et que l’on croit avoir réellement gagné les sommes dites. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation nous dit qu’il s’agit d’un quasi-contrat. Cette affaire met en présence un consommateur qui a reçu une lettre lui disant qu’il avait gagné un lot de + de 100.000 Frs à condition qu’il renvoi le bon de validation. Il renvoya ce bon mais ne reçu rien. Il est donc allé devant le tribunal avec une association de consommateurs. Les juges du fond lui accordèrent 5000 Frs de réparation et 1 Frs symbolique à l’association. La Cour de Cassation, en chambre mixte, casse l’arrêt d’appel au visa de l’art. 1371 cc : « attendu que […] l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain à une personne sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer. ». C un arrêt qui a surpris tout le monde car avant la Cour de Cassation avait hésité à donner gain de cause aux consommateurs entre le contrat et le non contrat. Jusqu’à présent, personne n’avait pensé à invoquer la notion des quasi-contrats puisque depuis près de 2 siècles elle préférait cantonner le rôle du quasi-contrat aux hypothèses prévues par la loi. On pense qu’avec cet arrêt, on donne une place + importante aux quasi-contrats. En France, on vit sur des textes d’avant guerre et donc inadaptés aux techniques commerciales d’aujourd’hui.
Sur le plan de la GA, il existe 2 grands types de GA :
- la GA désintéressée.
- la GA intéressée où le gérant est partie prenante à celle-ci. L’arrêt du 06/09/2002 se rattache à la GA intéressée car il n’y a pas de volonté de rendre service. Dans l’arrêt, le gérant serait le consommateur et le maître de l’affaire serait le professionnel. Mais c’est difficile à justifier. Dans la GA, le fait spontané émane du créancier. Or, dans notre affaire, où se situe le fait du consommateur ? Ici, le fait émane du maître de l’affaire c à d du débiteur (le professionnel). On a une inversion complète de la personne qui est normalement à l’origine du quasi-contrat. A l’évidence cet acte ne peut pas être désintéressé. Apport de l’arrêt : le quasi-contrat et la GA trouvent désormais leur fondement aussi dans les faits volontaires accomplis par une personne dans son propre intérêt lorsqu’elle a crée une espérance légitime de gain dans l’esprit d’autrui. Ici, il y a sanction de celui qui promet mais qui ne respecte pas sa promesse. Dans cet arrêt, il y a une nouvelle condition posée par la Cour de Cassation. Elle établit dans son attendu de principe « le professionnel doit rendre le bien s’il n’a pas mis en évidence l’existence d’un aléa ». Si le professionnel met en évidence l’existence d’un aléa, il ne devra pas payer. La plupart des commentateurs de cet arrêt disent qu’il s’agit d’un arrêt de principe qui pourrait permettre l’élargissement des quasi-contrats comme la convention d’assistance bénévole.

Section 2 : Les effets de la gestion d’affaire

On va se rendre compte que le quasi-contrat est un contrat.

Paragraphe 1 : Les rapports du maître avec les tiers

L’article 1375 cc dispose que « le maître, dont l’affaire a été bien administrée, doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l’indemniser de tous les engagements personnels qu’il a pris et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites ». On est en présence ici de la théorie de la représentation en droit c à d le fait pour un mandant d’être engagé par les actes fait par le mandataire en son nom et pour son compte. C’est le maître de l’affaire qui sera réputé débiteur.

Paragraphe 2 : Les rapports du gérant avec les tiers

     Le principe est inverse. Le gérant n’est pas lié avec le tiers. Toutefois, lorsque le gérant est en faute, il engage sa responsabilité et donc peut être redevable envers les tiers. Dans l’hypothèse où le gérant a agit pour son compte, il sera responsable envers les tiers.

Paragraphe 3 : Les rapports entre le gérant et le maître

Il y a des OB°. Comme c’est un quasi-contrat, il y aura des OB° juridiquement sanctionnées et réciproques. Elles sont soumises au droit commun comme pour la prescription qui est de 30 ans.

Le gérant vis-à-vis du maître

Il existe 3 OB° principales.

L’OB° de gérer intégralement

Rien n’oblige le gérant à intervenir. Mais s’il le fait, il doit aller jusqu’au bout. Si la GA est partielle, le gérant engagerait sa responsabilité comme le dispose l’art. 1373 cc « il est obligé de continuer sa gestion, encore que le maître vienne à mourir avant que l’affaire soit consommée, jusqu’à ce que l’héritier ait pu en prendre la direction ». Le gérant doit gérer jusqu’au bout de sa gestion tellement que si la mort intervient, les héritiers devront continuer la gérance.

L’OB° de gérer soigneusement

Il faut gérer comme si c’était pour soi même. Si on fait une gestion avec négligence, on pourra être sanctionné. L’art. 1374 cc dispose « il est tenu d’apporter à la gestion d’affaire tous les soins d’un bon père de famille. Néanmoins les circonstances qui l’ont conduit à se charger de l’affaire, peuvent autoriser le juge à modérer les dommages et les intérêts qui résulteraient des fautes ou des négligences du gérant ». On a ici un rappel au concept de bon père de famille. La loi fait allusion à des circonstances qui exonèrerait le gérant tel que la force majeure. Il ne faut pas confondre la faute de gestion avec la condition d’utilité de la gestion.

L’OB° de rendre des comptes

Une fois que l’on a agit dans l’intérêt d’autrui, on doit tenir un état des frais engagés et des résultats obtenus. C’est sur cette base que l’on pourra se rendre compte de la bonne gestion, c’est aussi le moyen d’obtenir une indemnisation du gérant.

Le maître vis-à-vis du gérant

Il existe 2 hypothèses.
        1/ Hypothèse générale : le maître n’a pas à ratifier (opération par laquelle le maître va approuver les actes du gérant) l’action du gérant. C’est la loi qui oblige le maître à rembourser. L’OB° du maître découle de l’utilité et de la nécessité de la gestion. Cela exclut les dépenses inutiles et somptuaires.
        2/ Hypothèse particulière : ratification par le maître des actes du gérant. Le maître a approuvé après coup les actes du gérant. La ratification devient nécessaire quand la gestion est inutile c à d quand elle n’apporte pas de profit au maître. Cette ratification, dans ce cas, sauve la GA inutile et régularise la situation. En ratifiant l’opération, on crée un mandat et donc on crée un contrat. C’est un mandat donné rétroactivement. La ratification peut être donnée de façon tacite, ce qui peut poser des PB.

Chap. 2 : Le paiement de l’indu

        Il est prévu par l’art. 1235 al.1 cc qui dispose : « tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition ». Les art. 1376 et s du cc vont régir cette action en remboursement. Celui qui a payé indûment est le solvens. Celui qui a reçu le paiement est l’accipiens.
        1/ Fondement : le contrat qui se rapproche le plus c’est le prêt. C’est l’idée de prêt qui va éclaircir ce quasi-contrat. Un paiement indu qui n’a pas de cause doit être annulé (théorie de la cause). On retient plus la théorie de l’enrichissement sans cause. C’est l’hypothèse où l’on reçoit un virement bancaire auquel on n’a pas le droit, l’organisme payeur peut faire une action en répétition.
        2/ Conditions : le solvens doit prouver que le paiement fait était indu. Le paiement c’est le versement d’une somme. Cela peut désigner aussi l’exécution d’une prestation quelle que soit sa nature. Le paiement de l’indu doit être prouvé : la difficulté réside dans la multiplicité des hypothèses :
Indu objectif : c’est quand la dette n’existe pas ou n’existe plus. C’est aussi quand le solvens a trop payé.
Indu subjectif : la dette existe mais il y a eu une erreur sur la personne du créancier ou du débiteur. Elle n’existe pas entre les rapports du solvens et de l’accipiens mais elle existe pour un des protagonistes.
Cas particulier : la jurisprudence estime qu’il n’y a pas d’indu lorsque le solvens s’est acquitté d’une OB° naturelle. De +, la jurisprudence refuse l’indu d’une dette non encore échue ; il en est ainsi lorsque le paiement découle d’une libéralité d’une transaction. L’indu subjectif est donc parfois refusé en action en répétition de l’indu.
        Le paiement de l’indu exige-t-il une erreur ? Si le solvens ne démontre pas qu’il s’est trompé, il n’y a pas d’action. Lorsque le paiement a été fait en connaissance de cause, le solvens a agit pour intention libérale donc on maintient la dette. Si le paiement a été fait sur la base d’une erreur, il est normal que le solvens obtienne la restitution des fonds qu’il a versé. Les juges, pendant longtemps, ont exigé que le solvens prouve son erreur. A la suite d’un important arrêt d’Assemblée Plénière du 2/04/93, la Cour de Cassation distingue 2 situations :
Situation générale : il s’agit des cas où l’accipiens n’était pas créancier (soit la dette n’existe pas, soit le solvens était débiteur d’une autre personne), la Cour de Cassation estime que l’erreur n’est pas une condition, la seule condition est le paiement de l’indu. Son droit au remboursement découle du paiement de l’indu. « le solvens est en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d’en obtenir la restitution ». C’est l’art. 1376 cc qui fonde la décision de la Cour de Cassation : « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».
2e situation : l’accipiens est bien le créancier (art. 1376 cc), le solvens devra prouver son erreur pour obtenir répétition. L’erreur est exigée pour obtenir répétition quand l’accipiens est créancier. L’art. 1377 cc fonde également la décision de la Cour de Cassation : « lorsqu’une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier ».
        Cette condition de l’erreur est désormais éclaircit grâce à ces deux hypothèses. Cependant certains auteurs préfèrent retenir l’erreur dans toutes les hypothèses. La doctrine a tendance à mettre en avant que seul l’erreur simple du solvens pouvait justifier l’action en répétition alors que l’erreur inexcusable devrait l’en empêcher. La Cour de Cassation a répondu qu’en principe la faute du solvens qui n’a pas pris de précaution dans son paiement et qui a payé un accipiens n’a pas le droit à l’action en répétition. Mais exceptions, toutefois dans des cas où la faute n’était pas énorme les juges reconnaissent l’action en répétition. Les juges disposent que l’accipiens a la possibilité de faire une demande reconventionnelle sur la base de l’art. 1382 cc parce que la faute du solvens cause un dommage à l’accipiens en l’obligeant à restituer.

Chap. 3 : L’enrichissement sans cause (ESC)

        Ce quasi-contrat est né de l’arrêt BOURDIER de 1892. Dans cet arrêt, on ne pouvait pas invoquer la GA ni le paiement de l’indu alors qu’une personne s’était enrichie et qu’une autre s’était appauvrie. La Cour de Cassation va créer l’action de in rem verso (action en restitution de la chose). Cette action a pour but de restituer la plus value. Elle estime que cette action dérivant d’un principe d’équité qui défend de s’enrichir au profit d’autrui. L’action n’était soumise à aucune condition, ce qui était assez dangereux. La jurisprudence, depuis 2 siècles, a cantonné l’action et a ajouté des conditions juridiques. Aujourd’hui, à côté de la GA, plus ouverte et plus idéaliste, l’ESC repose sur une base plus matérialiste.

Section 1 : Conditions

Paragraphe 1 : Un déplacement de valeur

        Il s’agit de constater l’appauvrissement et l’enrichissement de 2 personnes corrélativement. La conception est large, la jurisprudence ne s’arrête pas à la valeur pécuniaire des choses. On ne se contente pas de la perte monétaire du côté de l’appauvri, on parle aussi de perte de temps… Les juges doivent vérifier qu’il y a un déplacement de valeur entre les patrimoines. La difficulté réside dans l’existence du patrimoine d’un tiers par lequel l’appauvrissement ou l’enrichissement transite.

Paragraphe 2 : Absence de faute de l’appauvri

        Il ne doit pas y avoir de faute de l’appauvri. Les juges étaient unanimes :
Pas de faute = ESC ; Faute = pas d’action de in rem verso. Petit à petit, les vues ont divergé suivant les différentes chambres de la Cour de Cassation. La question n’est toujours pas tranchée entre les chambres civiles et la chambre commerciales.

Paragraphe 3 : Absence d’intérêt personnel de l’appauvri

        La jurisprudence estime, ici, que l’appauvri a agit à ses risques et périls dans son intérêt personnel, il ne mérite donc pas l’action de in rem verso. Par ex, une personne, propriétaire d’une maison, fait des travaux d’électricité pour l’améliorer. En faisant ces travaux, le voisin en profite. Action de in rem verso ? La jurisprudence a dit non car avantage pour l’appauvri.

Paragraphe 4 : Absence de cause de l’enrichissement

        La raison d’être de l’action de in rem verso réside dans le caractère injuste de cet enrichissement. Il est cependant délicat de retenir un enrichissement purement injuste. Il n’est pas contraire au droit de vendre plus cher quelque chose. Seul l’ESC sera sanctionné. A contrario, dès lors que l’enrichissement a une cause juridique, l’ESC sera fermé.
1 ère hypothèse : l’enrichissement résulte d’un acte juridique (un contrat, un acte administratif…), il n’y a pas d’ESC. Par ex, dans l’arrêt BOURDIER, il y avait un contrat entre le propriétaire et le fermier, il n’y a donc pas d’ESC.
2e hypothèse : lorsque l’acte résulte de l’application de la loi, il n’y a pas d’ESC.

Paragraphe 5 : La subsidiarité de l’action de in rem verso

        Cette dernière condition est une condition majeure. Ex : un immeuble est vendu à un prix très bas, ce qui permet à l’acquéreur de s’enrichir. Le vendeur qui s’en est rendu compte veut agir contre l’acquéreur en action d’ESC. Dans l’absolu, il aurait pu agir sur le fondement de l’ESC. Mais la jurisprudence estime qu’il existe dans ce cas une action avant celle de in rem verso qui est celle de récision pour cause de lésion. L’appauvri ne doit pas pouvoir obtenir ce qui lui est dû au moyen d’une autre action en justice découlant soit de la loi soit d’un délit. Ce n’est que s’il n’y a pas d’autres actions, qu’on pourra utiliser l’action de in rem verso. La jurisprudence a estimé que l’action de in rem verso ne doit pas servir pour contourner la loi telle que la notion de prescription. Mais il existe des hypothèses où dans un premier temps l’action de in rem verso n’est pas possible mais après un changement de fait durant la procédure peut permettre d’agir sur le fondement de l’action de in rem verso.

Section 2 : Effets

        L’objectif est de rétablir un équilibre entre les patrimoines. Il existe donc des limites aux effets :
1 ère limite : L’enrichit n’est tenu de rembourser que dans la limite de son enrichissement et de l’appauvrissement du créancier. Toutefois, les juges sanctionnent l’accipiens qui était de mauvaise foi c à d celui qui connaissait que l’enrichissement n’avait pas de cause. Les juges retiennent que l’enrichit peut être tenu au-delà de son enrichissement en faisant notamment courir les intérêts. Les juges ont également retenu le fait que l’enrichissement s’apprécie le jour de l’enrichissement et si celui-ci existe encore.
2e limite : L’appauvrissement du créancier fonctionne comme une seconde barrière. Il ne peut pas réclamer plus que l’appauvrissement subit. Pour apprécier l’appauvrissement, les juges se placent à la date de la dépense. Lorsque les sommes sont différentes, les juges retiennent la dépense la plus faible des deux sommes.   

1° partie : La RESP civile extracontractuelle

Introduction Générale

        C sans doute la branche du droit qui a fait l’objet des évolutions les + fortes de notre système juridique. Son importance économique et sociale n’est + à démontrer dans une société industrielle, dans une société du risque qui est la notre puisque l’on en voit des exemples quotidiennement. Le besoin de réparation comme le besoin de sécurité n’a jamais été aussi fort, cela provoquant parfois même des excès (cf. la jurisprudence américaine). Tout ce phénomène soulève le PB du financement de cette réparation (qui va payer la réparation des préjudices ?) et comment maintenir cette indemnisation dans la sphère de la responsabilité c à d dans la prise en compte des fautes qui ont permis ces accidents.

1/ Les principes de la responsabilité civile

        Définition : C’est l’ensemble des règles juridique qui ont pour objet de substituer l’attribution juridique à une attribution matérielle d’un dommage causé à une personne ou à ses biens par autrui. Il y a toujours un dommage, un accident. Ce préjudice, il faut le mettre en équation juridique. Comment mettre ce fait en équation juridique ? L’attribution juridique va permettre de désigner la personne qui va supporter financièrement la réparation. Le droit va s’appuyer sur la faute mais on peut également fonder la responsabilité sur le risque. Ce système n’est viable que si un professionnel (l’assureur) s’engage par un contrat à indemniser les victimes. La responsabilité peut être définit comme une OB° juridique de réparer le dommage que quelqu’un cause à autrui car il a contribué à sa réalisation par sa faute, son activité. La responsabilité c’est l’OB° de répondre de ses actes que l’on pose librement. Le droit intervient pour obliger les gens à répondre de leurs actes. En 1804, le droit de la responsabilité tenait en 3 ou 4 articles très généraux. Aujourd’hui encore, il y a très peu de dispos dans le code. Mais il y a eu une très grosse jurisprudence et des textes non codifiés.

2/ L’évolution de la responsabilité civile

        Le droit de la responsabilité a déjà évolué en passant de la faute au fondement du risque. Dans le code civil de 1804 pratiquement tout repose sur l’article 1382 cc qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». De 1804 à la fin du 19°S, les juges essaient de réparer les dommages subis par les victimes et s’efforcent de punir l’auteur des dommages. Il y avait peu de condamnations mais surtout la responsabilité va ruiner la famille ou l’entreprise fautive. C’était un système où peu de monde était content. A l’époque, il n’y a pas d’assurance puisque les juges refusent les contrats prévoyant la responsabilité d’une personne. Tout commence à changer avec la révolution industrielle, les accidents du travail, les divers développements. A la fin du 19°S et au début du 20°S, les juges estiment qu’ils ne peuvent + raisonner sur l’article 1382 cc car ils ne trouvent pas de fautif. Conséquence de ce PB : ils vont permettre les contrats d’assurance. Les juges estiment que la faute n’est pas le seul fondement de la responsabilité. L’idée pour les juges c’est que le fondement de la responsabilité réside désormais dans le fait objectif du dommage. En l’espace de quelques années, la jurisprudence fonde dans des arrêts capitaux, une nouvelle responsabilité. Ces grands arrêts se poursuivent encore aujourd’hui. Le législateur lui même prend des lois spéciales qui vont mettre en œuvre des cas de responsabilité sans faute.
Ex : Loi de 1898 sur les accidents du travail
       Loi Badinter en 1985 sur les accidents de la circulation
       Loi Kouchner 2002 sur la responsabilité médicale.

3/ Conséquence de l’évolution de la responsabilité civile

La responsabilité individuelle s’est marginalisée. Au départ tout reposait sur la responsabilité des gens. Désormais, beaucoup de gens se sont sentis déresponsabilisés devant la marginalisation de la responsabilité individuelle. Les assurances se sont multipliées car dans un premier temps les gens avaient peur. Les assurances ont favorisé la multiplication des cas de responsabilité.
Il y a une collectivisation de la responsabilité. Les risques sont de plus en plus supportés par des collectivités plus ou moins grandes. Ca se manifeste aussi par la mise en responsabilité des personnes morales.
Il y a un déclin de la notion de responsabilité comme fondement de l’indemnisation des risques sociaux, c’est un phénomène assez récent. Tout le monde va être indemnisé mais on va indemniser sur la base d’un plafond. Il n’y a donc plus de responsable. L’Etat crée des fonds de garantie.

4/ Rapport entre la responsabilité civile et les autres responsabilités juridiques

        L’examen de tous ces rapports est primordial. La responsabilité n’est plus la seule responsabilité juridique.
Responsabilité civile et responsabilité administrative.
        La responsabilité administrative a été aussi tirée de la jurisprudence (cf. arrêt Blanco). Elle s’est inspirée de la responsabilité civile. Du point de vue de la compétence, il y a une tendance à l’élargissement de la compétence du juge judiciaire. Ex : lorsqu’il y a un accident avec un véhicule administratif, la compétence est donnée au juge judiciaire. Cela étant, l’autonomie de la compétence administrative oblige une certaine harmonie entre les responsabilités et oblige la Cour de Cass et le CE à retenir les mêmes solutions. Ex : en matière de responsabilité médicale, les hautes juridictions (civile et administrative) ont retenu à peu près les mêmes solutions. Il reste des divergences comme par ex, le délai de prescription qui est de 4 ans pour le DA.
Responsabilité civile et responsabilité pénale.
        On peut ramener ce rapport à 3 grands principes :
Ø    Le principe d’identité de la faute civile et la faute pénale, c à d toute faute pénale constitue également une faute civile. Lorsqu’un juge pénal a retenu une IF° pénale, le juge civil est obligé de réparer par des dommages et intérêts pour les victimes. Quand il n’y a pas de faute pénale, la victime a-t-elle quand même droit à réparation ? A la suite de différentes réformes, il est décidé qu’une relaxe ne fera pas obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité civile à la condition que la responsabilité civile ne suppose pas la preuve d’une faute. La loi du 10 juillet 2000 a prévu que lorsqu’on ne peut retenir une faute pénale non intentionnelle, on pourra quand même retenir la responsabilité civile du responsable. La notion de réparation se détache de la responsabilité pénale. Au niveau criminel, la loi prévoit que lors d’un acquittement par la Cour d’Assise, on peut retenir une faute civile à condition que la Cour d’Assise retienne la faute civile.
Ø    La règle qui reconnaît à la victime l’option entre la juridiction civile ou la juridiction pénale. Quelqu’un est victime d’une IF° pénale ; elle peut porter plainte devant les 2 juges. L’avantage de choisir le juge pénal se situe au niveau de la preuve car elle bénéficiera de l’enquête faite par le juge d’instruction.
Ø    L’ordre juridique pénal est > à l’ordre juridique civil. La règle est formulée à l’art. 4 du Code de Procédure Pénale. Lorsqu’un tribunal pénal est déjà saisi par une action publique, on n’empêche pas la victime d’agir devant le juge civil mais il devra surseoir à statuer tant que le juge pénal n’a pas statuer sur la culpabilité du responsable.
Responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle.
        C’est le rapport le + difficile. On entre de plein pied dans la difficile classification des responsabilités. Il faut donc passer par les 5 grandes différences qui montrent la nécessité de distinguer responsabilité délictuelle de la responsabilité contractuelle.
La distinction sur l’existence de la responsabilité. C’est le fait générateur qui est différent. Le fait générateur est l’inexécution de l’OB° en matière de responsabilité contractuelle. En matière délictuelle, le fait générateur réside dans le pur fait, il n’y a pas de contrat. On trouve dans ces deux responsabilités, des responsabilités pour faute prouvée et pour faute présumée. Si on part du fait générateur, on ne peut pas les confondre.
Sur le plan du dommage (de la mise en œuvre de la responsabilité). En matière contractuelle le code civil (article 1150) prévoit que seul le dommage prévisible est réparable alors qu’en matière délictuelle, tous les dommages sont réparables. Le dommage imprévisible ne sera jamais pris en compte en matière contractuelle. En matière délictuelle, mêmes les dommages auxquels on ne pense pas sont réparables.
La formalité de la mise en demeure. C’est une qualité substantielle en matière contractuelle. Ce n’est pas obligatoire en matière délictuelle.
Le tribunal compétent n’est pas le même suivant la responsabilité. En matière contractuelle, on a plusieurs possibilités, soit le tribunal du lieu de livraison de la chose, soit le tribunal du lieu d’exécution de la prestation, soit le tribunal du lieu de résidence du défendeur. En matière délictuelle, on rencontre d’autres compétences comme le tribunal où le dommage a été subi, où le dommage s’est produit.
Le délai de prescription. En matière contractuelle, le délai est normalement de 30 ans (art. 2162 cc). En matière délictuelle, la prescription est de 10 avec comme point de départ la manifestation du dommage (art. 2270-1 cc).      
        Peut on cumuler ou avoir le choix entre la responsabilité délictuelle ou contractuelle ? La question se pose uniquement en pratique lorsque les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies : Ex : en matière de pourparlers. Si une personne est blessée sur un quai de gare et qu’elle est munie d’un titre de transport, quel est le type de responsabilité à mettre en œuvre ? La jurisprudence s’est prononcée pour un non cumul. Elle a décidé que le créancier n’a pas le choix. Une personne qui se plaint de l’inexécution d’une prestation doit engager la responsabilité contractuelle, elle n’a pas le choix. Mais il y a une difficulté de mise en œuvre suivant les espèces. Un créancier ne peut pas choisir les règles qui lui seraient le + favorables, les juges veulent éviter les abus. En posant ces règles, les juges ont décidé qu’il ne pouvait pas y avoir de jeu successif entre les 2 responsabilités mais les juges sont parfois gênés et il existe parfois des cumuls comme pour les règles concernant les groupes contractuels. Les juges ont tendance à hésiter entre les 2 types de responsabilités civiles. Lorsqu’il y a une faute grave dans l’inexécution d’un contrat, les juges disent que l’on n’est + dans le contrat et donc, ils retiennent la responsabilité délictuelle. Ex : lorsque l’emprunteur d’un bien met le feu à l’objet emprunté. Est-ce que les juges ont le choix de fonder leur décision sur des responsabilités pour faute (art. 1382 cc) ou des responsabilités sans faute (art. 1384 cc) ? Oui, les juges ont toute l’attitude pour qualifier la responsabilité. La jurisprudence estime que ces responsabilités ont des causes différentes. En conséquence, l’autorité de la chose jugée d’une décision ne s’étend pas à une autre décision. Pour un même accident, les juges peuvent retenir pour une personne une responsabilité sans faute et pour une autre une responsabilité pour faute. On peut également voir que les juges appliquent automatiquement les responsabilités spéciales fondées sur des textes spéciaux, en gardant toutefois la possibilité d’appliquer le droit commun.

Titre 1 : Le droit commun de la responsabilité civile

       Il consiste dans des règles générales qui ont été dégagées par la jurisprudence depuis 2 siècles à partir de textes succincts du code civil qui ont toujours incités les juges à retenir comme éléments fondamentaux, la nécessité d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ce préjudice et la faute d’un responsable ou bien de l’activité ce celui-ci. C pour cela, qu’aujourd’hui, on a 3 grands types de responsabilité de droit commun.

Chapitre 1 : La responsabilité du fait personnel

        Cette responsabilité est issue de l’art. 1382 cc et 1383 cc. L’art. 1382 cc dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». L’art. 1383 cc, lui, nous parle de la faute involontaire. Ces articles ont reçu une valeur constitutionnelle par la décision du 22 octobre 1982 par laquelle le Conseil Constitutionnel a estimé que ces textes avaient une valeur constitutionnelle et qu’aucune loi ne pouvait supprimer la possibilité d’agir en responsabilité pour faute contre une personne. Ces textes sont très importants qui exigent des conditions.

Section 1 : La faute

        Si les conditions sont simples à exposer, la faute est complexe.

Paragraphe 1 : La notion de faute

        La faute est une notion juridique mais elle n’est pas clairement définie. Pour la Cour de Cassation, certaines fautes sont soumises à l’appréciation souveraine des juges. La faute, au sens civil, est la violation d’un devoir qui n’est pas justifié par une excuse (par une cause de non imputabilité). En matière délictuelle, c’est la violation d’un devoir issu d’une norme, d’une coutume. Il y a des fautes qui résultent de la violation de textes mais il y a aussi des fautes qui sont des devoirs non édictés par des textes. Aujourd’hui, le non respect de tous les droits reconnus par l’ordre juridique constitue une faute. Les droits subjectifs sont de + en + autonomes et échappent de + en + à la responsabilité délictuelle. Ex : la violation de l’art. 9 cc entraîne automatiquement des dommages et intérêts. L’exercice abusif d’un droit peut engendrer un cas de responsabilité pour faute, l’abus de droit entraîne une faute et donc la responsabilité. Ex : l’abus du droit de grève est sanctionné. La propriété est un droit absolu mais beaucoup estime que ce droit leur donne tous les droits, ce qui sera sanctionné. L’abus de droit se caractérise par l’intention de nuire (critère subjectif de l’abus de droit) et lorsqu’on agit sans intérêt légitime (critère objectif dégagé par la Cour de Cassation). Pour caractériser l’abus de droit, il faut les 2 critères précédemment cités. Il existe des devoirs retenus par les juges mais édictés par aucun texte. On parle ici d’une norme générale de civilité c à d des règles de normalité de comportement. Les juges contribuent à dégager ces règles. Ils peuvent s’inspirer de coutumes, de règles du jeu. En matière de relations économiques, les juges sont plus imaginatifs pour retenir des fautes non écrites. La faute, c’est la violation d’un devoir mais il ne doit pas être excusable, comme en DP, certaines circonstances qui vont justifier la commission d’une faute, faire disparaître l’aspect fautif. Parmi les excuses extérieures au dommage, on trouve les faits justificatifs comme l’ordre de la loi, le commandement de l’autorité légitime, la légitime défense, l’état de nécessité. Le consentement de la victime est le fait justificatif le plus important. Il permet d’alléger la responsabilité du fautif. C’est l’hypothèse où la victime a accepté délibérément les risques encourus ; de + en +, le danger attire, en matière de sport extrême on essaie de trouver les responsables mais au final, les victimes étaient d’accord pour courir le risque. Les juges ont parfois reconnu cette théorie pour alléger la responsabilité du fautif. Ce sont des excuses qui portent sur la subjectivité du fautif. Les juges reconnaissent qu’on ne peut être fautif que si l’on est conscient de nos actes. En droit civil, afin de favoriser la réparation civile, nos jurisprudences et nos textes ont fait disparaître l’exigence de discernement (art. 489-2 cc). Dans un arrêt du 09/05/1984, la Cour de Cassation a estimé q’un enfant en bas âge pourrait être fautif et que simplement le fait objectif de sa faute pouvait être un obstacle à sa réparation. La faute est donc la violation d’un devoir même si on n’en a pas conscience.

Paragraphe 2 : La diversité de l’application de la notion de faute

Il y a différents types de fautes :
Selon le type de réalisation :
               - faute par commission qui suppose la réalisation d’un acte matériel.
               - faute par omission : les juges ont admis que le fait de ne pas agir peut être consécutif d’une faute.
Selon la gravité des fautes :
        Il existe une véritable hiérarchie des fautes qui permet de retenir des cas de responsabilités que pour les cas les + graves. Cette distinction n’est pas nécessaire car les art.  1382 cc et 1383 cc se bornent à parler de faute. Il y a une distinction mais elle n’est pas clairement affichée. Il n’y a pas de proportion entre la gravité d’une faute et la gravité du préjudice. En matière de responsabilité, une faute simple peut entraîner réparation.
               - Dans le cas de la faute intentionnelle, il y a une volonté d’agir mais aussi une intention de causer le dommage. C’est une faute qui exige une volonté certaine de causer un dommage. Conséquence d’une faute grave est la faute intentionnelle qui est inexcusable et inassurable. Il n’y a pas de fond de garantie. La faute intentionnelle, les juges disent que le lien de causalité est établi dans ce cas. Les juges en déduisent une augmentation des dommages et intérêts pour punir le responsable. Aux E.U., le droit américain, il existe des dommages et intérêts punitifs. Normalement en France, les dommages et intérêts dépendent de l’importance du préjudice. Mais on peut assister à l’influence du droit américain sur certaines affaires.
               - Dans le cas de la faute non intentionnelle (art. 1383 cc), il s’agit d’une faute involontaire, on commet un acte d’imprudence, de négligence qui entraîne la mise en jeu de la responsabilité. Ici, il n’y aura pas d’aspect punitif et il faudra prouver le lien de causalité. C’est une faute parfaitement assurable. Aujourd’hui, on fait de la place pour d’autre type de faute dans la jurisprudence et dans les textes.
               - Il existe la faute inexcusable qui est une nouvelle catégorie. Il s’agit d’une faute volontaire qui suppose une certaine témérité et qui est accomplie avec la conscience que le dommage pourrait causer. Ex : une personne qui décide de traverser à pied l’autoroute. C la faute de celui qui prend le risque en connaissant le danger. C une faute entre la faute d’imprudence et la faute intentionnelle. Cette faute va limiter le droit à réparation des victimes. La faute inexcusable soit limite la réparation de la victime quand elle est responsable de la faute soit elle déplafonne les réparations quand le responsable n’est pas la victime. En droit du contrat, la faute elle même est graduée (faute lourde et faute dolosive). La faute lourde est la faute qui démontre l’incapacité, l’inaptitude professionnelle de quelqu’un. Mais ce n’est pas une faute intentionnelle. La faute dolosive suppose l’intention de faire le mal. C’est une faute qui s’apparent à la volonté de nuire. Elle s’apparente à la faute intentionnelle en matière délictuelle.

Section 2 : Le dommage

        Le dommage est visé par les art. 1382 cc et 1383 cc. C’est une condition majeure de la responsabilité. Il peut y avoir des responsabilités sans faute mais il n’existe pas de responsabilités sans dommages.

Paragraphe 1 : Les caractères du dommage

        Tous les dommages ne sont pas forcément réparables. C’est la jurisprudence qui a posé les caractéristiques des dommages pour obtenir réparation. Le dommage doit être direct. Le préjudice doit être en relation causal avec la faute. N’est réparable que le préjudice qui porte atteinte a un intérêt légitime. Pour être réparable, le préjudice doit être la violation d’un intérêt juste. Il y a un contrôle du caractère plus ou moins juste du préjudice. Certaines demandes peuvent être contraire à la loi, aux bonnes mœurs. Les juges se permettent de ne pas réparer certains préjudices. Ex : le décès d’un concubin(e) peut il entraîner une réparation ? Pendant longtemps, il n’y avait réparation que dans les relations matrimoniales. Mais depuis un arrêt de la Cour de Cassation ch. Mixte en 1970 qui pose qu’un lien de droit n’est pas exigé pour obtenir la réparation d’un préjudice et donc il peut très bien exister que des liens de faits. A partir de là, des gens non mariés peuvent justifier la réparation d’un préjudice. Ex 2 : Préjudice consécutif à la naissance non souhaitée d’un enfant. Une femme veut avorter mais l’avortement échoue. Ce préjudice est-il réparable ? La jurisprudence a estimé que la naissance non souhaitée d’un enfant ne peut pas constituer, à elle seule, un préjudice réparable. Il n’y a pas d’intérêt légitime. Mais cela pose aussi le fait que dans certains cas la naissance d’un enfant non souhaité peut être réparable tel que la naissance des enfants nés de viols.

Arrêt Perruche. Il est posé la question du préjudice de l’enfant né avec un grave handicap. C’est une question qui concerne beaucoup de système juridique. Elle est apparue dès les années 90. On peut dire que toutes les hautes juridictions ont retenu le préjudice. Les parents ont eu rapidement le droit à réparation du préjudice consécutif à la naissance d’un enfant. En revanche, la question de la réparation au nom de l’enfant, lui même, a été plus contreversé. Mais les juges ont dit oui.
Arrêt Ass. Plèn. 17/11/00 arrêt du nom de l’enfant qui est né avec un grave handicap.
Faits : une femme enceinte présentait les symptômes de la rubéole. Elle avait dit que si elle était atteinte de la rubéole, elle ne souhaitait pas garder son enfant s’il y avait des risques de handicap. Après des examens, les docteurs disent qu’elle est immunisée. Mais l’enfant est né avec un grave handicap car les médecins ont commis une erreur de diagnostics et d’analyse des résultats.
Ces fautes médicales peuvent elles entraîner un dommage réparable pour les parents et l’enfant ? L’enfant lui même peut demander réparation du préjudice subi. Le préjudice est également applicable pour la mère puisqu’elle n’a pas pu prendre librement le choix d’exercer un avortement.
A partir de cette décision, un débat s’est instauré.
Au niveau des critiques :
- 1ère critique sur le terrain de la causalité. Le handicap de l’enfant résulte de la rubéole et non d’une faute médicale. D’après les juristes, les médecins ne sont pas responsables
- la 2ème critique porte sur la nature du préjudice subi par l’enfant. Le seul préjudice de l’enfant est d’être né. Or, la vie n’est pas un préjudice. Il n’y avait pas d’intérêt légitime à ne pas naître. Tout au plus, les parents souhaitaient une naissance sans risques. On peut donc reconnaître un préjudice à la mère et pas à l’enfant.
- la 3ème critique est une critique plus éthique. La jurisprudence Perruche laisse entendre que la vie d’un handicapé ne vaut pas la peine d’être vécu. On porte atteinte ici à la dignité de la personne humaine. Il y a donc un risque d’eugénisme.
- la 4ème critique est une critique prospective. Si on admet que l’enfant puisse obtenir réparation, on pourrait aussi dire que l’enfant peut agir contre ses parents en responsabilité.
Face à ces critiques, certains auteurs ont établit des arguments de défense à cette arrêt :
- sur le terrain de la causalité : il est faux de dire qu’il n’y a pas de lien de causal. La faute des médecins est discutable. Les fautes médicales ont joué un rôle causal dans le sens où ces fautes ont empêché la mère d’interrompre sa grossesse qui aurait évité la naissance d’un enfant handicapé.
- il est faux de dire que le dommage résulte de la vie. Le tribunal dit que c’est la vie avec un grave handicap qui est un préjudice. Si la loi autorise l’avortement thérapeutique, c’est pour éviter le préjudice de vivre avec un grave handicap.
- sur le terrain de la dignité. Il est beaucoup plus conforme à la dignité des handicapés de leur reconnaître le droit à agir en justice et de demander réparation.
- ce n’est pas sérieux de dire qu’il y a un risque d’agir contre les parents, puisque seule la mère à un droit constitutionnellement reconnu de subir ou pas un avortement. C’est elle qui à le véritable pouvoir de décision.
Comment la loi a réagit à cette jurisprudence ? Devant les polémiques de cette jurisprudence, le législateur a adopté une loi le 04/03/2002 qui tente, dans son article 1er, de revenir sur la solution de la jurisprudence : « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.
Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de la santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »
Depuis cette loi, les médecins ne sont toujours pas content et craignent la jurisprudence. Les assurances ont pratiqué des hausses tarifaires pour certains praticiens.
Les juges résistent à la position du législateur et ils ont très mal pris la loi qui pour eux est trop imprécise. Les juges du fond vont dans le sens contraire de la loi. Pour les parents, cette loi a produit des effets dramatiques au niveau financier.      

        Le préjudice doit être actuel pour qu’il puisse être réparable. Lorsque le préjudice est réalisé, il est réparable, on peur évaluer. Le préjudice actuel n’exclut pas le dommage futur. En effet, le dommage futur est réparable si sa réalisation est certaine. On fait allusion à des préjudices qui ne sont pas encore entièrement réalisés mais dont la réalisation est assurée par les juges. Il s’agira d’hypothèses d’évolution des traumatismes. Les juges estiment qu’il ne doit pas y avoir de doutes sur la réalité du dommage. Un préjudice éventuel n’est pas réparable. Ex : les juges ont estimé qu’un malade séropositif devait être indemnisé pour sa séropositivité mais ne pouvait pas être indemnisé pour sa maladie elle même tant qu’elle n’est pas survenue. Ex 2 : sur le terrain de la perte d’une chance. Les juges estiment que la perte d’une chance est un préjudice  réparable lorsque la chance était réelle et sérieuse. Certains auteurs critiquent cette jurisprudence de la perte d’une chance. Ils estiment que les juges ont un regard subjectif sur ce sujet car ils se prononcent sur une statistique.

        Le préjudice doit être personnel. En principe, seule la victime (physique) directe peut obtenir réparation de son préjudice. Toutefois, la jurisprudence admet l’indemnisation des victimes dites par ricochet càd des victimes souffrant d’un préjudice consécutif au préjudice de la victime principale. La loi admet que les personnes morales puissent agir en réparation d’un préjudice lorsqu’il est porté atteinte à l’intérêt collectif qu’elles défendent soit sur habilitation légale soit même parfois en raison de ses statuts.

Paragraphe 2 : La diversité des dommages

        C un critère jurisprudentiel. La loi n’a jamais traité cette question. Ce sont les juges qui inventent de nouveaux préjudices. On découvre et on multiplie les préjudices réparables.
Dommages matériels : c’est une atteinte à des droits patrimoniaux (évaluables en argent). Il s’agit de réparer les biens corporels voire même incorporels qui ont été détruits, endommagés partiellement ou perdus. Il faut faire une distinction entre l’indemnisation d’une perte éprouvée, constatée et un gain manqué. La victime a droit à un dédommagement intégral en argent. Cela va représenter la valeur d’achat d’une chose de remplacement.
Dommages moraux : Cour de Cassation 1923 et Conseil d’Etat 1961 Letisserand. Il s’agit de réparer les atteintes aux convictions morales, religieuse subies par une personne, les atteintes à l’honneur, les atteintes affectives. Il existe aussi le préjudice esthétique qui est considéré comme une souffrance morale. En général, les dommages et intérêts sont payés par des assureurs.
Dommages corporels : les dommages portés à l’intégrité du corps humain sont réparables sans difficulté. Le corps humain est inviolable. C’est également la réparation des atteintes à l’intégrité physique non mortelle. C’est l’hypothèse des coups et blessures, des lésions physiques. En cas d’atteinte à l’intégrité physique mortelle, la victime ne peut plus agir et donc ne peut pas réclamer réparation. Cependant les juges ont reconnu des actions aux héritiers et aux proches du défunt. Les héritiers bénéficient des actions que le défunt aurait pu intenter. C’est une action successorale.

        Dans l’hypothèse où les victimes sont dans un état d’inconscience, de coma, peuvent elles prétendre à l’indemnisation. Au départ, les juges étaient sévères. Puis avec l’arrêt de la Cour de Cassation de février 1995, elle a estimé que l’état végétatif d’une personne n’excluait pas l’indemnisation et que le préjudice devait être réparé.

Section 3 : Le lien de causalité   

         Pas de responsabilité sans causalité. C’est la question la plus difficile et complexe.

Paragraphe 1 : Définition

        Les juristes doivent choisir la cause, le facteur qui a précédé le dommage qui permet d’imputer à une personne la responsabilité de son acte. La doctrine propose 2 thèses :
La théorie de l’équivalence des conditions. C’est la sélection la plus légère des causes. Tous les faits ne sont pas retenus mais sont retenus ceux en l’absence desquels le dommage ne se serait pas produit. On retient toutes les conditions de la réalisation du préjudice. Si les juges ont consacré cette théorie c’est de façon exceptionnelle.
La théorie de la causalité adéquate. C’est un choix plus exigeant. On sélectionne la cause adéquate càd qu’on va exclure certaines conditions du dommage. En général, les juges ne vont retenir que les causes qui ont rendu le dommage probable voire certain suivant le cours naturel des choses. Ils retiennent la cause qui se situe le plus près du dommage.

Paragraphe 2 : La portée de la causalité

        Quand un dommage survient, il est fréquent qu’il provienne de plusieurs causes. Peut on diviser ces causes et comment répartir le poids de la responsabilité en fonction de toutes ces causes ? Ex : un maçon construit un mur de façon trop mince, il y a une forte tempête et le mur tombe. C la jurisprudence qui pose les règles de répartition. Dans un 1er temps, la jurisprudence avait admis que la causalité pouvait se diviser. Dans un 2nd temps, les juges sont revenus sur cette jurisprudence et ont estimé que la causalité ne peut pas se diviser et qu’il y a entre chaque faute un lien direct avec la totalité du dommage. La division de la causalité n’était pas favorable aux victimes. En pratique, lorsqu’on a plusieurs fautes, chaque auteur de ces fautes est tenu de réparer la totalité du dommage subi : Cour de Cassation 02/07/1969 « dans le cas de concours de responsabilité, chacun des responsables d’un dommage ayant concouru à le causer en entier doit être condamné envers la victime d’en assurer l’entière réparation. » Ce principe est le principe in solidium (en solidarité). Il est très pratique à la victime car elle peut demander la réparation du dommage à l’un des responsables. Elle n’a pas à diviser sa demande. Les juges répartissent tout de même le poids de la responsabilité entre les co-responsables et ils reconnaissent un recours en contribution entre les co-responsables. Sur le plan de la force majeure, ces recours n’existent pas. Atténuation au principe : lorsque la jurisprudence admet que la victime ait pu commettre une faute, elle déduit de la responsabilité la faute de la victime. Cette règle joue même en cas de décès de la victime, la faute de celle-ci peut être opposée à ses héritiers. Certaines prédispositions de la victime ne sont plus des exceptions à la réparation intégrale (ex : victime dans le coma). Certaines victimes, qui à la suite d’un accident, ne perde pas leur capacité de travail qui été déjà entamée avant l’accident, n’ont pas droit à une réparation intégrale.

Chapitre 2 : La responsabilité pour fait d’autrui

        Dans cette responsabilité, le poids de la responsabilité va reposer sur quelqu’un d’autre, elle ne va pas reposer sur l’auteur du dommage. Il ne faut pas confondre la responsabilité pour fait d’autrui et le dommage causé par autrui. Dans l’hypothèse d’un accident, A fait tomber B qui fait tomber C. Dans cette hypothèse, C va pouvoir demander réparation à A. on est, ici, en présence d’un dommage causé par autrui. Ce n’est pas un cas de responsabilité pour fait d’autrui. La responsabilité pour fait d’autrui c’est le cas où un enfant blesse un camarade à l’école : les parents sont responsables du fait de leur enfant. Dans certaines circonstances, la responsabilité d’un individu entraîne l’obligation de réparer mais, ce, à la charge d’une autre personne appelée le civilement responsable. La faute peut justifier le transfert de responsabilité. Pour justifier cette responsabilité, on parle plutôt de la responsabilité fondée sur le risque. C’est l’idée que lorsqu’on a une activité dangereuse, on en assume les risques, ce qui est normal. Le code civil a prévu 3 hypothèses de responsabilité pour fait d’autrui :
La responsabilité des pères et mères pour les dommages causés par ses enfants (art. 1384 al. 4 cc)
La responsabilité des instituteurs et des artisans pour les dommages des élèves et des apprentis (art. 1384 al. 6 cc)
La responsabilité des maîtres ou commettants pour les dommages causés par les domestiques et les préposés (art. 1384 al. 5 cc).
        Ces 3 hypothèses ont été légèrement réformées depuis 1804. Il y a eu des réformes ponctuelles du fait de l’évolution de la société. Mais le problème était de savoir si les juges devaient s’en tenir à ces 3 hypothèses. La Cour de Cassation, dans un arrêt d’Assemblée Plénière, a jugé, le 29/03/1991 (BLIECK), pour la 1ère fois que l’art. 1384 al. 1 cc édictait un principe général de responsabilité pour fait d’autrui. En l’espèce, il s’agissait d’un centre d’aide par le travail qui recevait des handicapés mentaux. Un des handicapés a allumé un feu et a causé un incendie de forêt. On a agit contre le gérant du centre d’aide comme responsable du fait d’autrui. Après délibération, la cour de Cassation a estimé que l’association est responsable pour fait d’autrui : « dès lors que l’association a accepté la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de cette personne handicapée. ». La Cour de Cassation présente ainsi les contours de la responsabilité du fait d’autrui. A partir de cet arrêt, la responsabilité pour fait d’autrui devient un principe général d’après l’art. 1384 al. 1 cc. La simple rédaction de l’alinéa 1 reconnaît le principe général de cette responsabilité. Il ne faut pas confondre la responsabilité contractuelle pour fait d’autrui et la responsabilité extracontractuelle du fait d’autrui.

Section 1 : La RESP du fait d’autrui fondé sur l’art. 1384 al. 1 cc

        Cette hypothèse résulte de l’arrêt BLIECK qui va susciter beaucoup d’interrogation. C’est l’arrêt annonciateur.

Sous Section 1 : Les conditions d’application

Les conditions sont au nombre de 2 dans l’arrêt Blieck :
-    se rapporte au fait générateur
-    porte sur la désignation du civilement responsable.

Paragraphe 1 : Le fait d’autrui

        Qui sont les personnes dont on doit répondre ?
        Quel est le fait dommageable qui déclenche la responsabilité ?

L’auteur

         Qui est la personne dangereuse ? A la suite de l’arrêt Blieck, tout le monde s’accordait à dire que la personne devait être une personne potentiellement dangereuse parce que l’auteur jouissait d’une liberté totale qui pouvait être dangereuse. Mais cette idée a été démentie par les arrêts ultérieurs. Dans l’arrêt de 1996, la Cour de Cassation a jugé que la responsabilité pour fait d’autrui s’applique à des faits dommageable causés par des mineurs placés dans un foyer d’assistance éducative. On est en présence de personnes qui peuvent avoir des activités dangereuses mais qui ne sont pas dangereux. Les juges n’ont pas posé de conditions particulières sur l’auteur du dommage.

Le fait dommageable

Ici, on pouvait hésiter entre 2 situations.
1ère : on va exiger que le fait dommageable soit une faute personnelle de son auteur ou un cas de responsabilité de l’auteur.
2ème : on va exiger que l’auteur ait fait un simple événement causal non susceptible d’entraîner sa propre responsabilité.
        Dans le 1er cas, la responsabilité du fait d’autrui serait en quelque sorte une responsabilité indirecte.
        Dans la 2nde hypothèse, la responsabilité du fait d’autrui apparaîtrait comme une responsabilité directe et personnelle du civilement responsable.
        La jurisprudence et la doctrine sont très partagées sur cette question, toutefois leurs propos restent neutres. Dans tous les arrêts, chaque fois, il s’agissait d’hypothèse où le fait dommageable entraîne la responsabilité de son auteur. Sur le plan théorique, la 1ère hypothèse parait préférable car sinon on prendrait le risque de chosifier complètement l’intervention d’autrui qui deviendrait un simple élément du dommage.

Paragraphe 2 : L’autorité du civilement responsable

        Dans la responsabilité pour fait d’autrui, le civilement responsable est toujours une personne qui a une autorité sur autrui. Elle est sans doute la contrepartie de l’autorité sur autrui. Cette autorité peut se concevoir de deux manières :
Elle peut trouver son sens dans la personne même d’autrui, elle porte sur la personne dont on doit répondre. On parle de véritable garde juridique d’autrui.
Elle peut aussi procéder d’une décision qu’une personne prend lorsqu’elle exerce une activité déterminée. L’autorité est, ici, la maîtrise de l’activité à laquelle se livre autrui. Ex : quand une association sportive se pose garant de l’activité de ses sportifs.
La jurisprudence combine ces 2 types d’autorité.

La garde d’autrui

        Ici, l’autorité du civilement responsable porte sur une personne dont il doit répondre en raison de l’absence d’autonomie de la personne (mineure, handicapée). On parle, ici, de garde d’autrui (certains arrêts ont utilisé cette expression). Il s’agit de personnes chargées d’organiser à titre permanent de la vie d’autrui. Dans des arrêts ultérieurs, les juges ont retiré le caractère permanent. La garde d’autrui consiste à gouverner, contrôler la vie d’autrui et ce, avec une surveillance quotidienne et également de façon libre. On peut ramener la garde juridique en disant que le civilement responsable est celui qui a la garde juridique de l’auteur du dommage au moment où celui-ci commet le fait dommageable. La garde juridique se comprend comme le droit de gouverner de manière autonome la vie d’autrui au quotidien. Ex autorité de gardien de la vie d’autrui :
Etablissements accueillant des mineurs ou des personnes handicapées. Mais il existe des personnes qui se sont vus refusées la qualification de civilement responsable : les instituteurs, les grands parents, les oncles et tantes. En l’espèce, il existe plusieurs arrêts. La Cour de Cassation a souvent refusé la possibilité d’appliquer le régime de responsabilité pour fait d’autrui car ils n’en avaient pas la garde permanente.
Les curateurs (quelqu’un qui assiste). Ici, la question est plus incertaine
A propos des tuteurs : il y a une hésitation des juges, la chambre civile l’a refusé alors que la chambre criminelle l’a accepté.
A propos des baby sitters : les juges semblent dire qu’ils agissent sous la responsabilité des parents. Mais il n’existe pas encore d’arrêts très francs.

La maîtrise d’une activité à laquelle participe autrui

        Les juges raisonnent beaucoup plus sur le contrôle de l’activité pour les associations. Il s’agit surtout des associations sportives que la Cour de Cassation a retenu cette maîtrise d’activité. Comme l’a précisé la Cour de Cassation dans un arrêt du 22/05/1995 « mais attendu que les associations sportives, ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leur membres au cours d’activité auxquelles ils participent, sont responsables des dommages qu’ils causent ». On élargit ainsi la responsabilité pour fait d’autrui. Les juges ont retenu la même règle pour les associations de chasse. Dans un arrêt du 12/12/2002, la Cour de Cassation a appliqué cette jurisprudence à une association de majorette qui avait organisé un défilé ; l’une d’elles blessant l’une d’entre elles. Il est évident que la majorette, auteur de l’accident, avait la maîtrise de son bâton mais la Cour de Cassation a estimé que l’association était civilement responsable. Avec cet arrêt, on peut se demander si la jurisprudence ne va pas trop loin dans l’application de la responsabilité pour fait d’autrui.

Sous Section 2 : Les effets de la responsabilité pour fait d’autrui

Paragraphe 1 : Une responsabilité de plein droit

        L’arrêt BLIECK de 1991 de disait rien la dessus. La responsabilité de plein droit signifie que les personnes civilement responsables sont automatiquement responsables sauf pour eux à démontrer un cas de force majeure ou une faute de la victime. La différence avec la faute présumée c’est qu’à ce moment là, on pense à une faute présumée et de ce fait la personne prétendument responsable peut s’exonérer en démontrant qu’elle n’a pas commis de faute. La jurisprudence a durcit la responsabilité pour fait d’autrui car il s’agit d’une responsabilité automatique. Les causes d’exonération sont très limitées.

Paragraphe 2 : Le recours récursoire contre l’auteur du dommage

        Y a-t-il la possibilité d’un recours du civilement responsable vers le véritable auteur du dommage. Il y a un recours possible, la jurisprudence l’a reconnu mais à la condition que l’on puisse engager la responsabilité personnelle de l’auteur. Mais aujourd’hui, la jurisprudence estime que le fait causal peut suffire à engager la responsabilité personnelle de l’auteur. Très souvent le civilement responsable est assuré et celui qui va faire un recours est l’assureur. Il est donc très choquant de voir un assureur se retourner contre l’enfant. Dans le cadre de cette action récursoire, le civilement responsable ou son assureur ne peut pas bénéficier des règles de la responsabilité de plein droit de l’art. 1384 al. 1 cc, il est obligé de prouver un cas de responsabilité personnelle de l’auteur du dommage. La responsabilité de plein droit ne bénéficie qu’à la victime.

Section 2 : La responsabilité des pères et mères pour le fait de leurs enfants

        Le fondement de cette responsabilité a varié. Au début, la jurisprudence a estimé que cette responsabilité reposait sur une présomption de faute. Plus récemment, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 19/02/97, a estimé qu’il s’agissait d’une responsabilité de plein droit des parents. Depuis cet arrêt, les parents ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité qu’en démontrant la force majeure ou la faute de la victime.

Paragraphe 1 : Les conditions

        L’enfant doit être mineur. Son irresponsabilité cesse avec sa majorité ou son émancipation. Les juges ont posé la condition de cohabitation entre les parents et les enfants (art. 1384 al. 4 cc). C’est la loi qui pose cette condition de cohabitation. Si l’enfant, même mineur, n’habite plus avec ses parents, la responsabilité des parents cesse. Les juges ont retenu une définition très large de la cohabitation. Ils estiment que la responsabilité des parents est encore applicable quand :
L’enfant réside assez près pour qu’ils puissent exercer une surveillance.
Le défaut de cohabitation avait une cause illégitime (fugue, abandon des parents du domicile…)
L’enfant est en visite chez un parent qui n’a pas l’autorité parentale. L’exercice du droit de visite et d’hébergement ne fait pas disparaître la cohabitation avec le parent qui a l’autorité parentale
L’enfant est à l’école ou dans un régime d’internat.
        Il s’agit d’une responsabilité des pères et mères quelque soit le lien de filiation. La responsabilité est tributaire de l’autorité parentale. La responsabilité des parents peut elle être engagée sans faute de l’enfant ? Dans un arrêt d’Assemblée Plénière du 09/05/1984, la Cour de Cassation a décidait qu’un enfant qui avait commis un acte qui était la cause directe du dommage de la victime entraînait la responsabilité de ses parents.

Paragraphe 2 : Portée

        L’art. 1384 al. 7 cc dispose que la responsabilité des parents a lieu à moins qu’ils prouvent qu’ils n’ont pas pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. La jurisprudence a donc prévu comme cause d’exonération la notion de non faute. En dépit cet article, depuis le 09/02/1997 la Cour de Cassation a préféré qualifier la responsabilité des parents de responsabilité de plein droit. Depuis, la non faute n’est plus une cause d’exonération. Les parents sont solidairement responsables. La victime peut agir contre n’importe lequel des parents. Pour la victime, la jurisprudence a accordé une option. Elle a le choix entre une action contre les parents ou une action contre l’enfant en mettant en cause sa responsabilité personnelle. Il est souvent plus facile d’agir contre les parents car ils sont assurés et plus solvables. Les parents ont-ils un recours contre leur enfant ? Si l’enfant peut être déclaré responsable personnellement, rien n’interdit le recours des parents. Toutefois, ce recours est plutôt théorique. En définitive, la jurisprudence facilite la responsabilité des parents. Ils ont donc intérêt à souscrire des assurances de responsabilité civile, d’autant plus que la jurisprudence a aggravé la responsabilité des parents.

Section 3 : RESP des membres de l’enseignement pour le fait de leurs élèves

        Il s’agit, ici, des accidents scolaires. En 1804, les instituteurs obéissaient au même régime que les parents. Les instituteurs ont mal pris ce régime et très rapidement c’est l’Etat qui s’est substitué aux enseignants. Aujourd’hui, le système repose sur une loi du 05/04/1937 qui a supprimé la présomption. Le système donne relativement satisfaction.

Paragraphe 1 : Les membres de l’enseignement privé

        Quand l’élève est dans le privé, on applique le droit commun de la responsabilité. Lorsque le dommage est causé par un élève, il faut prouver la faute de l’enseignant. Si le dommage est causé à un élève, il faudra prouver la faute (défaut de surveillance) de l’enseignant. Ces règles s’appliquent quand l’école a passé un contrat avec l’Etat.

Paragraphe 2 : Les membres de l’enseignement public

        Dans cette situation, on applique le système de la loi du 05/04/1937 où il s’agit d’une responsabilité de l’Etat. Le texte s’applique à tous les accidents scolaires, aussi bien les dommages causés par un élève ou subis par un élève. Il faut que l’élève soit sous la surveillance d’un enseignant et ce, soit à l’école soit lors d’activité parascolaires. Les juges ont une vision large des enseignants. Il s’agit des enseignants (primaires, secondaires et parfois même supérieurs) mais également de toutes les personnes qui participent à l’éducation et à la surveillance. Régime de cette responsabilité : il faut prouver une faute de l’enseignant (au sens large). Si la faute n’est pas prouvée, l’Etat ne serait être déclaré responsable même si l’enseignant était gardien de la chose qui a causé le dommage. Lorsque le dommage résulte d’une carence de l’enseignant, de l’établissement, d’une mauvaise organisation du service, s’il n’y a pas de faute prouvée, la loi de 1937 est inapplicable. Il faut donc recourir aux règles administrative de responsabilité càd il faut prouver la faute de service. Si on applique la loi de 1937, il est original de remarquer que l’action est contre l’Etat mais devant le juge civil. Le délai de prescription est de 3 ans. L’Etat, après avoir payé, dispose d’un recours contre l’enseignant mais uniquement dans l’hypothèse d’une faute grave de l’enseignant.

Section 4 : La responsabilité des commettants pour le fait de leurs préposés

        Il s’agit, ici, de la responsabilité pour fait d’autrui la plus important. Son régime est prévu par l’art. 1384 al. 5 cc qui dispose que les commettants sont responsables des dommages causés par leurs préposés.

Paragraphe 1 : Fondement et domaine

        Il s’agit d’une responsabilité fondée sur le risque. Le commettant (maître) est d’abord responsable car il profite de l’activité d’autrui (préposé). Il s’agit donc d’une responsabilité de plein droit. L’avantage pour les victimes, c’est que le commettant est beaucoup plus solvable que le préposé, d’autant plus que les entreprises ont systématiquement recours aux assurances.

Paragraphe 2 : Les conditions

Le lien de préposition

        En effet, il faut qu’entre le commettant et le préposé il y ait un lien d’autorité. Pour la jurisprudence, ce lien d’autorité suppose un triple pouvoir qui comprend :
Un pouvoir de direction
Un pouvoir de surveillance
Un pouvoir de contrôle
        Le commettant est celui qui a le droit de donner des ordres. La loi n’exige pas que les préposés aient été embauchés par le commettant. Celui qui donne des ordres a une grande indépendance. Ex : un contremaître n’est pas un commettant. De quel contrat peut découler ce lien ? Les contrats de travail. Mais en matière de responsabilité civile, il existe d’autres contrats qui peuvent engendrer des liens de préposition. Ex : le médecin n’est pas en principe le préposé de l’hôpital dans lequel il travail. L’anesthésiste n’est pas le préposé du médecin. Par contre, un moniteur auto-école est le commettant de son élève. Pour les juges, il peut exister une pluralité de commettants. Un préposé peut avoir plusieurs commettants. Ex : les agents de sécurité de la faculté, ils ont deux commettants : la société qui les embauche et la faculté.

La faute du préposé

        Il faut être très prudent. Il faut un fait que l’on va reprocher au préposé. Il est également certain que jusqu’à présent, la jurisprudence a subordonné la responsabilité du commettant à la preuve d’une faute du préposé. Chaque fois qu’il y a faute du préposé, il y a responsabilité du commettant. La plupart des auteurs estiment qu’un fait dommageable peut suffire pour entraîner la responsabilité du commettant. A cause de la jurisprudence, il est probable que les juges soient plus souples avec la responsabilité du commettant concernant la faute du préposé. Les juges ne sont pas très exigeant quant à la gravité de la faute. Ils estiment que le préposé qui est en état de démence engage quand même la responsabilité du commettant en vertu de l’art. 489-2 cc. Les juges se sont demandés si le préposé pouvait engager sa responsabilité en tant que gardien d’une chose. Ils ont estimé que la qualité de préposé ne pouvait pas être compatible avec la qualité de gardien.

Le lien de connexité entre l’acte dommageable du préposé et ses fonctions

        Le fait dommageable du préposé doit avoir été accompli dans l’exercice de ses fonctions. Il faut donc un lien entre l’acte et l’exercice de ses fonctions. Le commettant ne sera pas responsable si le fait dommageable a été accompli en dehors des fonctions du préposé. C’est la question qui reste la plus discutée en jurisprudence. Les certitudes se sont les hypothèses où la distinction est facile à faire. Par ex., le commettant est certainement responsable car le préposé agit dans le cadre de sa mission, lorsqu’un un chauffeur livreur, dans le cadre de sa tournée, a causé un accident dû par exemple à un dépassement de vitesse. A l’inverse, le commettant n’est pas du tout responsable de son préposé lorsque ce même chauffeur décide avec son camion d’aller chez lui et commet un accident en dehors de son trajet de tournée. Dans la plupart des hypothèses, on est plutôt dans des incertitudes, dans des situations intermédiaires. Durant ses heures de travail, notre chauffeur utilise son véhicule sans lien avec sa mission : y a-t-il dépassement ou abus de fonction ? Le dommage a un rapport avec sa fonction mais ne rentre pas dans le cadre de sa fonction. Au début, les juges ont retenu une conception libérale (chambre criminelle Cour de Cassation), il suffisait que la fonction est fournie l’instrument du dommage ou en était l’occasion pour que le commettant en fut responsable. La 2nde chambre civile a adopté une conception plus restrictive de l’abus de fonction. Elle estime que dès lorsque l’acte dommageable est étranger, il y a abus et le commettant ne saurait être responsable. La Cour de Cassation en Assemblée Plénière a du intervenir plusieurs fois. Le 17/06/1983 elle dispose, dans un attendu de principe, que « les dispositions de l’art. 1384 al. 5 cc ne s’applique pas au commettant en cas de dommage du préposé qui, agissant sans autorisation, à des fins étrangères à ses attributions, s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé. » . A la suite de cet arrêt, l’employeur est déchargé de sa responsabilité. C’est le triomphe de la conception restrictive, ce qui fera s’incliner la chambre criminelle. La Cour de Cassation a défini des critères à l’abus de fonction :
Une absence d’autorisation
Une finalité étrangère à sa mission
­Un agissement en dehors de sa fonction.
        A la suite de cet arrêt, il y a eu des hésitations notamment sur le 3ème critère. Le 19/05/1988, l’Assemblée Plénière a confirmé la réunion des 3 conditions pour mettre en œuvre la responsabilité du préposé. Conséquences de l’abus de fonction : la responsabilité du commettant est écartée, seul le préposé est responsable de ses actes et rien n’empêche de retenir la responsabilité du préposé en tant que gardien.

Paragraphe 3 : Les effets

Les différents types d’action offerts à la victime

        Pendant longtemps, on pensait que la victime pouvait agir soit contre le commettant soit contre le préposé. Les juges permettaient d’agir contre les deux en même temps. Toutefois, dans un arrêt du 25/02/2000, l’Assemblée Plénière a décidé « que lorsque le préposé n’a pas excédé les limites de sa fonction, il n’est pas responsable envers les tiers et seul le commettant l’est. ». Depuis cet arrêt, la question des actions offertes à la victime dépend de la question d’abus de fonction. La Cour de Cassation énonce une 1ère hypothèse où le préposé a commis un abus de fonction, le préposé exonère le commettant et de ce fait la victime ne peut agir que contre le préposé. Dans la 2nde hypothèse, la Cour de Cassation énonce que lorsque le préposé a agit dans les limites de sa mission, sa responsabilité ne serait être engagée. La victime ne peut agir que contre le commettant.
Mais il existe une 3ème hypothèse dans laquelle un préposé a commis un acte dont la finalité est étrangère à ses fonctions et où il s’est placé en dehors de sa fonction. Il a donc excédé les limites de sa fonction et sa responsabilité peut être engagée. Mais le commettant peut également engager sa responsabilité. En effet, les 3 conditions ne sont pas réunies dans cette hypothèse puisqu’il manque l’absence d’autorisation.

Les recours

        1ère hypothèse : il n’y a pas de recours car le commettant n’est pas responsable. Le commettant peut s’exonérer de sa responsabilité en cas de force majeure et de la faute de la victime (totale ou partielle). L’absence de faute du commettant ne l’exonère pas du tout.
        2ème hypothèse : dans le cas où le commettant est responsable, il y a possibilité d’un recours contre le préposé. Mais il n’existe que si la responsabilité personnelle du préposé peut être engagée càd que dans le cas où il a excédé les limites de sa mission. Ce recours est souvent difficile à mettre en œuvre.

Chapitre 3 : La responsabilité du fait des choses

        Historiquement, la responsabilité du fait des choses est la 1ère responsabilité dont le principe général a été découvert par la jurisprudence à la fin du 19°S au moment où se développer les accidents dus au machinisme. C’est en 1896 que la Cour de Cassation a décidé de généraliser la responsabilité du fait des choses à partir de l’art. 1384 al. 1 cc. Dans l’esprit des rédacteurs du code civil, ce texte ne faisait qu’annoncer les dispositions suivantes et les juges en ont fait un texte autonome. En 1898, le législateur adopta la 1ère législation sur les accidents du travail. A partir de là, on a pensé que la responsabilité du fait des choses aller disparaître. Mais avec l’apparition des accidents de la circulation, cette responsabilité a perduré. Dans l’arrêt JAND’HEUR de 1930, la Cour de Cassation se réunie et décide de réitérer sa solution en posant le principe général de la responsabilité du fait des choses et elle affirme que la responsabilité trouve son fondement dans la notion de garde indépendamment du caractère intrinsèque de la chose et de toute faute personnelle du gardien. Aujourd’hui, elle est devenue plus marginale depuis la loi du 05/07/1985 sur les accidents de la circulation. Mais il existe toujours nombre de choses dangereuses.

Section 1 : Le principe général de la responsabilité du fait des choses

Paragraphe 1 : Domaine

        C’est une responsabilité qui s’est réduit. L’art. 1384 al. 1 cc s’applique à toutes les choses sans distinction à l’exception de celles qui font l’objet de textes spéciaux. Les juges ont décidé que peu importe que la chose ait été dirigée par la main de l’homme ou non, peu importe que la chose ait été dangereuse ou non.  Le texte est applicable à certains immeubles dans la mesure où ils ne sont pas en ruines. Les solutions ont été plus discutées pour les choses abandonnées ou sans maîtres. Pour les choses abandonnées, la responsabilité remonte au propriétaire qui les a abandonnées (ex : responsabilité de la SNCF retenue du fait de la fumée dégagée). Les accidents dus à des personnes inconnues échappent à la responsabilité. Pour les choses sans maîtres (biens qui n’ont pas ou jamais eu de propriétaire : ex : la neige, les animaux sauvages, l’air, la lumière…), les juges estiment que la responsabilité du gardien n’est pas possible. Néanmoins, il est possible de chercher la responsabilité personnelle d’une personne dans la mesure où l’on peut prouver une faute.

Paragraphe 2 : Conditions

Le gardien de la chose

        L’art. 1384 al. 1 cc attache la responsabilité à la garde de la chose et non à la chose. La responsabilité repose sur la garde de la chose. C’est ce gardien qui va être déclaré responsable car il a un pouvoir sur la chose. La jurisprudence ne définissait pas la notion de gardien. Dans l’arrêt FRANCK (arrêt de principe) du 02/12/1941, la Cour de Cassation a pour la 1ère fois définie la garde comme le triple pouvoir de direction, d’usage, et de contrôle d’une chose. Il s’agissait d’une personne qui avait volé un véhicule et qui a causé un accident. Dans ce cas, qui est responsable ? Le voleur ou le propriétaire ? La jurisprudence a été très partagée. Cet arrêt a choisi de prendre une conception pratique de la notion de gardien. Le gardien est celui qui peut prévenir, éviter le dommage car il a la maîtrise de la chose. Cette jurisprudence est tout à fait stable depuis près d’un demi siècle mais qui a fait l’objet de précision. Le gardien est, dans la majeure partie des cas, le propriétaire de la chose. Les hypothèses qui font difficultés sont celles où il y a dissociation entre usage et direction. Seul un commettant peut être gardien, le préposé ne peut pas être gardien. Les juges ont également estimé que la garde ne suppose pas la faculté de discernement càd qu’il n’est pas nécessaire d’être capable. Depuis les années 80, les enfants en bas age peuvent être considérés comme des gardiens. Il s’agit d’une évolution qui tend à objectiver la notion de gardien. En cas de transfert de la garde, les juges ont admis cette notion de transfert. Généralement, c’est un transfert volontaire réalisé par contrat. Mais les cas les plus difficiles sont lorsque le transfert est involontaire ou lorsqu’il y a détournement de bien par le préposé ou lorsque la chose est perdue ou égarée. Dans ce dernier cas, pour les animaux par ex. la garde est maintenue. La garde est-elle alternative ou pas ? Càd savoir si la garde peut se cumuler ou se dédoubler entre plusieurs gardiens. Le principe est que la garde est non cumulative. Cela étant, il y a deux hypothèses exceptionnelles qui autorise un cumul des gardes :
La garde collective : c’est l’hypothèse où la victime est atteinte par une chose sur laquelle au moment de l’accident plusieurs personnes exerçaient l’usage, la direction et le contrôle de cette chose. Ex : accident lors de sport collectif ; hypothèse dans laquelle on ne peut pas identifier le gardien ex : lors de tir de pigeon d’argile, on considère que tout le groupe est gardien de la chose car ils ont tous participer aux risques.
La victime peut demander réparation à n’importe quel gardien. Dans ces cas, l’auteur peut parfois s’exonérer de sa responsabilité si il prouve qu’il n’avait pas la garde de la chose. On est, ici, dans un cas d‘atténuation de la responsabilité de plein droit.
La garde de structure différente de la garde de comportement. C’est une distinction qui repose sur le fait que sur certain bien, il existe une garde de structure de la chose càd une garde des vices internes de la chose (càd le constructeur de la chose). Celui qui conçoit la chose est gardien de la structure. A coté de cette garde, il existe une garde du comportement qui désigne l’utilisation et le fonctionnement de la chose (le consommateur ou l’utilisateur de la chose). Dans le cas d’accident dû à cette chose, qui est responsable ? La distinction est primordiale mais très difficile à mettre en œuvre. Cette distinction a été retenue par les juges. En général, ce sont des choses qui présentent une réelle dangerosité.
        Il faut envisager le problème qui se pose quand la victime peut être qualifié de gardien.
Quand la victime est le seul gardien de la chose, elle est responsable de son propre dommage et ne pourra pas obtenir réparation. Quand la victime est l’un des gardiens de la chose, les juges ont estimé que la victime ne pouvait pas invoquer l’application de l’art. 1384 al. 1 cc mais ils admettent une action fondée sur la faute. Quand le gardien d’une chose est victime d’un dommage causé par le heurt de sa chose et de celle d’une autre personne, dans ce cas, les juges admettent l’application réciproque de l’art. 1384 al. 1 cc si on a deux victimes.

Le fait de la chose

        La chose doit avoir provoquée un dommage. Il s’agit d’aborder, ici, une question de causalité. En théorie, on est présumé responsable donc la question de la causalité devrait être secondaire. Mais les juges estiment que la chose doit avoir jouer un rôle actif dans la création du dommage. Il s’agit de vérifier que la cause du dommage réside dans le fait de la chose. On peut considérer deux situations :
La chose était en mouvement. Les juges estiment qu’il y a présomption corrélative irréfragable. Quand la victime prouve que la chose était en mouvement, elle n’a pas à apporter d’autres preuves. Malgré l’avènement de la loi Badinter, cette jurisprudence reste active.
La chose était soit inerte (immeuble) soit qu’elle était immobilisée au moment de l’accident. Dans les deux cas, les juges n’ont pas voulu poser une présomption de causalité et ont demandé que la victime prouve le rôle actif de la chose. On remarque que cela peut désigner deux grands types de preuves, soit un vice interne de la chose, soit un comportement ou la position anormale de la chose. Ici, ce sont tous les accidents qui ont lieu dans des escaliers, des magasins… Il faut prouver que la chose a provoqué le dommage.
A force d’exiger un comportement anormal de la chose, ne cherche-t-on pas une faute ? Il y a peut être, ainsi, résurgence de la faute. La jurisprudence se montre beaucoup plus souple et certains arrêts ont tendance à ne plus chercher le rôle actif de la chose. Ils vont objectiver ce comportement anormal de la chose. Dans une décision récente (fin 2002), les juges sont revenus à cette condition de preuve.
        Cas particulier : la loi pose un cas particulier dans le cas de dommage né d’un incendie. Sous la pression des assureurs, le législateur a réformé en 1924 l’art. 1384 al. 2 cc. Les assureurs ne voulaient pas de présomption de responsabilité. Il s’agit d’un article qui réintroduit la notion de preuve. La victime doit prouver que l’incendie est dû au gardien de la chose. C’est un texte très clair. Les juges ne l’ont pas entendu de la même façon. Ils ont tout fait pour lui donner une portée restrictive en exigeant trois conditions pour l’appliquer :
        - la Cour de Cassation a donné sa propre vision de l’incendie. L’incendie est une combustion anormale et accidentelle. Ainsi, les juges sont très exigeants. Si ce n’est pas le cas, le texte ne s’appliquera pas.
        - l’incendie doit avoir pris naissance dans le bien du défendeur. Ils vérifient que l’incendie a pris exclusivement naissance dans les biens du défendeur. Si l’incendie a pris naissance, même partiellement chez la victime, le texte ne s’applique pas.
        - l’incendie né chez le défendeur doit être la cause d’un dommage chez la victime.
Il s’agit, là, d’un régime dérogatoire. Mais quelque peu détourner par la Cour de Cassation.
En cas d’incendie volontaire, l’art. 1384 al. 2 cc ne s’applique pas.

Paragraphes 3 : Les causes d’exonération

        Jusqu’à l’arrêt JAND’HEUR, le gardien pouvait s’exonérer par la preuve de la non faute. Mais désormais, ce n’est plus une cause d’exonération.
La force majeure : c’est la cause principale d’exonération et elle peut avoir plusieurs formes. C’est normalement un évènement extérieur, imprévisible et irrésistible. Ces 3 éléments ont tendance à se ramener en un seul élément : l’irrésistibilité. Ex : tremblement de terre, tempête, inondation, la survenance d’un attentat, les conséquences de guerres ou d’émeutes…. Elle se retrouve aussi derrière le fait d’un tiers. Si l’accident est dû à l’intervention d’un tiers, il faut vérifier si l’intervention présente les caractères de la force majeure.
La faute de la victime qui a contribué au dommage est également une cause exonératoire. Les juges ont beaucoup tergiversé sur cette cause d’exonération. Jusqu’à la loi de 1985, les juges ne voulaient pas retenir la faute de la victime. Puis après la loi de 1985, il y a eu de nouveau un partage de la responsabilité entre le gardien et la victime. Le fait non fautif de la victime est-il une cause exonératoire ? Les juges ont hésité mais ont décidé que le fait non fautif n’est pas un cas d’exonération.

Section 2 : Les cas particuliers de RESP du fait des choses prévus par le cc

        Il s’agit d’envisager les cas de responsabilité particuliers traités dans des alinéas particuliers.

Paragraphe 1 : La responsabilité du fait des bâtiments

        La responsabilité du fait des bâtiments est prévue à l’art. 1386 cc qui dispose que « le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite de défaut ou par le vice de sa construction ».  Nous avons ici un texte spécifique aux immeubles. Cet article n’est applicable qu’aux bâtiments càd un ouvrage immobilier destiné à constituer un abri pour les hommes et pour leurs biens contre les agressions naturelles extérieures. Les baraquements de chantiers, de simples murs, des bâtiments en cours de construction ne sont pas des bâtiments au sens de l’art. 1386 cc. C’est le propriétaire qui est responsable. On ne parle pas du gardien. Le propriétaire est le gardien juridique. Ca ne peut pas être le locataire ou le squatteur. La responsabilité du fait des bâtiments est la conséquence directe de la propriété. Lorsque le gardien de l’immeuble n’est pas le propriétaire, sa responsabilité peut engagé sur l’art. 1384 al. 1 cc (cf. 23/03/00 la Cour de Cassation prévoit le correctif entre les deux notions.) Le texte parle ensuite de « ruine ». Les juges désignent non seulement la destruction totale mais aussi la dégradation partielle du bâtiment (ex : la chute d’un balcon, d’une dalle…). Le texte, dans sa mise en œuvre, précise que cette ruine doit provenir d’un défaut d’entretien. Les juges ont estimé que l’art. 1386 cc emporte une présomption de responsabilité. Seule la force majeure est une cause d’exonération. Toutefois, il y a une exigence de causalité entre le dommage et le défaut d’entretien. C’est à la victime de prouver la causalité entre le dommage et le défaut de surveillance. Mais dans le cas des bâtiments, c’est une preuve assez facile à démontrer pour la victime. Il existe un régime spécial de responsabilité des constructeurs pour les vices de constructions régit par les art. 1792 et s. du cc.

Paragraphe 2 : La responsabilité du fait des animaux

        Ici, il y a une permanence des textes. Dès 19°S, la Cour de Cassation avait jugé que le gardien d’un animal ne pouvait pas s’exonérer par sa non faute. C’était déjà dire que la responsabilité du fait des animaux était une présomption de responsabilité. Les causes d’exonération sont la force majeure et la faute de la victime.

Conditions

        L’art. 1385 cc dispose que «  le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fut sous sa garde, soit qu’il fut égaré ou échappé. ». Il faut un animal et un fait de l’animal. Tous les animaux sont concernés à l’exception de ceux qui n’ont pas de maîtres. L’animal peut, ici, désigner tous les animaux (insectes, reptiles, canins…). Le fait de l’animal doit être causé par l’animal. Les juges ont élargi le fait de l’animal et ont souvent retenu que le contact physique n’était pas nécessaire pour engager la responsabilité du fait des animaux. Ex : transmission de maladies contagieuses. Le gardien de cet animal est le responsable du dommage. Toutefois, le texte prévoit deux possibilité de garde : soit la garde juridique soit la garde matérielle. Il est rare que les animaux soient assurés (sauf pour les professionnels) et donc la victime sera mal dédommagée.

Régime

        La force majeure est acceptée mais peu souvent admise. Quand il y a procès, le présumé responsable tente le plus souvent de prouver que la victime avait eu un comportement fautif qui a entraîné le dommage. Les juges considèrent que pour retenir la responsabilité de la victime, il faut un vrai fait fautif, un comportement anormal. Les juges font, ici, l’application de la théorie des risques et admettent que la victime avait encouru le risque de l’accident du fait de l’animal. Dans un arrêt de 1999, la Cour de Cassation a estimé que le cavalier qui se promène dans une manade où des taureaux sont en liberté a accepté le risque encouru. Il existe aussi des hypothèses où les animaux causent des accidents de la circulation. En droit, la jurisprudence a retenu que le conducteur avait un recours contre le gardien de l’animal. Cela suppose que l’animal ait un gardien. Mais dans le cas par ex d’un sanglier, il peut y avoir recours contre l’administration. A l’inverse, la jurisprudence reconnaît la possibilité d’un recours contre l’automobiliste pour le gardien de l’animal fondé sur le droit commun (art. 1382 cc).

Chapitre 4 : L’action en responsabilité

        L’essentiel de la responsabilité est la mise en œuvre de celle-ci. Si on ne maîtrise pas les rouages de la procédure en action en responsabilité, il n’est pas rare de perdre le procès. C’est un domaine unitaire.

Section 1 : Règles de compétence

Paragraphe 1 : Qui

        Celui qui agit est le demandeur. Il agit contre le défendeur.

A.    Le demandeur

        Il est la victime du dommage. Il peut s’agir de deux types de victimes :
Personnes physiques
        * hypothèse d’une victime qui agit contre le responsable. Mais en pratique, la victime directe va agir de préférence contre l’assureur de l’auteur car beaucoup plus solvable. La jurisprudence reconnaît ici une action directe de la victime. Dans ce sens, il y a déresponsabilisation de l’auteur du dommage.
        * il y a également l’hypothèse où la victime elle même est assurée (assurance dommage). Ici, avant même d’aller trouver l’assurance de l’auteur, elle va voir son propre assureur. Dans ce cas, c’est l’assureur de la victime qui va se retourner contre l’assureur de l’auteur du dommage. A ce stade là, les assureurs essaient de s’entendre pour éviter d’aller devant les tribunaux.
        * action par les héritiers : 2 formes :
- action successorale : la victime est décédée entre temps et les héritiers poursuivent l’action de la victime.
- action personnelle : càd propre aux héritiers. C’est l’hypothèse des victimes par ricochet. Mais dans ce cas, la faute de la victime est elle opposable aux victimes par ricochet ? La jurisprudence a tendance à acquiescer dans ce sens.
Personnes morales
        Elles peuvent toujours demander réparation du dommage qu’elles ont personnellement subi ; par ex. une société pour acte de concurrence déloyale. Toutefois, la jurisprudence refuse aux associations le pouvoir d’agir pour réparer un intérêt collectif parce qu’il s’agit du rôle du ministère public sauf exceptions légales. Ces exceptions légales sont de plus en plus nombreuses (asso. De lutte contre le tabac, contre le racisme, asso. de consommateurs, familiale…).

B.    Le défendeur

        1ère hypothèse : auteur du dommage et de son assureur. C’est souvent l’assureur qui est le défendeur.
        2nde hypothèse plus compliquée car plusieurs coauteurs d’un dommage. On applique ici le principe de la réparation in solidum (cf. cours). Dans un procès où il y a pluralité d’auteur la victime ira vers le plus solvable. Mais le défendeur a une possibilité de recours contre les autres coauteurs mais il restera en définitive l’auteur principal car les autres sont moins biens assurés ou pas assurés.

Paragraphe 2 : Devant quel tribunal ?

Article 46 NCPC : 3 options :
Tribunal du lieu de résidence du défendeur
Tribunal du lieu du fait dommageable.
Tribunal où le dommage a été subi (lieu où la maladie est apparue).

        C’est le tribunal de grande instance qui est compétent. En matière de droit international, ces règles de compétence sont plus difficiles.

Section 2 : Prescription et effets de l’action

Paragraphe 1 : Prescription

        Pendant combien de temps ? si on prévoit un délai court, on prend le risque d’une judiciarisation. Si le délai est trop long, ce sont les assureurs qui s’exposent à prévoir des provisions sur plusieurs décennies. La prescription générale de droit commun qui est de 30 ans (art. 2262 cc) est ramenée à 10 ans par la loi Badinter de 1985 pour les actions en matière de responsabilité extracontractuelle avec comme point de départ la manifestation du dommage ou son aggravation (art. 2270-1 cc). Il existe des prescriptions spéciales dérogatoires beaucoup plus courtes et dangereuses pour les victimes. Ex : 2 ans pour les dommages aériens. Il existe aussi des points de départ spéciaux comme en matière d’accident nucléaire.

Paragraphe 2 : Effet quand l’action est possible

Quand naît le droit à réparation ?

        1ère thèse : le jour où le dommage est certain et où toutes les conditions de la responsabilité sont réunies.
        2nde thèse : le jour où le magistrat reconnaît le dommage et prononce le montant des dommages et intérêts.
        Avis du prof. : le droit à réparation apparaît le jour où le dommage s’est réalisé et c’est pourquoi ce droit se transmet aux héritiers. Par contre, le jugement va constater un droit préexistant et évalue (liquide) le dommage au jour du jugement.

Que recouvre la responsabilité et les volontés privées peuvent elles en limiter le domaine ?

        Les juges ont une tendance à une vision très large du dommage et interdisent les clauses qui vont limiter ou écarter la responsabilité délictuelle. Les juges sont favorables aux clauses qui déterminent les conditions d’existence de la responsabilité délictuelle.

Comment réparer ?

        La réparation en nature est toujours possible, mais en pratique les victimes se tournent vers une allocation de dommage et intérêt càd une somme d’argent versé intégralement en réparation du préjudice.

Peut on bénéficier de plusieurs indemnités ?

        La victime peut se retourner contre plusieurs auteurs et contre les caisses de Sécu. En principe, il n’y a pas de cumul possible parce qu’on parle de principes indemnitaires càd que la victime a droit d’être indemnisée de son préjudice mais ni plus ni moins. Or, ce n’est pas le cas. En matière d’assurance, on rencontre 2 grands types d’assurance : de dommages et de personnes.
Les assurances de personnes ont pour objet d’attribuer à des victimes une somme d’argent forfaitaire. Dans ce type d’assurance, le cumul est autorisé. Ex : souscription à des assurances vie, on peut souscrire plusieurs assurances vies.
Les assurances de dommages. Il existe deux grandes catégories :
                  - de chose
                  - de responsabilité
        Ce sont des assurances qui visent à prendre en charge les conséquences de la mise en œuvre de la responsabilité civile d’une personne ou qui visent à garantir la perte, le vol ou le dommage subi par une chose. Dans ce cas, la jurisprudence déclare que le cumul est impossible. Même s’il y a souscription de plusieurs assurances de responsabilité, une seule marchera.
        En matière de sécu, il faut distinguer :
Les préjudices corporels : il n’y a pas de cumul possible entre les indemnités versées par la sécu et celles versées par les assurances. La sécu a un recours contre les assurances ou l’auteur du dommage.
Les préjudices personnels : le cumul est possible. La jurisprudence admet que la victime puisse agir contre le responsable sans tenir compte des prestations versées par la sécu.
        Le plus souvent dans les procès, ce sont les assureurs et les organismes de sécu qui indemnise en 1er la victime du dommage en payant à la place du responsable. C’est pourquoi la loi leur accorde un recours contre l’auteur du dommage ou son responsable. On parle ici de recours subrogatoire càd la transmission d’une action dont disposait la victime après qu’elle est fait l’objet d’un paiement par le subrogeant (assurances, sécu).

Titre 2 : Les régimes spéciaux de responsabilité

        Ce sont ceux issus de la loi. Ils sont de plus en plus nombreux. Toutefois, certains ne peuvent pas être ignorés tels que ceux liés aux VTM, aux produits défectueux et aux accidents médicaux. Ils existent quand même des points communs entre ces responsabilités.

Chap. 1 : Action en indemnisation des victimes d’accidents de la circulation

        Rappel historique : les accidents de la circulation ont donné, depuis près d’un siècle, une jurisprudence considérable. Dès les années 50, la doctrine et le pouvoir politique ont essayé de réfléchir sur une réforme, mais ils n’y arrivent pas. Ils vont donc s’attacher aux assurances avec la création de fonds de garantie et les assurances obligatoires. Il faut attendre Badinter pour qu’une réelle réforme aboutisse sous la forme de la loi de 1985. Cette loi n’est pas codifiée dans le code civil. C’et une loi qui reprend les grandes lignes de la réforme des années 50. A sa lecture, on remarque que la force majeure n’est plus une cause d’exonération et c’est la 1ère fois qu’elle ne l’est plus. Toutefois, la faute inexcusable de la victime devient une cause d’atténuation. La loi dit que seule la faute intentionnelle de la victime est cause exonératoire si c’est dans le but d’en finir et si la victime a plus de 75 ans ou moins de 16 ans. Cette loi constitue un régime autonome d’indemnisation et qui est décroché des principes classiques de la responsabilité. Les juges l’ont d’ailleurs affirmé. La loi parle de droit à indemnisation et non pas de responsabilité. On ne cherche pas de responsable dans cette loi. Si la force majeure n’exonère plus c’est que l’on est sorti d’un système de causalité. C’est juste une question d’implication. La loi raisonne à partir de la victime et non pas à partir de l’auteur du dommage. Tout VTM donne droit à la victime d’être indemnisé et réglé par l’assurance du véhicule.

Section 1 : Les conditions d’applications

        C’est l’art. 1er de la loi qui donne le ton en matière de domaine. Il dispose que « les dispositions de ce chapitre s’appliquent même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. ». C’est une loi qui s’applique même en matière contractuelle. Il y a 2 conditions d’application. Cette loi pose également deux exceptions qui sont les chemins de fer et les tramways circulant sur leur propre voie.

Paragraphe 1 : Un accident de la circulation

       La notion d’accident est bien connue du droit des assurances. L’accident s’entend comme un évènement soudain, fortuit càd imprévu qui exclut les actes volontaires. Si l’accident est intentionnellement formé, il n’y a aucune indemnisation. Que faut il entendre par circulation. La jurisprudence a retenu une vision large de la notion de circulation. La circulation n’implique pas le mouvement. Les juges retiennent l’application de la loi lors d’accident où le véhicule est à l’arrêt. La jurisprudence ne distingue plus si le véhicule est à l’arrêt ou en mouvement. Il suffit que le véhicule soit l’instrument du dommage. Que décider si le véhicule est en stationnement sur un lieu fermé à la circulation. La jurisprudence a dit que dans ce cas le véhicule n’est pas considéré en circulation. Mais les juges ont estimé que la circulation ne se réduit pas à la circulation routière. Elle inclut la circulation sur d’autres voies (champs, parking privé, parking souterrain, plage, voies privées…). En cas de compétition automobile, les juges ont fait une distinction. La loi s’applique lors de compétition sur circuit fermé où les victimes sont spectateurs. En revanche, la loi est inapplicable entre concurrents participant à la compétition. Dans des arrêts récents, la question s’est également posée de savoir si la loi était applicable à des véhicules dits outils qui ne sont pas destinés à être déplacés (ex : engin de chantier) et qui ne sont donc pas dans la circulation. Les juges ont refusé l’application de la loi lorsque l’engin est immobilisé et que l’accident est sûrement dû à la fonction de l’engin et non pas à la fonction de circulation de l’engin. A contrario, si l’accident est dû à la fonction de déplacement, la loi de 1985 s’applique. Les juges restent très ouverts sur la notion de circulation.

Paragraphe 2 : L’implication d’un véhicule terrestre à moteur (VTM)

        L’implication d’un VTM est une notion qui a suscitée des divergences doctrinales et jurisprudentielles.
Il y a trois conceptions :
L’implication n’a rien à voir avec la causalité. Le véhicule est impliqué dès qu’il a joué un rôle quelconque dans la réalisation du dommage.
Il n’y a pas rupture entre l’implication et la causalité. Le véhicule est impliqué quand il est une condition du dommage.
Le véhicule est impliqué dès lors qu’il a joué un rôle probable dans la réalisation du dommage.

        Cette notion d’implication est plus large que la notion de causalité, mais c’est également un peu plus flou. Il faut distinguer 3 hypothèses :
        1ère hypothèse : le véhicule est en mouvement et heurte la victime. Dans ce cas, l’implication du véhicule est nécessairement établie.
        2ème hypothèse : le véhicule est à l’arrêt et il y a eu contact avec la victime. Dans un 1er temps, les juges ont raisonné comme en matière de fait des choses. Puis dans un arrêt de 1994, la Cour de Cassation a abandonné ce raisonnement et a décidé que le fait qu’un VTM soit en stationnement sans perturber la circulation n’exclut pas son implication dans l’accident. En 1995, la Cour de Cassation a jugé qu’est nécessairement impliqué tout VTM qui a été heurté qu’il soit à l’arrêt ou non. Il y a unification et simplification des règles. Il suffit que la victime prouve qu’il y a eu contact.
        3ème hypothèse : le véhicule est en mouvement ou est immobile et il n’y a pas de contact avec la victime. C’est dans cette hypothèse que la question est la plus subtile. Les tribunaux ont dit que la victime devait apporter la preuve que le VTM avait joué un rôle quelconque dans l’accident. L’implication n’est pas présumée. C’est à la victime de prouver l’implication. L’exigence de causalité est plus forte. Dans un arrêt : une victime sur moto descendait une route la voiture devant elle a freiné brusquement et la victime a perdu le contrôle de la moto ; la Cour de Cassation a jugé que le véhicule avait joué un rôle quelconque et que cela suffisait pour déclencher une action.
        Dans un arrêt du 18/03/98, la Cour de Cassation a admis l’implication sans contact d’un véhicule que la victime dépassait lorsqu’elle est entrée en collision avec un véhicule venant en face car le véhicule était une condition du dommage. Seule limite : dans un arrêt de 1999, la Cour de Cassation a refusé l’implication parce qu’elle ne relevait que d’une appréciation subjective de la victime. Quelle est la fonction de l’implication ? On s’est demandé cela après application de la loi. L’implication de la loi de 1985 est une condition d’application de la loi mais également une condition de la mise en œuvre de la responsabilité. Sur ce point, il y a eu des divergences. Ceux qui voyait la loi comme une loi non autonome soutenait que l’implication était uniquement une condition d’application de la loi. Pour eux, le responsable devait être soumis à l’article 1384. Cette thèse n’a pas été retenue par les juges car pour les juges, cette loi est autonome. Il faut donc admettre que l’implication joue un double rôle càd condition d’application de la loi et condition de désignation du débiteur de l’indemnisation. Il y a quand même une distinction entre l’implication du véhicule dans l’accident et l’implication du véhicule dans le dommage. Dans un accident, il faudra se demander quel est le niveau d’implication des véhicules pour trouver le véritable débiteur.
On peut distinguer deux grandes hypothèses :
Soit un véhicule impliqué : la jurisprudence a posé une présomption. Lorsque la victime prouve que le véhicule du défendeur est impliqué dans l’accident, il y a présomption (simple) que le véhicule est également impliqué dans le dommage.
Soit plusieurs véhicules impliqués : lorsque la victime démontre que c’est lors du 1er choc qu’elle a été endommagée et que peut de temps après, il y a eu un 2nd choc avec un autre véhicule et que l’on ne peut pas prouvé que le 2nd choc a aggravé la situation, la Cour de Cassation a posé une présomption ; l’implication dans l’accident entraînait implication dans le dommage. Tous les véhicules sont impliqués et la victime peut demander réparation à tous les véhicules. Il s’agit là d’une présomption simple.
A la suite d’un 1er choc la victime est décédée, si le véhicule venant après peut démontrer qu’il ne peut pas être le responsable du décès, il pourra s’exonérer de sa responsabilité.

Notion d’implication d’un VTM.

        En droit des assurances, il s’agit de tout véhicule destiné aux transports de personnes, de choses qui circulent sur le sol et qui sont mus par une force motrice. Le vélo n’est pas un VTM. Les VTM sont les automobiles, les motos, les chasses neige, les tracteurs, les trottinettes à moteur, les solex…. Mais il existe des hypothèses où la jurisprudence a dit non : les voitures électriques des manèges, les tondeuses à gazon autoporteuse…
La loi exclut les tramways et les chemins de fer, mais certaines questions se posent. C’est l’article 1er de la loi qui exclut ces deux catégories. Les juges ont opéré une distinction. Pour la jurisprudence, si l’accident intervient entre une auto et un tram ou un train lorsque ce tram ou ce train traverse la circulation routière, on considère que la loi Badinter est applicable et le tram ou le train est considéré comme des VTM. La Cour de Cassation estime que la loi ne peut être opposée contre le conducteur. En revanche, elle dénie au train ou au tram le droit d’opposer la loi Badinter aux VTM. La SNCF et la régie du tramway a une action mais ne peut pas invoquer la loi Badinter, elles ne pourront invoquer que le régime normal de responsabilité. C’est une vision critiquable.
Il y a une volonté de généraliser la loi Badinter à la condition que les victimes soient conductrices, passagers de VTM ou piétons.

Section 2 : L’exercice de l’action

       Il faut comprendre les principes généraux concernant cette action en justice.
Du point de vue des victimes, la loi distingue 3 sortes de victimes :
Les victimes non privilégiées : ce sont les conducteurs des VTM. Ce sont des personnes qui conservent la maîtrise du véhicule. Ca désigne celui qui conduit mais aussi les personnes qui ont un véhicule immobilisé. Il n’y a pas de distinction entre les différents types de conducteurs. Il est injuste de considérer que le conducteur est moins privilégié que le passager d’un VTM. Le conducteur est la victime la moins bien lotie. On limite leur droit à réparation.
Les victimes privilégiées : ce sont les non conducteurs. Ici, leur faute n’est pas une cause d’exonération. La loi prévoit que seule la faute inexcusable de la victime et à condition qu’elle soit exclusive du dommage peut être invoquée contre la victime.
La faute inexcusable est la faute volontaire d’une exceptionnelle gravitée qui expose sans raison valable son auteur à un danger auquel il aurait dû avoir conscience. C’est une définition exigeante de la Cour de Cassation : il faut une inconscience par rapport au danger. Les juges en ont une conception très stricte. Ex : la personne qui traverse une autoroute.
Les victimes privilégiées sont les piétons, les cyclistes, les personnes défénestrées.
Mais même avec la faute inexcusable, pour que le responsable soit exonéré, il faut que cette faute soit la cause exclusive du dommage.
Les victimes super privilégiées : ce sont les personnes non conductrices de moins de 16 ans et de plus de 75 ans. Dans ce cas, même la faute inexcusable n’est pas prise en considération. La loi ne retient que la faute intentionnelle pour limiter l’indemnisation.

La loi opère une distinction importante entre les dommages causés aux biens et ceux causés aux personnes. 
Les dommages causés aux biens : ce sont les dommages matériels. La loi dispose que toute faute de la victime est de nature à limiter ou à exclure la responsabilité.
Les dommages causés aux personnes : ce sont les préjudices corporels. Dans ce cas, on retombe sur le régime de la victime.

La loi Badinter pose un régime très protecteur mais toutefois, il s’agit aussi d’un régime nuancé.

Paragraphe 1 : Hypothèse simple : un auteur et une victime

        C’est la victime de l’accident ou ses héritiers si celle-ci est décédée qui peuvent déclenchée l’action en réparation. Elle bénéficie de la loi qu’elle voyage avec ou sans contrat (bus ou autostop). Pour le défendeur, on parle tantôt d’auteur de l’accident, tantôt de conducteur ou de gardien. Pour les juges, les débiteurs de l’indemnisation sont soient les gardiens, soient les conducteurs. Pour les gardiens, on utilise la conception normale. Le problème réside dans le transfert de garde. Le gardien qui passe son véhicule ç un passager pendant qu’il dort, reste gardien. Les juges ont tendance à dire que le gardien est le propriétaire. La définition de conducteur (cf. ci-dessus) peut différer de celle de gardien. Le véritable débiteur est l’assureur. La loi a prévu une procédure spéciale d’indemnisation propre à la matière. Quand il n’y a pas d’assurances, il existe le fond de garantie automobile.

Paragraphe 2 : Hypothèse complexe : plusieurs coauteurs et/ou victimes

        La philosophie générale de cette loi c’est que le régime favorable d’indemnisation des victimes ne peut être invoqué qu’à l’encontre des gardiens de VTM et de leurs assureurs. S’il n’y a pas d’assurances obligatoires, il n’y a pas d’action de la loi Badinter. Cette idée va être retrouvée lors d’accident complexe. Ex : un cycliste brûle un feu rouge, une voiture veut l’éviter et renverse un piéton ; les 3 sont blessés. Logiquement c’est l’assureur du conducteur qui va devoir payer alors que le conducteur n’est pas responsable de l’accident. L’assureur peut se retourner contre le cycliste auquel on lui opposera l’art. 1382 et non pas la loi Badinter. C’est un régime distributif. La loi ne peut profiter qu’aux victimes des VTM. La jurisprudence en 1999 dit que la loi ne peut pas être invoquée pour la victime qui est le conducteur du VTM. Dans l’hypothèse de l’accident de circulation mettant en cause un piéton et un conducteur, le piéton peut agir contre le conducteur en appliquant la loi Badinter. En revanche, le conducteur, lui, invoquera le droit commun et l’application de l’art. 1382. Pour la jurisprudence, il faut distinguer qui invoque la loi Badinter. Ex : hypothèse où il y a un ou plusieurs conducteurs, un piéton et un cycliste. On sait que le piéton peut agir contre le ou les conducteurs en vertu de la loi Badinter et inversement mais avec l’application de l’art. 1382 cc. La jurisprudence a décidé, qu’en ce qui concerne le cycliste, on pouvait appliquer l’art. 1384 al. 2 cc car il est gardien de son vélo. De ce fait, la situation du cycliste est peu enviable car l’art. 1384 al. 1 cc l’expose à une responsabilité de plein droit. Les victimes non conductrices mais déclarées responsables voient leur statut beaucoup moins protégé, ce qui créé un élément de complexité. La loi Badinter est une loi spéciale mais qui ne fait pas disparaître le droit commun.

Chapitre 2 : La responsabilité du fait des produits défectueux

        Ce régime spécial de responsabilité est issu d’une directive européenne du 25/07/1985. La France a traîné les pieds en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ce qui a entraîné une condamnation de la France par la CJCE à de lourdes amendes. Il a fallu attendre une loi du 19/05/1998 pour que la France transpose cette directive. En 1998, en France, de nombreux problèmes dus à divers produits sont apparus, ce qui a eu des répercussions sur la loi. C’est un texte qui accroît la responsabilité des producteurs et des entreprises. Les entreprises estimaient qu’ils n’avaient pas à supporter tout le poids de la réparation, ils voulaient une participation de l’Etat. Il n’existe pas de fond de garantie et il n’y a pas d’assurances obligatoires. Fin 2002, la CJCE vient de condamner la France pour mauvaise transposition de la disposition. La loi de 1998 est en vigueur et est codifiée dans le code civil aux articles 1386-1 et s. cc. A l’origine, la directive de 1985 avait pour inspiration la protection des consommateurs. Le législateur français a préféré l’insérer dans le code civil pour protéger toutes les victimes et plus seulement les consommateurs. 

Section 1 : Le domaine

        Le domaine de la loi va rogner sur celui de la responsabilité du fait des choses. Il en réduit le champ d’application.

Paragraphe 1 : Les producteurs

        C’est une notion nouvelle, une notion économique qui désigne le professionnel qui fabrique un produit fini, qui produit les matières 1ères ou qui fabrique une partie composante du produit (art. 1386-6 cc). A coté de cette définition, la loi va élargir à d’autres professionnels la qualité de producteur. Il faut ajouter tous les professionnels qui se contentent d’apposer une marque sur le produit et tout ceux qui importe des produits dans l’union européenne. La loi exclut tout de même les constructeurs immobiliers car en matière immobilière, il existe un régime spécial de responsabilité. Ces producteurs désignent des professionnels de nature très différents du secteur commercial. On retrouve tous les intermédiaires qui ont amené le produits jusqu’aux consommateurs. Ce qui va permettre des recours entre les producteurs. Ici, la loi ne s’attache pas à la nature du contrat qui existe entre la victime et le producteur.

Paragraphe 2 : Les produits

        L’art. 1386-3 cc donne la définition de la notion de produit : « est un produit tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche. L’électricité est considérée comme un produit. ». Il existe des exceptions mais elles sont indirectes. Il s’agit de réserver les produits du corps humain (sang, sperme) et les produits de santé (vaccins, médicaments…).

Paragraphe 3 : Les dommages réparables

       La loi dispose qu’elle s’applique à tous les dommages (personnels et matériel à la condition qu’il soit différent du bien défectueux). Tous les préjudices sont susceptibles d’être réparés sauf les dommages causés au produit défectueux qui ne sont pas couverts par la loi. Quel recours a le propriétaire du produit ? C’est le régime de la vente, du vice caché qui permettrait le remboursement du produit. La loi ne distingue pas selon la nature des victimes. Il n’y a pas de différence entre les consommateurs et les producteurs. Que l’on soit consommateur ou producteur, on peut bénéficier de l’application de la loi de 1998. Toutes les victimes vont être indemnisées quelque soit le lien contractuel entre le producteur et la victime ; peu importe qu’il y ait un lien contractuel ou pas. On est donc dans un domaine très large.

Section 2 : Le régime

Paragraphe 1 : Les conditions de la responsabilité du producteur

        1er élément : existence d’un défaut de sécurité du produit. Art. 1386-1 cc « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit lié ou non par un contrat avec la victime ». Il est responsable du défaut et la loi énonce à l’art. 1386-4 cc ce qu’est un défaut de sécurité : « un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. ». Cette définition demeure très vague. Cette responsabilité ne repose pas simplement sur la constatation d’un fait dommageable. Il faut un dommage, un lien de causalité mais l’élément déterminant est le défaut de sécurité. Pour que la responsabilité soit mise en œuvre, il faut apporter la preuve d’un défaut, d’une anomalie qui rend le produit dangereux. Il y a une obligation de sécurité mais qui est envisagée de façon très abstraite. On laisse au juge l’appréciation de la notion de sécurité d’un produit. La loi prévoit explicitement que le juge doit tenir compte de toutes les circonstances y compris de la présentation et l’usage du produit qui peut en être attendu ainsi que le moment de sa mise en circulation. Le caractère obsolète n’est pas un cas de défectuosité du produit.
        2ème élément : la mise en circulation du produit. Il s’agit d’une notion nouvelle. La mise en circulation conditionne énormément d’obligation. Il s’agit du moment où le producteur s’est dessaisi du produit et le rend accessible au marché càd aux revendeurs et aux consommateurs, et il n’y a qu’une seule mise ne circulation comme l’énonce l’art. 1386-5 cc « un produit est mis en circulation lorsque le producteurs s’en dessaisi volontairement. Un produit ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation. ». A partir de là, on va conditionner la date d’appréciation du produit. C’est aussi au moment de la mise en circulation que l’on va apprécier les causes d’exonération du responsable et également le point de départ des délais d’action et de prescription d’agir.
        3ème élément : qui sont les responsables du défaut de sécurité. On sait qu’a priori le responsable est le producteur càd un professionnel qui peut soit avoir été fabricant du produit soit le producteur d’une matière 1ère soit celui qui appose une marque ou un signe distinctif sur le produit soit celui qui importe le produit soit le simple vendeur, loueur ou fournisseur. Seuls sont exclus les constructeurs d’ouvrages immobiliers mais pas les fabricants de produits de constructions. Ils sont responsables de plein droit (expression qui ne figure pas dans la loi).

Paragraphe 2 : Les causes d’exonération

        Il s’agit là de la question qui a suscité le plus de controverse. Le législateur se donne le mal de définir les causes d’exonération dans l’art. 1386-11 cc. La loi prévoit une liste qui semble limitative et une liste des causes qui seraient écartées.
Causes d’exonération acceptées :
Si jamais le producteur démontre qu’il n’a pas mis le produit en circulation. Hypothèse dans laquelle un producteur est jugé responsable car il a vendu un produit à un vendeur et que celui-ci se retourne contre le producteur ou le fournisseur.
Compte tenu des circonstances, le défaut qui a causé le dommage n’était pas caractérisé ou si le défaut est intervenu a posteriori.
Le produit n’était pas destiné à la commercialisation.
L’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation n’a pas permis de déceler le défaut. C’est le concept du risque de développement. La France n’était pas obligée de prévoir cette cause d’exonération et beaucoup d’autres pays européens ne l’ont pas retenu. Mais la France a estimé qu’il fallait conserver la compétitivité des entreprises
Pour les produits du corps humains et de santé : exclusion de l’exonération du risque de développement (art. 1386-12 cc). Dans le prolongement de l’affaire du sang contaminé, le gouvernement a décidé d’exclure de la loi les produits de santé destinés à l’homme. Le législateur ne l’a pas écrit dans la loi donc a priori rien ne s’oppose à l’application de la loi et des causes d’exonération. Le gouvernement a donc pris l’engagement de créer une loi sur la responsabilité du fait des produits de santé. Mais dans la loi Kouchner, rien n’est prévu pour les produits de santé.
La loi énonce que si le défaut est dû à la conformité, à des règles impératives, réglementaires ou législatives, on a une cause d’exonération.
La loi prévoit à l’art. 1386-12 cc que le professionnel à l’obligation de suivre la dangerosité de son produit dans les 10 ans après la mise en circulation pour prévenir les conséquences dommageables.
Le professionnel est dans l’obligation d’adapter la sécurité de son produit en fonction des circonstances et s’il ne le fait pas la loi prévoit qu’il ne sera pas en mesure d’invoquer le risque de développement.
La faute de la victime est retenue comme cause d’exonération. Mais on ne parle pas de la force majeure.
Causes d’exonération refusées :
Le fait d’un tiers. Le respect des normes existantes des règles de l’art ou des autorisations administratives ne sont pas des causes d’exonération.

Paragraphe 3 : Le régime de l’action

Les clauses limitatives ou écartant la responsabilité sont nulles. C’est un régime d’ordre public. Sauf en ce qui concerne les contrats entre professionnels et les dommages causés aux biens.
La loi prévoit un système de délai de 10 ans à compter de la 1ère mise en circulation et d’un délai d’action de 3 ans qui s’inscrit dans le délai de 10 ans et qui part à partir du moment de la connaissance du dommage.
La loi prévoit qu’elle s’articulera avec le droit commun. La victime a le choix entre la loi de 1998 et le droit commun.
        Toutes les nouvelles lois de responsabilité s’éloignent de la présentation de la responsabilité de droit commun.

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